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2 décembre 2010
Par Marie Gagnon

Le centre de tri Tricentris, à Terrebonne, un bâtiment certifié LEED-NC, niveau Or.

À l’heure actuelle, non seulement les bâtiments industriels frappés du sceau LEED sont-ils encore peu nombreux au Québec, mais jusqu’ici, aucun centre de tri à l’échelle du pays n’avait été promu à une telle distinction environnementale. Le 22 avril dernier, Tricentris est venu combler ce vide national en devenant le premier centre de tri de matières résiduelles à décrocher le niveau Or de la certification LEED-NC. Une reconnaissance sans précédent pour la corporation qui dessert plus de 75 municipalités et qui a vu ses efforts récompensés à leur juste valeur.

Qu’une industrie à vocation environnementale loge à l’enseigne du développement durable n’a pourtant rien d’extraordinaire. Cela semble plutôt aller de soi. Mais dans les faits, c’est tout autre chose, signale Celia Sayers, chargée de projet chez Tricentris. « En termes de points, c’est la catégorie Énergie et atmosphère qui a le plus de poids dans la grille d’évaluation LEED, dit-elle. Sauf que dans un bâtiment où les portes s’ouvrent et se referment constamment, les cibles énergétiques sont difficiles à atteindre. C’est d’ailleurs là où nous avons perdu le plus de points. »

La performance globale de l’usine de Terrebonne, en permettant des économies d’énergie d’environ 29 % par rapport à une construction standard, n’en est pas moins enviable. Il faut dire que, pour y arriver, les concepteurs ont d’abord joué d’astuce en intégrant l’efficacité énergétique dans le design même de l’usine de 4 180 mètres carrés. Ils ont en effet opté pour une configuration en « U », plutôt que pour un design linéaire conventionnel, ce qui évite de chauffer l’aire dévolue à la réception, à l’expédition et à la mise en ballots des matières recyclables.

La deuxième salle, où s’effectue le tri mécanique, est essentiellement occupée par des machines. Elle n’est donc que légèrement chauffée et climatisée à même les effluents d’air provenant de la salle de tri manuel. Cette dernière, séparée des parties « réception/expédition » et « mécanique » par un mur affichant un facteur d’isolation de 28 % supérieur à la norme, tout comme le reste de l’édifice d’ailleurs, offre en outre aux trieurs des conditions de travail saines, à l’abri du bruit et de la poussière.

À ces prémisses architecturales s’ajoute un mur solaire de 71 mètres carrés, sur la face sud du bâtiment, pour préchauffer l’air neuf. « Le soleil est fortement mis à contribution dans nos installations, souligne Celia Sayers. Tous les bureaux et les espaces communs sont dotés de fenêtres ouvrantes offrant une vue vers l’extérieur. L’aire de tri profite également d’un éclairage naturel abondant grâce à une combinaison de fenêtres et de puits de lumière. Selon le degré d’ensoleillement, on peut réduire l’éclairage artificiel jusqu’à 50 %. »

La porte-parole de Tricentris ajoute que des sondes de température, de CO2 et de détection de luminosité, disposées dans des endroits stratégiques du bâtiment, collectent en continu des données. Celles-ci sont analysées par un système central qui règle les équipements d’éclairage, de chauffage, de ventilation et de climatisation en fonction des besoins, de manière à éviter le gaspillage. Ces différents systèmes permettent en outre aux gestionnaires de quantifier le rendement énergétique réel du bâtiment.

Le verre s’éclate

Toujours dans l’optique d’optimiser son bilan énergétique, Tricentris a choisi un système géothermique composé de huit puits forés à 183 mètres de profondeur, couplés à six thermopompes, pour la climatisation et le chauffage de ses espaces. C’est d’ailleurs ce système, que suppléent des plinthes électriques en période de grand froid, qui a valu au projet un point supplémentaire dans la catégorie Innovation. Et qui lui a permis de décrocher l’Or plutôt que l’Argent.

« Nous recevons plus de 16 000 tonnes de verre par année, une matière recyclable qui ne trouve pas preneur actuellement, expose Mme Sayers. Nous avons donc chargé la firme de consultants Golder et Associés de comparer les paramètres thermiques de différents matériaux de remplissage pour les forages, dont le sable de verre pulvérisé. L’École Polytechnique et la Société des alcools du Québec ont également participé à cette recherche. »

Elle précise que les matériaux les plus souvent utilisés à cette fin sont le coulis de bentonite-sable et le coulis de bentonite-ciment. Lorsque les conditions hydrogéologiques s’y prêtent, le sable de quartz est aussi employé en raison de son faible coût et de sa mise en œuvre rapide. Aux fins de ce projet de recherche, quatre puits d’essai ont été forés, chacun rempli d’un des matériaux précités. Pendant sept jours, un système a enregistré en continu la puissance de chauffage, le débit de circulation et la température du fluide caloporteur, en divers endroits.

Les résultats se sont avérés probants. L’étude a en effet démontré que le sable de verre pulvérisé présente des propriétés thermiques comparables à celles du coulis de ciment-bentonite, un matériau largement utilisé sous nos latitudes. Mieux encore, en période de gel, alors que la demande en chauffage atteint des sommets, la présence d’eau interstitielle peut contribuer à augmenter la conductivité thermique du sable de verre de 45 %.

« Le sable de verre est peu coûteux à produire et se met en place très facilement, ce qui en fait une solution avantageuse pour les systèmes de petite et moyenne envergures, note la chargée de projet. C’est aussi un matériau très écologique. La transformation du verre n’émet aucun gaz à effet de serre et son recyclage diminue d’autant la pression sur la ressource. Sans compter qu’il offre une nouvelle avenue pour un matériau qui n’a pas sa place présentement dans le marché des matières recyclables. »

En plus de se retrouver comme matériau de remplissage dans cinq des huit puits géothermiques, le verre a aussi été mis à profit dans les revêtements de sol de la section bureaux, au rez-de-chaussée, et de la cafétéria, au second niveau de l’édifice. En collaboration avec Lafarge et l’Université de Sherbrooke, Tricentris a en effet mis à profit un mélange spécial de béton où les gros agrégats de pierre sont remplacés par des éclats de verre concassé issu de la collecte sélective.

Le caractère innovant de ce dernier projet pilote n’a cependant pas été pris en compte par le Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa). Toutefois, en faisant grimper  à 20 % la valeur en contenu recyclé des matériaux mis en œuvre dans le bâtiment, ce béton de verre a tout de même mérité à Tricentris un point supplémentaire dans la catégorie Matériaux et ressources. Un critère plutôt difficile à satisfaire, selon la porte-parole de la corporation, en raison de la rareté de ce type de matériau à l’échelle régionale.

Ce qui n’a pas empêché Tricentris de récolter au final 39 points sur les 41 soumis à l’examen préliminaire du CBDCa, le 29 avril 2009. Pas mal pour un bâtiment dans lequel on a investi quelque 500 000 dollars en mesures écologiques, soit environ 13 % de son coût de construction s’élevant à 3,75 millions de dollars. « Nous aurons récupéré notre mise en 2014, soit sept ans après la mise en service, estime Celia Sayers. Mais déjà, après seulement un an et demi d’activité, le mur solaire s’est payé à même les économies d’énergie de près de 26 000 kilowattheures qu’il génère par année. »

Mesures durables
  • Système géothermique formé de huit puits couplés à six thermopompes
  • Toiture végétale de 204 m2
  • Revêtement à haute réflectivité sur 91 % du toit
  • Plus de 20 % des matériaux de provenance régionale
  • Mur solaire de 71 m2
  • Réduction de la consommation d’eau totale de plus de 50 %
  • Aménagement paysager ne nécessitant aucune irrigation
  • Traitement des eaux usées par roseaux filtrants
  • Rebuts de construction détournés à 81 % des sites d’enfouissement
  • Plus de 70 % des éléments de construction en bois certifiés FSC
  • Etc.

 

Équipe de projet

Promoteur : Tricentris, centre de tri
Architecture : Campanella & Associés
Génie structural : CLA Experts-conseils
Génie électromécanique : Piette Rivest & Associés
Construction : Première Design-Construction
Consultation LEED : Blouin Tardif  Architecture