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Lutte contre les changements climatiques et adaptation dans l’immobilier résidentiel : portrait québécois

6 février 2020
Par Éline Bonnemains*

Boma Québec CHRONIQUE DE VIVRE EN VILLE
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La nécessité de lutter contre les changements climatiques et de s’adapter à leurs effets n’est pas une découverte pour les développeurs immobiliers résidentiels. Un éclairage nouveau peut néanmoins être apporté sur cette question afin d’accélérer le passage à l’action.

C’est notamment ce que cherche à faire Vivre en Ville dans le cadre de son projet Construire avec le climat, qui vise à sensibiliser et à accompagner des développeurs immobiliers québécois intervenant dans les milieux où se concentrent les populations vulnérables.

Le point de départ : une étude de besoins auprès des développeurs immobiliers

Au cours de l’été 2019, Vivre en Ville a collecté, par des rencontres et un questionnaire en ligne, les avis et les éclairages des acteurs de l’immobilier résidentiel.

L’étude a révélé plusieurs niveaux de connaissances et de pratiques dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques chez les développeurs immobiliers : certains ont fondé leur firme dans une optique de ne produire que des projets allant dans ce sens, d’autres répondent simplement à la demande à la carte (ville, clients, etc.), d’autres encore ne veulent mettre en place que des mesures de marketing.

Il est donc difficile et inopportun de dresser un portrait unique des développeurs immobiliers résidentiels au Québec tant les profils, les motivations et les connaissances sont diversifiés.

Cependant, de grands constats et tendances se dégagent de cette étude :

  • Tous ont conscience de l’impact de leur secteur d’activité sur les changements climatiques;
  • À l’inverse, les effets des changements climatiques sur les bâtiments et leurs occupants sont encore méconnus;
  • La certification LEED est perçue comme de haut niveau mais n’obtient pas l’unanimité, non pas à cause de son contenu, mais en raison des coûts associés à la démarche de certification;
  • La construction de logements sociaux, communautaires et abordables, de par les programmes de financement, atteint très généralement la certification Novoclimat, mais ne vas pas au-delà (par manque de budget, de ressources, etc.);
  • La plupart des freins rencontrés pour l’amélioration des pratiques, en ce qui a trait à la lutte contre les changements climatiques et à l’adaptation à leurs effets, sont liés à la crainte (justifiée ou non) que cela entraîne des coûts de construction supplémentaires.

Si le rôle des instances publiques en termes de réglementation est souvent évoqué comme un frein (procédures de dérogation trop longues, règlementations changeantes d’une municipalité à une autre, manque d’aide financière pour amorcer les changements, etc.), il existe d’autres possibilités de faciliter le passage à l’action que le projet Construire avec le Climat propose :

  • partage de projets inspirants et d’informations thématiques chiffrées sur une plateforme web;
  • échange de bonnes pratiques entre pairs et accompagnements individuels;
  • création d’argumentaires pour convaincre et amorcer des changements auprès des parties prenantes d’un projet immobilier, etc.

Le rôle du secteur immobilier résidentiel dans les changements climatiques

Le secteur résidentiel est à l’origine de 4,8 % des émissions québécoise de GES et de 19 % de la consommation énergétique. La croissance démographique, jumelée à l’augmentation de la taille moyenne des logements, fait en sorte que, malgré une baisse  des émissions totales de GES depuis les années 1990, la demande globale en énergie du secteur résidentiel ne diminue pas en conséquence. De plus, la localisation même du bâtiment peut être source de consommation énergétique en transport d’autant plus importante lorsque les logements sont situés dans des milieux faiblement denses et que le mode de transport majoritaire est la voiture.

Par ailleurs, ce secteur peut aussi accroître les effets néfastes des changements climatiques, en amplifiant par exemple :

  • les vagues de chaleur : la rediffusion nocturne de la chaleur absorbée en journée contribue à l’effet d’îlot de chaleur urbain. La climatisation des bâtiments accroît également les pics de chaleur;
  • les inondations : l’imperméabilisation des sols est accentuée principalement par les aménagements extérieurs comme les aires de stationnement, ainsi que par l’emprise au sol des bâtiments;
  • l’érosion de la biodiversité et des services écosystémiques : la surconsommation des ressources naturelles par le secteur de la construction et les pressions de l’urbanisation sur les milieux agricoles et naturels ont des effets importants.

Les impacts des changements climatiques sur les bâtiments résidentiels et la santé des occupants

Malgré la variabilité climatique importante à laquelle est soumis le cadre bâti au Québec, les aléas météorologiques plus fréquents et plus intenses liés aux changements climatiques constituent des défis additionnels pour les bâtiments, tant dans leur conception que dans leurs différents aspects d’opération, d’entretien et de gestion.

Les principaux impacts anticipés sur les bâtiments concernent le rythme d’usure et les défaillances de l’enveloppe, de la structure et des matériaux utilisés. La performance de certains systèmes mécaniques et électriques risque également d’être affectée. Enfin, l’approvisionnement en énergie est identifié dans plusieurs analyses comme l’une des principales sources de vulnérabilité des bâtiments et de leurs occupants.

En outre, les effets néfastes des changements climatiques peuvent avoir des répercussions négatives sur la santé et le confort des occupants. Au-delà des dommages et des bris majeurs sur les bâtiments, qui mettent directement en péril les occupants, plusieurs phénomènes peuvent affecter la santé des occupants : la dégradation de la qualité et l’augmentation de l’humidité de l’air intérieur ainsi que l’accroissement de la température intérieure, notamment en été. Il est important de noter que l’ampleur de ces répercussions est fortement corrélée à la vulnérabilité des occupants.

La vulnérabilité aux changements climatiques : un concept à éclairer

L’étude de besoin a mis en lumière le manque de corrélation faite entre les changements climatiques, l’émergence de populations vulnérables et le rôle du logement dans la vulnérabilité de ses occupants.

Il existe une multitude de cadres conceptuels de la vulnérabilité et de ses facteurs. La définition retenue par le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) et adoptée par de nombreux auteurs est celle de la propension ou de la prédisposition à subir des dommages. Davantage qu’une simple exposition au risque, la vulnérabilité est fonction du caractère, de la magnitude ou du taux d’évolution des changements climatiques, mais aussi du degré auquel un système est exposé, de sa sensibilité et de sa capacité d’adaptation.

Ainsi, la vulnérabilité d’une population aux changements climatiques est le résultat de l’interaction de trois paramètres : l’exposition (présence d’une population sur un territoire exposé à un aléa météorologique), la sensibilité (en référence aux conditions socioéconomiques et/ou géographiques qui rendent les populations particulièrement vulnérables et susceptibles d’être affectées) et la capacité à faire face (l’habileté des populations à utiliser les forces et ressources disponibles pour réduire les risques ou les conséquences découlant des changements climatiques).

Cette définition conduit à identifier une multitude de profils de populations vulnérables et à montrer à quel point tous les développeurs immobiliers sont concernés par le sujet en tant que bâtisseurs de logements.

Conclusion

Pour les développeurs immobiliers résidentiels, la prise de conscience de l’importance de répondre aux enjeux des changements climatiques est unanime, mais les moyens et les motivations de chacun pour y arriver sont à niveaux très variables.

De plus, en dehors des certifications, les mesures potentielles à mettre en œuvre sont encore peu connues et l’idée d’un coût supplémentaire fait peur. Le projet Construire avec le climat cherche donc à faire évoluer des développeurs immobiliers dans leurs démarches et projets par la mise à disposition d’informations, la diffusion de cas inspirants et l’accompagnement direct de plusieurs développeurs immobiliers qui construisent à destination des populations vulnérables pour démontrer leur potentiel d’action et faire progresser le secteur.

Le projet Construire avec le climat est financé en partie par le Fonds vert dans le cadre du Plan d'action 2013-2020 sur les changements climatiques du gouvernement du Québec et par le Fonds d’action pour le climat du gouvernement du Canada.


*L’auteure est conseillère en aménagement du territoire et urbanisme chez Vivre en Ville

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