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Pour un impact positif et durable des minimaisons sur le climat

16 février 2021
Par Laure Mouhot

Boma Québec CHRONIQUE DE VIVRE EN VILLE
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Les minimaisons ont le vent en poupe, mais sont-elles vraiment des solutions à la crise climatique, comme on les présente souvent ?

Vivre en Ville s’est penché sur leur impact : à quelles conditions réduisent-elles vraiment les émissions de gaz à effet de serre (GES) de leurs occupants ? Et si les minimaisons étaient plutôt autorisées sur des terrains résidentiels déjà construits pour densifier en douceur les quartiers résidentiels les plus stratégiques, et accueillir davantage de ménages à proximité des commerces et services plutôt que dans des milieux naturels ou agricoles ?

Une localisation qui compte pour beaucoup

Avec moins de surface à construire, à chauffer ou encore à meubler et à remplir, les minimaisons sont associées à des modes de vie plus minimalistes, plus sobres et plus écologiques. Vrai ou faux ?

Vrai et faux : encore faut-il préciser avec quoi on les compare. Bien sûr, pour un même terrain et pour une même utilisation comme résidence principale, l’empreinte écologique d’une minimaison de 500 pi2 reste a priori plus avantageuse que celle d’une maison individuelle de 2 000 pi2. L’avantage risque toutefois de rester bien maigre si le terrain en question s’avère immense et situé au beau milieu d’une zone agricole ou naturelle.

Mais intéressons-nous strictement à la lutte contre les changements climatiques, et donc aux émissions de gaz à effet de serre (GES). Pour ce qui est des matériaux, le gain est clair : moins de matériaux, ce sont moins de GES émis à chaque étape du cycle de vie (extraction, production, transport, recyclage, etc.). Ceci dit, même en faible quantité, des matériaux mal choisis peuvent faire grimper la facture carbone du projet. Sur le volet performance énergétique en revanche, l’avantage comparatif de la minimaison reste bien modeste : la production d’hydroélectricité, qui alimente la plupart des logements au Québec, génère très peu de GES (Vivre en Ville et Écobâtiment, 2017).

N’oublions pas non plus qu’une minimaison reste une maison individuelle. En comparaison avec des formes d’habitation plus compactes, mitoyennes ou multiples, elle fait plus difficilement le poids. Elle ne peut prétendre ni aux gains énergétiques réalisés par des unités qui partagent murs, planchers et plafonds, ni aux économies d’échelle de matériaux, mais aussi de services (aqueduc, égouts, etc.). On estime par exemple que le logement central d’une série de maisons en rangée est près de deux fois plus économe en énergie qu’une maison individuelle de même taille (Friedman et C.t., 2003).

Mais bien au-delà de la construction, toute nouvelle habitation génère une demande énergétique en transport liée aux déplacements de ses occupants. Et les minimaisons n’y échappent pas. Rappelons que le secteur des transports reste le plus grand émetteur de GES au Québec, et le seul en augmentation ces dernières années. À titre de comparaison, les déplacements en automobile et camion léger sont responsables de cinq fois plus d’émissions de GES au Québec que la construction résidentielle (Inventaire québécois des émissions de GES de 2017).

La clé d’une minimaison à faible impact climatique réside donc dans sa localisation.

Si, pour se déplacer, l’heureux propriétaire émet chaque année davantage de gaz à effet de serre qu’il n’en a sauvé l’année de la construction, le bilan peut s’avérer lourdement négatif à long terme ! Et on ne s’intéresse même pas ici aux minimaisons qui font office de résidence secondaire à peu de frais. Autrement dit, un quartier de minimaisons implanté dans un secteur éloigné des commerces et des services et mal desservi en transport en commun aura du mal à faire valoir sa plus-value écologique.

Mais alors, où devrait-on localiser les minimaisons pour qu’elles constituent une alternative d’habitation crédible dans un contexte de crise climatique ?

Une solution pour diversifier l’offre de logements dans les milieux établis

Accueillir la croissance démographique sans alourdir encore les émissions de GES en transport : voilà un des principaux défis qui nous attend en matière d’habitation au Québec. Les minimaisons peuvent faire partie du panel de solutions. Construites sur des terrains résidentiels déjà habités, elles densifient en douceur les quartiers résidentiels les plus stratégiques, ceux qui favorisent les courtes distances et les modes de déplacement durables.

Pensée ainsi, la minimaison acquiert une autre dimension, celle d’unité d’habitation accessoire (UHA), au même titre que la maison de fond de cour ou encore le garage transformé en logement. Bien documentées par l’organisme Arpent dans son guide, les UHA permettent d’accueillir un nouveau ménage sur un lot déjà habité, sans changer significativement le cadre bâti du quartier.

Pour une municipalité, les avantages sont nombreux : diversification de l’offre résidentielle, optimisation des infrastructures et des services existants (aqueduc, égouts, parcs, etc.), élargissement de l’assiette fiscale et bien sûr, réduction de l’empreinte écologique en transport des nouveaux ménages accueillis. En banlieue de Toronto, la municipalité d’Hamilton inclut les UHA, et les minimaisons en particulier, dans sa stratégie d’abordabilité des logements. Dans certains quartiers, la municipalité estime pouvoir à terme tripler la densité, tout en douceur.

 

Les minimaisons : une option parmi d’autres pour la densification douce des quartiers résidentiels déjà établis. Source : Vivre en Ville.

 

Une avenue pour la cohabitation intergénérationnelle ?

Les propriétaires des lots concernés ne sont pas en reste. À la clé, une rentrée d’argent, mais aussi la possibilité d’accueillir un membre de sa famille ou des amis, dans le respect de l’intimité de tous. Construite en fond de cour, la minimaison est par exemple une solution incroyable pour garder nos aînés auprès de nous ou dans le quartier qu’ils connaissent et apprécient, parfois depuis toujours. Une solution dont on aurait tort de se priver quand on connaît les bénéfices du maintien à domicile (et à proximité des commerces et services) pour un vieillissement actif….

Cette solution pourrait d’ailleurs répondre aux besoins en logements, temporaires ou permanents, d’autres populations aux besoins particuliers : étudiants, travailleurs immigrants ou membres de la famille avec des enjeux médicaux, comme cette famille de London, en Ontario toujours. Pour ces populations vulnérables, disposer d’un logement dans un quartier favorable aux modes actifs et collectifs, c’est aussi pouvoir se passer d’une voiture et des coûts associés.

Si, au Québec, la LAU (Loi sur l’aménagement et l’urbanisme) ne permet pas a priori de réserver l’occupation d’une UHA à des membres de la famille ou à une autre clientèle spécifique, il reste possible pour une municipalité de faire la promotion des minimaisons sous cet angle. C’est d’ailleurs un levier pour que les projets se développent plus facilement dans la cour des propriétaires.

Municipalités québécoises : passer à l’action pour des minimaisons à faible impact climatique

Pour autoriser les minimaisons sur les terrains résidentiels déjà bâtis, les municipalités doivent lever plusieurs obstacles réglementaires, notamment le principe « un lot, un bâtiment d’habitation » encore présent dans la grande majorité des règlements de zonage. Au Québec, Victoriaville et Mont-Saint-Hilaire l’ont autorisé. Dans sa récente vision de l’habitation, la Ville de Québec souhaite elle aussi autoriser et encourager cette solution dans les quartiers de première banlieue et le long des axes du réseau structurant de transport en commun. Reste encore à informer, convaincre et orienter les propriétaires, à l’aide d’outils de préférence simples et visuels, et de consultations, à l’image de la démarche Bimby en France.

Pour aller plus loin et guider les municipalités sur le sujet, Vivre en Ville développe une série de fiches techniques prêtes à l’emploi dans le cadre du projet Municipalités Amies du Climat. Ces dernières y trouveront des clés pour élaborer un répertoire de densification douce ou encore identifier sur leur territoire les milieux les plus faiblement émetteurs de GES (et donc les plus propices à accueillir des minimaisons !). Restez à l'affût de leur publication.


*Laure Mouhot est conseillère, Design urbain et urbanisme, chez Vivre en Ville

Source :

  • FRIEDMAN, Avi et Michelle C.T. (2003). Maisons à coût abordable et communautés viables : projets d’une décennie de transition, étude réalisée pour la Société d’habitation du Québec, Société d’habitation du Québec [PDF]. 187 p.
  • VIVRE EN VILLE ET ÉCOBÂTIMENT (2017). Réussir l’habitat dense : dix clés pour des habitations compactes, attrayantes et performantes, 132 p. (coll. Outiller le Québec ; 9) [www.vivreenville.org].