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Ivanhoé Cambridge : vers un portefeuille immobilier carboneutre

12 juillet 2022
Pierre Théroux

La société immobilière vise la neutralité carbone en 2040 en améliorant l’efficacité énergétique, en réduisant l’utilisation des énergies fossiles et en augmentant l’utilisation d’énergie renouvelable dans ses propriétés.

Ivanhoé Cambridge nourrit de très grandes ambitions : atteindre la neutralité carbone de son portefeuille immobilier en 2040. Une cible ambitieuse de réduction de son empreinte écologique, mais néanmoins réaliste, affirme Stéphane Villemain, vice-président, responsabilité sociale d’entreprise, de cette filiale immobilière de la Caisse de dépôt et placement du Québec.

« On travaille activement à faire en sorte que les bottines suivent les babines, à se donner les moyens pour que nos partenaires et nous puissions réaliser nos objectifs », assure celui qui veille à diriger les initiatives de développement durable de la société à laquelle il s’est joint en janvier 2020. 

La portée de l’engagement de la société, dont les actifs immobiliers s’élevaient à 69 G$ CA au 31 décembre 2021, s’étend sur les cinq continents où elle détient des propriétés, en exclusivité ou en partenariat. Cela représente environ 1200 propriétés de classes d’actifs variées : immeubles de bureaux, bâtiments logistiques, centres commerciaux, unités résidentielles et hôtels. La transformation du parc immobilier existant pose plus de défis que l’élaboration de futurs projets de construction. 

Réduire son empreinte écologique 

« Ce n’est pas nécessairement moins cher d’agir sur la construction de nouveaux bâtiments, mais c’est assurément plus facile que de transformer un vieil immeuble qui fonctionne déjà au gaz naturel ou au mazout », souligne Stéphane Villemain. 

Stéphane Villemain, vice-président, responsabilité sociale d'entreprise. Crédit : Ivanhoé Cambridge

La firme immobilière, qui agira donc à la fois sur l’amélioration de ses actifs existants et sur ses projets à venir, entend arriver à ses fins en s’affairant principalement à améliorer l’efficacité énergétique, à réduire significativement l’utilisation des énergies fossiles et à augmenter l’utilisation d’énergie renouvelable dans ses propriétés. La transition vers l’électrification des bâtiments, par le remplacement des chaudières au gaz ou des systèmes de pompes à chaleur, par exemple, est l’une des mesures concrètes mises en place pour réduire leur empreinte écologique et améliorer leur performance environnementale. 

« C’est évidemment plus facile de le faire au Québec qu’en Alberta et dans certains États américains, ou encore en Europe et en Asie », reconnait Stéphane Villemain, en ajoutant que la production d’électricité dans certaines régions du monde est parfois plus polluante que l’utilisation du gaz naturel. 

Toits solaires et géothermie 

Pour pallier ce problème, Ivanhoé Cambridge cherche à signer des contrats d’approvisionnement avec des fournisseurs en énergie renouvelable dans les marchés où cette alternative est disponible. La firme mise aussi sur le déploiement de panneaux solaires sur les toits de ses bâtiments, comme des centres commerciaux et des entrepôts logistiques. Elle en a d’ailleurs fait l’expérience en Asie, sur un bâtiment de logistique qui produit 50 % plus d’énergie que ses propres besoins, ce qui lui permet d’injecter l’excédent de sa production énergétique dans le réseau électrique local. 

« Au lieu de consommer de l’énergie du réseau, on en vend et ça nous aide même à générer un revenu additionnel pour la propriété », se réjouit le détenteur d’une maitrise en génie civil et environnemental de l’Université McGill, et qui est aussi diplômé de l’école Polytechnique (Paris) et de l’École Nationale du Génie Rural des Eaux et Forêts (AgroParisTech). 

Le recours à la géothermie en est un autre exemple. « En Europe, dans certaines régions, les systèmes de géothermie implantés dans des quartiers nous permettent aussi de redistribuer plus d’énergie qu’on en consomme nous-mêmes dans les bâtiments », précise Stéphane Villemain. 

Le partenariat conclu en mars 2021 avec Fifth Wall, une société de capital-risque axée sur les technologies destinées au secteur immobilier, contribuera aussi à lui faire adopter plus rapidement et facilement des innovations technologiques. Ivanhoé Cambridge a engagé 85 M$ US dans quatre fonds de Fifth Wall qui visent à accélérer l’adoption de technologies environnementales dans le secteur immobilier en Amérique du Nord et en Europe. 

La collaboration des locataires 

La réduction de la consommation énergétique passe aussi par l’engagement des gestionnaires et des locataires des propriétés détenues par Ivanhoé Cambridge. 

La Place Ville-Marie, à Montréal. Crédit : Ivanhoé Cambridge

« En tant qu’investisseur on doit reconnaitre qu’on a un contrôle limité à cet égard. Ce n’est pas nous qui décidons d’éteindre un interrupteur et d’augmenter ou diminuer la température à l’intérieur des bâtiments. Mais on peut agir en passant d’une relation propriétaire-locataire traditionnellement distante à une approche de partenariat pour en arriver à engager nos locataires dans cette stratégie de décarbonation », indique Stéphane Villemain. 

La gestion des matières résiduelles est une autre façon de diminuer son impact sur l’environnement. À cet égard, 96 % des propriétés gérées par la firme immobilière offrent un programme de compostage et 61 % des matières sont détournées des sites d’enfouissement. 

Si les cibles d’Ivanhoé Cambridge portent surtout sur le carbone associé à l’exploitation des bâtiments, ses équipes travailleront également au cours des prochaines années sur la prise en compte du carbone associé à la construction de ceux-ci. « Une grande partie de l’empreinte carbone vient aussi des matériaux utilisés pour la construction même des bâtiments. Et il y a encore beaucoup de travail à faire dans cette industrie pour que la situation change », note Stéphane Villemain, en soulignant que la société s’engage, à partir de 2025, à ce que tous ses projets de développement soient Net Zéro Carbone. Les enjeux climatiques sont d’ores et déjà systématiquement intégrés dans l’analyse d’investissement d’Ivanhoé Cambridge pour toutes les nouvelles transactions ainsi qu’en gestion d’actifs. 

Bilan, un an plus tard ? 

En 2025, un premier jalon de réduction de 35 % de son intensité carbone devrait aussi être atteint par rapport à 2017, avec une réduction de près de 20 % déjà atteinte en 2020. Ivanhoé Cambridge entend aussi augmenter ses investissements sobres en carbone de plus de 6 G$ d’ici 2025, par rapport à 2020. Depuis 2017, ces investissements en carbone de la société ont déjà progressé de près de 200 %, à 14,6 G$ (au 31 décembre 2020). 

En mai dernier, Ivanhoé Cambridge a annoncé son intention de réduire de 55 % l’empreinte carbone de ses actifs montréalais d’ici 2030. Une partie importante des réductions prévues est liée à une stratégie qui mise sur la sobriété énergétique, l’amélioration de l’efficacité des systèmes et des bâtiments, le recours à des technologies éprouvées et la transition vers l’électrification. Cet engagement de la firme, dont le portefeuille d’immeubles montréalais comprend notamment la Place Ville Marie, l’hôtel Reine Elizabeth, le Centre Eaton ou encore les Galeries d’Anjou, équivaut à une réduction d’environ 8 000 tonnes d’équivalents CO2 et lui permettra de suivre une trajectoire en adéquation avec l’objectif de l’Accord de Paris, qui est de limiter à deux degrés Celsius le réchauffement planétaire d’ici 2100. 

L’engagement d’Ivanhoé Cambridge en matière d’environnement s’étend également au financement de ses opérations et de ses activités. Ainsi, un montant de 8,5 milliards de dollars de ses financements corporatifs (prêts à terme et lignes de crédit) est maintenant assujetti à sa performance ESG (environnement, social et gouvernance), ce qui lui donne accès à des conditions de financement plus avantageuses auprès de onze banques nord-américaines et européennes qui ont approuvé et validé ce programme. 

L’ensemble de sa stratégie est ainsi cohérente avec son mandat de fiduciaire. « On vient s’assurer que notre portefeuille d’actifs est bien positionné quant à sa performance financière à long terme, parce qu’on aura mieux géré nos actifs. Car ce qui est durable est rentable », affirme Stéphane Villemain. 

Réinventer l’immobilier 

Face à l’urgence climatique, et parce que le secteur de l’immobilier et de la construction représente près de 40 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, Ivanhoé Cambridge a donc convenu d’accélérer sa stratégie de décarbonation. « Les cibles doivent être ambitieuses, les scientifiques nous l’ont rappelé pas plus tard qu’il y a un mois lors de la publication du dernier rapport du GIEC », fait valoir le vice-président à la responsabilité sociale de cette filiale de la CDPQ, qui juge impératif d’agir pour assurer la pérennité des milieux de vie. 

Ce dernier croit en effet qu’il faut repenser le bâtiment dans un écosystème beaucoup plus large. « La réinvention de l’immobilier passe par la création de lieux de vie et non seulement de bâti. Il faut créer des espaces de vie dans des quartiers avec une mixité des usages, une proximité des lieux de résidence, de travail et de divertissement qui sont en arrimage avec les réseaux de transport pour favoriser la mobilité durable », soutient-il. 

Et quel bilan de ses actions fait Ivanhoé Cambridge, un an après avoir annoncé son intention d’atteindre la neutralité carbone de son portefeuille en 2040? « La réalisation de projets depuis un an a confirmé la viabilité de nos cibles. Même s’il y a encore des défis, comme l’intégration de certaines technologies, ça nous a confortés dans l’aspect réaliste et la pertinence de notre engagement », répond Stéphane Villemain.