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La boucle énergétique d’Espace Montmorency

22 février 2023
Par Pierre Théroux

Zoom sur la boucle énergétique du vaste complexe Espace Montmorency, à Laval.

Espace Montmorency a commencé à prendre vie. Les premiers locataires résidentiels, de même que des étudiants et du personnel du Collège Montmorency, des employés de bureau de Banque Scotia et DHC Avocats, des commerçants et des restaurateurs, ont commencé cet été à s’installer dans ce complexe immobilier à usage multiple composé de quatre tours, qui comprendra également un hôtel.

Situé dans un secteur en pleine effervescence de Laval, ce grand projet immobilier érigé près de la station de métro Montmorency s’inscrit dans le développement de quartiers de type TOD (transit-oriented development), centrés autour du transport en commun afin de réduire la place de l’automobile.

Grâce à sa proximité avec la Place Bell, inaugurée à l’automne 2017, le campus de l’Université de Montréal, la salle de spectacle André-Mathieu et la Maison des arts de Laval, le projet permet de créer un milieu de vie où l’on peut dorénavant habiter, étudier, travailler ou encore se divertir.

Espace Montmorency est aussi avant-gardiste à d’autres égards. Il s’agit en effet du premier projet au Québec à avoir obtenu la certification LEED v4 AQ de niveau Or pour l’aménagement des quartiers et ses promoteurs visent aussi les certifications LEED Platine et Or pour le noyau et l’enveloppe de ses tours.

La circulation d’énergie

Toutefois, outre son environnement et son aspect extérieur, ce vaste complexe abrite aussi un autre concept avant-gardiste, mais beaucoup moins visible : l’intégration d’une boucle énergétique qui, grâce aux échanges et à la récupération d’énergie entre les usages, permet de réduire les couts énergétiques et, du même coup, les émissions de gaz à effet de serre (GES).

« Avec l’implantation d’une boucle énergétique commune à l’ensemble du site, Espace Montmorency concilie environnement, économie et réalité des usages », fait valoir Geneviève David Watson, responsable en Développement durable et RSE du Groupe Montoni et représentante du consortium qui regroupe également le Groupe Sélection et le Fonds immobilier de solidarité FTQ.

Espace Montmorency est un complexe immobilier à usage multiple composé de quatre tours. Crédit : Montoni

Philippe Hudon, président de la firme Akonovia, fait écho à ces propos. « L’intégration d’une boucle énergétique était la bonne décision à prendre dans la conception de ce projet non seulement d’un point de vue énergétique et environnemental, mais aussi d’un point de vue financier », affirme celui qui accompagne depuis une dizaine d’années les entreprises dans leur transition énergétique vers la carboneutralité.

La boucle énergétique est une boucle d’eau, dont la température varie de 55 à 110 degrés Fahrenheit, qui permet d’échanger la chaleur entre les tours. La chaleur rejetée par les tours de bureaux et les espaces commerciaux en journée pourra, par exemple, être injectée dans les tours résidentielles pour les chauffer le soir venu et inversement.

Cette stratégie écoénergétique s’avère judicieuse parce qu’elle assure une meilleure performance environnementale lorsqu’il y a une mixité d’usages comme dans le cas du projet Espace Montmorency, souligne Philippe Hudon. « Il y a des heures pendant l’année qui sont à la fois en période de chauffage et de climatisation. Un restaurant rempli, par exemple, dégage tellement de chaleur qu’il faut tomber en mode climatisation même en hiver. On peut donc prendre cette chaleur-là et la transmettre aux logements pour chauffer », précise celui qui a participé à l’idéation du concept à titre de consultant.

La chaleur rejetée par la climatisation d’un local pour bureau densément occupé pourra aussi être transférée, via la boucle énergétique, aux logements qui seront en demande de chauffage. « On peut tirer le maximum davantage d’une boucle énergétique lorsque le ou les bâtiments desservis présentent des types d’occupation, des horaires et/ou des orientations différentes », ajoute Geneviève David Watson.

L’ampleur du projet d’Espace Montmorency, avec ses deux tours résidentielles, sa tour de bureaux et sa tour d’hôtel totalisant quelque deux millions de pieds carrés, facilitait aussi la réalisation d'un concept qui, autrement, aurait été plus difficile à réaliser financièrement.

« La boucle énergétique permettait d’y inclure des composantes plus couteuses, comme des thermopompes à l’air pour le chauffage de l’eau domestique, et de décentraliser leur usage », souligne Philippe Hudon.

Une des premières étapes de sa réalisation a été d’établir le profil énergétique du bâtiment, heure par heure, afin de pouvoir analyser et comparer les différents scénarios de demande de chauffage et de climatisation permettant d’utiliser la bonne source d’énergie au bon moment, pour en arriver ainsi à réduire le plus possible les émissions de GES.

De plus, « on a regardé plusieurs systèmes, tant pour la production et la distribution d’énergie, pour analyser leur impact sur les couts de construction et les couts d’opération », précise Philippe Hudon.

Une résilience énergétique

Le principal équipement au cœur de la solution de boucle énergétique est la pompe à chaleur qui permet de rejeter ou de puiser de l’énergie dans la boucle énergétique pour chauffer et climatiser des espaces ou pour produire de l’eau chaude domestique. Les tours résidentielles, en raison de leur grand besoin en eau chaude domestique, bénéficieront de thermopompes hautes températures et d’un système de préchauffage qui puiseront une partie de leur énergie à l’aide de la boucle.

Pour la centrale thermique, l’injection de chaleur à la boucle est prévue se faire par des modules d’aérothermie, des chaudières électriques et au gaz naturel à très haute efficacité, tandis que des tours de refroidissement assureront le rejet du surplus de chaleur de la boucle. L’aérothermie, les chaudières électriques et les chaudières au gaz naturel à très haute efficacité pourront être utilisées séparément, ou simultanément, en fonction de la température extérieure ou de la consommation énergétique du bâtiment, pour assurer le chauffage de la boucle énergétique. Les systèmes de la centrale thermique, commune à tous les secteurs du bâtiment, ont été sélectionnés pour leur efficacité et de manière à réduire la production de GES.

« La centrale thermique est donc flexible et permet d’optimiser la consommation énergétique et la réduction de GES tout en minimisant les pointes de consommation électrique », mentionne Geneviève David Watson. « D’un point de vue environnemental, la diversification des sources de chauffage offre une très grande résilience énergétique. Si une des sources d’énergie flanche, on peut alors compter sur d’autres sources », renchérit Philippe Hudon.

La liste des mesures durables préconisées par les concepteurs comprend aussi l’utilisation d’appareils de plomberie à faible débit, l’aménagement de sections de toiture végétalisées, ou encore le stockage et la réutilisation de l’eau de pluie pour alimenter les toilettes et les urinoirs de la tour de bureaux.

Un projet phare

Le concept de boucle énergétique peut être utilisé à plus petite comme à plus grande échelle, dans des constructions neuves ou des bâtiments existants. D’ailleurs, « les boucles énergétiques doivent faire partie de la stratégie pour réduire les émissions de GES au Québec », affirme Philippe Hudon. Ce concept, plus populaire en Europe où les couts énergétiques sont plus élevés, commence seulement à faire des adeptes en sol nord-américain, constate-t-il.

Sources de chauffage

La demande en chauffage et en climatisation d’Espace Montmorency est comblée par la boucle énergétique comprenant quatre niveaux d’opération en chauffage :

  1. La récupération de chaleur des zones demandant de la climatisation
  2. Un chauffage aérothermique avec une efficacité annuelle supérieure à 250 %
  3. Un chauffage électrique hors pointe
  4. Un système de chauffage au gaz naturel