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L’agrandissement du campus de l’UQAT à Rouyn-Noranda

5 novembre 2013
Par Rénald Fortier

L’agrandissement du campus de Rouyn-Noranda de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue (UQAT) : un design s’articulant autour de l’intégration des deux principales ressources régionales.

Milieu des années 90. L’UQAT s’installe dans une nouvelle construction à Rouyn-Noranda. Un bâtiment qui fait la part belle aux matériaux régionaux, comme le cuivre extrait de la mine Noranda ou le granit tiré des carrières de Ville-Marie. Et c’est dans ce même esprit qu’est agrandi le campus une vingtaine d’années plus tard. À la différence que cette réalisation durable, achevée l’an dernier, fait une large place à l’utilisation du bois. 

C’est d’ailleurs l’intégration de cette ressource régionale qui, en 2009, donne le ton au projet visant à porter la superficie du campus de quelque 12 500 à 18 000 mètres carrés. Il faut dire que dès lors, et avant même que ne débute le processus de design, l’établissement universitaire exprime clairement sa volonté de se doter d’une construction entièrement en bois. Ou à tout le moins que ce matériau soit mis en valeur de façon très importante dans ses nouvelles installations, destinées principalement à des laboratoires en minéralogie et en foresterie. 

L’idée sourit d’emblée aux membres de l’équipe de conception, mais il y a un hic : l’envergure du programme ne permet pas de respecter la réglementation en vigueur pour une construction en bois. Dans la mesure où le budget est limité, tout comme l’espace disponible pour implanter l’agrandissement – à l’emplacement jusque-là occupé par une passerelle reliant le pavillon universitaire et le bâtiment du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue. 

Loin de se laisser démonter, les concepteurs imaginent alors une solution originale permettant de satisfaire la demande du client, tout en répondant au programme et en respectant les exigences du Code du bâtiment du Québec. En plus d’intégrer l’agrandissement au campus d’origine et de mettre en valeur la relation entre ce dernier et le pavillon collégial voisin. 

C’est ainsi que le projet se développe en deux volumes principaux se rattachant à l’édifice existant : l’un de cinq étages pourvu d’une structure de béton et d’acier, de même que de parements extérieurs en aluminium et en granit, pour accueillir les laboratoires ; l’autre de trois étages, doté celui-là d’une ossature en lamellé-collé d’épinette noire ainsi que de grands revêtements intérieurs et extérieurs en cèdre blanc, pour loger les bureaux des professeurs et un café étudiant. 

« En plus de permettre le recours au bois [les laboratoires étant logés dans une construction incombustible], l’idée était de témoigner de la rencontre entre les deux industries ayant donné naissance à la région, soit celles des mines et des forêts », indique l’architecte montréalais Martin Brière, associé de BGLA Architecture + Design urbain, firme qui a œuvré à la conception de l’agrandissement en consortium avec TRAME Architecture + Paysage et CCM2 Architectes. 

Séparation des usages

Implanté perpendiculairement et arborant un vaste mur-rideau de verre sérigraphié sur sa façade ouest, le bloc tout en bois couvre 1 355 mètres carrés et affiche un design particulier. Comme l’illustre son long déambulatoire au premier plancher qui, compris entre la paroi vitrée et le mur intérieur attenant aux bureaux, est ouvert sur deux niveaux – il débouche sur l’atrium du bâtiment d’origine, d’un côté, et s’arrime à une passerelle menant au cégep, de l’autre. Et comme en témoignent également ses étages supérieurs prenant appui en porte-à-faux sur le rez-de-chaussée, dont ils sont détachés, pour former un décroché par en dessous.   

« À l’intérieur même du volume des bureaux, souligne Martin Brière, il y a un volume secondaire en bois. Il est perceptible de l’est, de l’ouest et d’en dessous, également, parce que le parement de cèdre y revient pour constituer le plafond du café étudiant et de la terrasse ouverte aménagés au rez-de-chaussée. » 

De son côté, le volume des laboratoires – on y en compte une trentaine – se positionne davantage en parallèle du bâtiment d’origine. Totalisant 4 150 mètres carrés, il s’imbrique dans le bloc des bureaux. Son expression architecturale, elle, réfère aux caps rocheux des paysages naturels de l’Abitibi-Témiscamingue, ainsi qu’aux métaux et minéraux que l’on y trouve sous terre. Ainsi, il est découpé en trois strates secondaires, dont les interfaces sont traitées comme de grandes failles laissant pénétrer la lumière dans les espaces intérieurs. 

Si elle permet d’intégrer le matériau bois au projet d’agrandissement, l’implantation de ces deux volumes n’est pas sans poser de défis à l’équipe de conception. Le plus important résidant dans le fait que les blocs doivent être communicants et qu’il faut nécessairement en séparer les usages en raison de la présence des laboratoires. À telle enseigne qu’au moment du design, ils sont traités comme des bâtiments distincts. 

« Il fallait avoir une résistance au feu de deux heures pour la partie des laboratoires », explique Francis Moisan, ingénieur en structure chez Stavibel, division de SNC-Lavalin, en ajoutant qu’un mur coupe-feu en béton a donc dû être mis en place entre le volume en bois et celui abritant les laboratoires.

En fait, si les deux volumes ne sont pas séparés de façon franche pour y installer des cloisons coupe-feu, tout l’agrandissement sera considéré comme ayant cinq étages. Et comme le Code du bâtiment interdit les matériaux combustibles au-delà de quatre étages, le recours au bois ne sera pas possible autrement. 

« Nous aurions toujours pu proposer des mesures différentes à la Régie du bâtiment du Québec, convient Martin Brière. Mais puisque l’échéancier était serré et que rien ne nous garantissait un avis favorable, nous avons décidé de concert avec le client de scinder le bâtiment en deux. Le concept se défendait très bien parce qu’il nous permettait de travailler le projet tant sur les plans esthétique que formel, bref d’introduire cette métaphore de la rencontre entre les deux industries fondatrices de la région. » 

Dans la même veine, la connexion entre les nouvelles installations et le bâtiment existant se faisant en lieu et place de l’atrium ouvert sur deux étages de ce dernier, des volets coupe-feu ont dû être installés sur toute la hauteur des trois étages du nouvel atrium issu de l’agrandissement. « La charpente étant laissée à nu, note l’architecte, il a fallu relever le défi de les dissimuler pour que le bois soit le plus dégagé possible. » 

Intégration durable

Outre le bois, dont les propriétés durables sont maintenant bien connues, l’agrandissement du campus de l’UQAT intègre plusieurs mesures durables contribuant plus particulièrement à son efficacité énergétique. « La réduction de la consommation énergétique des installations se situe à 29,3 % par rapport au bâtiment de référence du Code modèle de l’énergie pour les bâtiments », indique Marc Gaulin, ingénieur en mécanique chez Stavibel. 

S’accompagnant d’une diminution d’émissions de gaz à effet de serre de 144 tonnes équivalents CO2 annuellement, cette performance est notamment attribuable au recours à la géothermie, à la récupération de chaleur sur l’air vicié évacué par les hottes des laboratoires et au préchauffage de l’air neuf au moyen d’un mur solaire thermique installé sur la façade sud du bloc des laboratoires. 

Parmi les autres stratégies préconisées figurent l’apport très important de lumière naturelle, le recours à des appareils de plomberie à faible débit pour réduire la consommation d’eau potable, l’aménagement d’une partie de toiture végétalisée, l’utilisation de produits de construction régionaux, l’emploi de finis à faible émissivité de composés organiques volatils ainsi qu’une réduction de matériaux. Dans ce cas, en laissant le bois apparent et le béton à l’état brut. 

« Le projet incluait d’autres mesures écologiques, comme un bassin de rétention des eaux pluviales et des toits verts sur les deux volumes principaux de l’agrandissement, mais elles ont dû être retranchées en raison de restrictions budgétaires », signale Martin Brière, en soulignant que l’objectif d’obtenir la certification LEED-NC, niveau Argent, avait lui aussi dû être abandonné en cours de route pour la même raison. 

Il n’empêche qu’à ses yeux, l’agrandissement des installations de l’UQAT représente un bel exemple d’intégration durable réalisé à l’intérieur d’un budget limité. Surtout qu’il a mis à profit au premier chef les ressources régionales, comme cela avait été le cas lors de la construction du premier bâtiment de l’Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue.

Équipe du projet

Propriétaire : Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
Architecture : BGLA I Architecture + Design urbain / TRAME Architecture + Paysage / CCM2 Architectes
Génie électromécanique, structural et civil : Stavibel, filiale de SNC-Lavalin
Chauffage, refroidissement et géothermie (consultant) : Bouthillette Parizeau
Construction : EBC

 

Bois déchiffré

655 000 $ : coût de la structure
120 000 $ : coût des parements
185 m³ : poutres et colonnes en lamellé-collé (fournisseur : Nordic Structures Bois)
145 m³ : platelage en lamellé-collé (fournisseur : Nordic Structures Bois)
450 m² : revêtement extérieur en cèdre blanchi de l’est (fournisseur : Revêtements de la Capitale)
280 m² : revêtement intérieur en cèdre blanchi de l’est (fournisseur : Ébénisterie Hi-Teck)

 

Mesures durables
  • Structure, platelage et parements de bois
  • Bois certifié FSC
  • Luminosité naturelle dans 81 % des espaces
  • Appareils de plomberie à faible débit avec détecteurs de présence
  • Matériaux de provenance régionale
  • Réduction de matériaux
  • Matériaux à faible émissivité
  • Toiture verte [partie du prolongement de l’atrium]
  • Et autres

 

Stratégies éconergétiques
  • Enveloppe performante [murs : R-28 ; toits : R-30 / R-40 ; fenestration : R-4]
  • Système géothermique comportant 36 puits à 500 pieds de profondeur [capacité de 630 kW en hiver et de 130 tonnes en été] ; il répond à 40 % des besoins en chauffage et à 100 % de ceux en climatisation
  • Chaudières (2) à condensation [efficacité de l’ordre de 95 %]
  • Réseau d’eau chaude à basse température
  • Préchauffage de l’air neuf au moyen d’un mur solaire thermique [surface de 150 m²]
  • Entraînements des moteurs électriques à fréquence variable
  • Récupération de la chaleur sur l’air vicié évacué des laboratoires au moyen de calotubes [efficacité de l’ordre de 50 %]
  • Sondes de CO2
  • Luminaires T8 avec contrôle et détecteur de présence
  • Et autres

 

Marque de reconnaissance

L’agrandissement du campus de Rouyn-Noranda de l’UQAT a mérité une mention à l’occasion de la remise des Prix d’excellence cecobois 2013. Elle lui a été attribuée pour la simplicité et l’efficacité de la structure mixte béton-bois ainsi que pour les espaces intérieurs lumineux du volume de trois étages tout en bois abritant les bureaux, où les grandes surfaces en parement de cèdre ou en béton créent des ambiances agréables et contrastées.