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Le centre de distribution de la SAQ à Québec

30 mai 2012
Par Léa Méthé

Regard sur le processus menant à la certification LEED BE:E&E du centre de distribution de la SAQ à Québec.

La Société des alcools du Québec (SAQ) obtenait en début d’année la certification LEED Canada pour bâtiments existants : exploitation et entretien (BE:E&E), niveau Certifié, pour son centre de distribution de Québec. Si la démarche menant à l’obtention de ce sceau environnemental se sera très bien déroulée dans l’ensemble, reste qu’elle aura réservé certains écueils à l’équipe de projet.

« C’était la première fois que la SAQ sollicitait une certification LEED BE:E&E et ce centre de distribution se prêtait parfaitement à l’exercice, explique Cédéanne Simard, Analyste, Développement durable à la société d’État. C’est un bâtiment qui représente bien nos opérations, mais qui est d’une taille plus modeste (55 400 mètres carrés) que notre centre de Montréal. Par ailleurs, il y avait déjà un intérêt pour le développement durable de la part des gestionnaires et des employés, ainsi qu’une volonté de relever le défi. »

À l’exception des autres systèmes LEED qui concernent le design et la construction des bâtiments, LEED BE:E&E traite principalement de la phase d’exploitation et d’entretien du cycle de vie du bâtiment. On s’intéresse donc aux performances réelles des systèmes et des flux, de l’efficacité énergétique aux déplacements des employés.

Pour le centre de distribution de Québec, on a misé en premier lieu sur les crédits d’efficacité énergétique, d’économie d’eau et ceux se rapportant à la catégorie Matériaux et ressources. Si la plupart des mesures LEED ont été intégrées sans difficulté, la documentation justificative s’est toutefois révélée complexe.

L’exception québécoise

Lors de l’inscription du projet, en 2008, seule la version américaine du système LEED-EB (Existing Buildings) était disponible. L’équipe de la SAQ s’est ensuite tournée vers la version LEED Canada pour bâtiments existants : exploitation et entretien en septembre 2009. Si certains éléments nouveaux étaient bienvenus, comme la possibilité de soumettre la documentation en français, la nouvelle procédure de calcul de la performance énergétique s’avérait cependant problématique.

Alors qu’une diminution de la demande d’énergie justifiée par un simple historique de consommation suffisait auparavant pour obtenir le préalable Rendement écoénergétique minimal, LEED BE:E&E requiert l’usage du logiciel Portfolio Manager d’Energy Star. Celui-ci génère une cote en comparant le bâtiment étudié à une banque de références. Le calcul de la cote inclut aussi un facteur multiplicatif lié à la source d’énergie qui pénalise les bâtiments chauffés à l’électricité.

« Le problème avec Portfolio Manager, c’est qu’il s’agit d’un outil élaboré avec une banque de données américaines qui n’est pas du tout représentative de nos réalités et de notre climat », observe Eddy Cloutier, directeur développement durable et efficacité énergétique chez Bouthillette Parizeau, firme d’ingénieurs-conseils chargée de l’optimisation des systèmes électromécaniques (recommissioning).

Portfolio Manager considère la production d’électricité à l’échelle nord-américaine qui est principalement générée à partir de carburants fossiles. Il ne fait pas d’exception pour des situations régionales particulières comme l’hydroélectricité, qui alimente la majorité des bâtiments québécois. « En dépit du recommissioning, relate Eddy Cloutier, nous nous sommes donc trouvés avec une très mauvaise cote énergétique qui ne nous permettait pas d’obtenir le préalable ». Une demande d’interprétation de crédit et un recours au Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa) n’y ont rien changé.

La solution à ce problème s’est toutefois trouvée à un tout autre niveau. C’est qu’en refaisant les calculs de charges, l’équipe a réalisé qu’elle avait initialement omis un vide sanitaire éclairé, chauffé et ventilé dans les espaces desservis. En considérant le volume additionnel, le préalable a été atteint sans peine. Même que le bâtiment performe mieux que 77 % des bâtiments de sa catégorie, selon Portfolio Manager.

De l’avis d’Eddy Cloutier, le mandat du centre de distribution SAQ de Québec a été « agréable et facile », le personnel technique à l’interne étant compétent et connaissant bien le bâtiment : « Le recommissioning, explique-t-il, c’est le seul moment dans la vie d’un bâtiment où les opérations normales sont remises en question. Quand on a les opérateurs de notre bord, ils contribuent énormément. »

L’exercice d’optimisation des systèmes a permis de réduire la consommation d’énergie de 0,53 Gj/m2 à 0,49 GJ/m2, soit une économie de 14 % sur la facture d’électricité et de 3 % sur celle du gaz. Il s’agit d’une rentabilité de l’investissement de 3,2 ans pour un montant de 75 000 dollars, selon les calculs de Bouthillette Parizeau.

Un ajustement des paramètres et des séquences de contrôles a été réalisé sur l’ensemble des systèmes de chauffage, de ventilation et de climatisation (CVC). Le système de maintenance préventive déjà en place était efficace, selon Eddy Cloutier : « Quatre-vingt-quinze pour cent des prescriptions du système LEED BE:EE concernant le CVC étaient déjà intégrées. »

L’exercice a permis de réduire l’admission d’air neuf dans plusieurs espaces tout en respectant la norme ASHRAE 62.1, avec une incidence sur le chauffage et la climatisation. On a notamment acheminé l’air réchauffé du vide sanitaire vers la cour à camions au lieu de l’évacuer. On a également réduit le débit d’air dans la salle de charge des batteries pour les chariots élévateurs. La réduction du nombre de batteries chargées simultanément et la meilleure performance des nouveaux modèles réduisent les émanations d’hydrogène, et donc le risque d’explosion.

D’un autre côté, grâce à l’installation de sous-compteurs permettant de documenter l’utilisation de l’eau et au remplacement d’équipements sanitaires à faible débit, la consommation d’eau du centre de distribution de Québec est de 40 % inférieure au seuil de référence. Pour obtenir le crédit Aménagement paysager économe en eau, on a démontré que le site n’était pas équipé d’un système d’irrigation permanent et que les végétaux provenaient d’espèces indigènes résistantes à la sécheresse.

La réduction d’eau de 40 % supérieure au seuil minimum et l’achat de produits de nettoyage répondant aux critères LEED (dans une proportion de 63 %) ont valu à l’équipe deux points dans la catégorie Innovation, attribués pour avoir réalisé des performances exemplaires. L’évaluation de l’efficacité de l’entretien sanitaire avec audit a également permis d’aller chercher un point en innovation.

Points gratuits… ou chèrement gagnés

Plusieurs crédits ont été obtenus dans la catégorie Matériaux et ressources. Pour justifier l’approvisionnement d’ampoules à bas mercure, LEED BE:EE ne se contente pas d’un inventaire des ampoules en stock ou d’une politique d’achat : « Il a fallu faire le décompte de toutes les ampoules installées dans le bâtiment et calculer trois critères pour chacune d’elles afin obtenir une quantité totale de mercure, indique Cédéanne Simard. C’est un travail de moine, mais on l’a eu ! »

L’absence de service de collecte, par un fournisseur externe, pour les matières organiques a incité l’équipe de projet à considérer l’installation d’un composteur in situ. Surnommé Big Anna, le dispositif de 3 m sur 1,5 m évite le transport des déchets putrescibles hors site et produit du compost pour les employés et l’entreprise responsable de l’entretien paysager. La SAQ a même élaboré un partenariat avec le Festival d’été de Québec, en 2009, pour traiter les déchets compostables de certains événements.

Afin de réduire encore plus la quantité de matières destinées à l’enfouissement, la Société a décidé de garder en permanence sur le site un conteneur destiné aux matériaux secs de construction pour les menus travaux et les réaménagements intérieurs. « Pendant une semaine, raconte Cédéanne Simard, des témoins ont fouillé dans nos poubelles et analysé le potentiel d’amélioration du recyclage. Et en bout ligne, 61 % des matières sont détournées de l’enfouissement. » L’audit lui-même a valu un point au projet.

Les habitudes de la maison ont à peine été modifiées pour répondre aux critères touchant l’extermination des parasites et le contrôle de l’érosion. Nécessitaient seulement des ajustements avec les fournisseurs, les mesures comme la sélection de fertilisants naturels et de méthodes antiparasitaires mécaniques ou phytosanitaires ont été réalisées sans frais additionnels.

Soulignons que la SAQ a renoncé au crédit Plan de gestion extérieure et des voies d’accès. La modification des contrats de déneigement et déglaçage déjà conclus n’était pas intéressante sur les plans financier et opérationnel pour aller de l’avant.

La certification LEED BE:EE de base stipule l’obtention d’un score minimum de 40 à la grille de pointage. « Nous avons soumis 46 points au CBDCa et nous les avons tous obtenus, dit Cédéanne Simard. L’exercice nous a permis de structurer certaines opérations, de systématiser la prise de données et de rédiger de bonnes politiques d’achats. Au moment de renouveler la certification dans cinq ans, nous serons très heureux d’avoir tous ces éléments en main. »

En plus de solliciter ponctuellement une certification LEED pour ses bâtiments, la SAQ a introduit plusieurs critères écologiques dans ses devis de construction et rénovation. Plusieurs critères du système de certification LEED Canada pour l’aménagement intérieur des espaces commerciaux sont systématiquement intégrés au design des nouvelles succursales. Quatre certifications ont déjà été obtenues et six sont en cours de révision. « La SAQ considère qu’il y a une plus-value dans le fait d’être audité par un tiers parti », conclut son analyste en développement durable.