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Le pavillon Annie-Marie Edward du Collège John Abbott

6 mai 2014
Par Rénald Fortier

Le pavillon des sciences Anne-Marie Edward du Collège John Abbott : un bâtiment haute performance dont le design durable se déploie autour d’un arbre centenaire. Et de sa sauvegarde.

Ginkgo. C’est ainsi que l’on nomme l’espèce de l’arbre qui se dresse sur le site du futur Pavillon des sciences Anne-Marie Edward du Collège John Abbott, à Sainte-Anne-de-Bellevue, au moment d’entamer la conception du projet en 2008. Un grand végétal qu’il faudra à l’évidence couper puisque la nouvelle construction de 10 400 mètres carrés, étalés sur trois étages, occupera la majeure partie du terrain. 

Une solution radicale que souhaite éviter dès le départ celui qui sera le concepteur principal du bâtiment, l’architecte montréalais Gilles Saucier. D’autant plus qu’il s’agit d’un arbre centenaire, digne représentant d’une espèce originaire d’Extrême-Orient ; la plus vieille connue sur la planète – son origine remonterait à plus de 270 millions d’années. 

« Lorsque nous abordons un projet, indique l’associé de Saucier + Perrotte architectes, on cherche toujours à créer de nouveaux environnements avec ce que l’on trouve sur le site. Dans le cas de celui du Collège John Abbott, il y avait cet arbre majestueux témoignant en quelque sorte de l’évolution des espèces végétales. Et, à ce que l’on m’avait dit, il s’agissait en outre du plus vieux ginkgo dans l’est du Canada. 

« Nous avons donc soumis l’idée de conserver l’arbre, poursuit-il, et de développer le bâtiment des sciences de sorte qu’il se replie littéralement autour de lui. La science se mettait ainsi au service de la nature plutôt que d’aller à son encontre. Au niveau du symbole, il devenait alors important de tout faire pour éviter de couper le ginkgo. » 

Intégration verticale

La volonté de sauvegarder cet arbre aux feuilles en éventail donne vite le ton à la conception du nouveau pavillon destiné aux programmes de sciences pures (physique, biologie et chimie) et aux programmes professionnels (soins infirmiers, soins préhospitaliers d’urgence et pharmaceutique). Un bâtiment sur lequel l’institution d’enseignement vise dès lors à apposer le sceau LEED-NC Argent, cible qui sera rajustée sur le niveau Or en cours de route. 

Pour réussir à intégrer le pavillon sur le site sans toucher au ginkgo, il faut nécessairement diminuer l’empreinte au sol de la construction. Saucier + Perrotte propose donc de redéployer le programme du projet sur six étages. Chacun des départements d’enseignement sera localisé sur un étage où seront principalement aménagées des zones pour les laboratoires, les bureaux et les salles de classe, ainsi que des centres d’apprentissage. 

L’application de cette solution, à laquelle la direction du Collège souscrit d’emblée, mène à la conception et à la construction d’un bâtiment hors du commun. Livré en septembre 2012, le nouveau pavillon épouse ni plus ni moins la forme d’un bâton de hockey, selon l’expression même de Gilles Saucier. 

« Le bâtiment s’oriente d’abord à partir du centre du campus, puis il se replie pour ainsi créer une très belle cour intérieure autour de l’arbre », précise le concepteur, en soulignant que l’aménagement de cet espace public, aussi délimité par un pavillon voisin, a permis de couvrir des surfaces dures – des cases de stationnement – avec de la verdure. 

Autre concept bien particulier : à l’endroit où le bâtiment forme un coude, soit dans le pli, se trouve un vaste atrium pourvu de cinq escaliers orangés servant d’espace de circulation central. « Les escaliers partent dans tous les sens, explique l’architecte, un peu comme des circulations naturelles entre les différents étages ouverts les uns sur les autres, créant ainsi un espace public vertical. C’est un lieu très animé parce que l’on a vu à donner aux escaliers les plus belles vues et qu’il est baigné de lumière naturelle. » 

Il faut dire que le fait de l’avoir élevé sur six étages a aussi eu pour effet de réduire de beaucoup la profondeur de l’édifice et, ainsi, de favoriser la pénétration de la lumière du jour dans la grande majorité des espaces. Apport d’éclairage naturel auquel contribue également la fenestration généreuse du bâtiment, lui dont toutes les façades sont enveloppées de verre à l’exception d’un grand mur aveugle revêtu d’acier Corten à une extrémité. 

Des parois extérieures qui, soulignons-le, changent peu à peu de transparence à mesure qu’elles se rapprochent du coude de l’édifice pour y laisser voir clairement les escaliers verticaux. Selon les endroits, elles sont constituées d’un verre opaque apposé sur des sections de murs isolés, d’un verre sérigraphié – il contribue à occulter partiellement les gains thermiques l’été – dont l’opacité s’atténue progressivement ou d’un mur-rideau. 

Performance optimisée

Si le nouveau pavillon Anne-Marie Edward du Collège John Abbott – baptisé ainsi en mémoire d’une diplômée de l’institution victime de la tuerie de Polytechnique – se distingue par son architecture et sa haute teneur en durabilité, il se démarque aussi par ses performances. Au premier chef sur le plan de la gestion de l’eau. 

Ainsi, le bâtiment génère 62 % moins d’eaux usées qu’une construction standard comparable ; un résultat obtenu en détournant l’eau pluviale provenant du toit dans une citerne de 38 000 litres, vers laquelle est également dirigée la condensation produite par les unités de refroidissement  lorsque l’on déshumidifie les espaces. 

L’eau ainsi récupérée est ensuite réutilisée pour actionner les toilettes et les urinoirs. Elle contribue du coup à une diminution de 60 % de la consommation d’eau potable, combinée à l’utilisation d’appareils de plomberie à faible débit. 

Le pavillon fait aussi belle figure sur le plan éconergétique, très belle même, alors qu’il affiche une réduction de consommation de 45 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments. Un rendement qui repose sur les effets croisés de l’application de plusieurs mesures, à commencer par la récupération de chaleur. 

« Comme le bâtiment comporte des laboratoires, ce qui est pénalisant puisqu’il faut nécessairement faire plusieurs changements d’air à l’heure, nous avons d’abord cherché à bénéficier de toute l’énergie qu’il était possible de réutiliser ou de transférer à l’interne avant de voir à en produire », souligne Nicolas Lemire, président de Pageau Morel. 

C’est ainsi que la chaleur de l’air évacué des laboratoires est récupérée, au moyen de serpentins de type run-around, pour préchauffer l’air neuf admis dans le bâtiment. Le taux de récupération de quelque 38 % d’une telle boucle fermée au glycol n’est pas nécessairement élevé, mais il reste que c’est la meilleure stratégie à adopter pour éviter tout risque de contamination entre l’air vicié et l’air extérieur. 

L’air non contaminé des autres espaces qui doit être sorti à l’extérieur, lui, est passé dans un récupérateur à courants croisés fonctionnant par accumulation thermique, soit un échangeur à cassette, encore là pour chauffer l’air frais entrant dans le bâtiment. Dans ce cas, le taux d’efficacité se situe à 90 % en hiver et à 80 % en été. 

Entre en jeu ensuite un système géothermique qui, pourvu de cinq thermopompes, alimente des planchers et plafonds radiants pour chauffer ou refroidir le périmètre du bâtiment, de même que l’aire occupée par le foyer. Le traitement local, tant en chauffage qu’en climatisation, est effectué au moyen de petits ventiloconvecteurs. 

Ce système géothermique a ceci de particulier qu’il est couplé à des réservoirs d’emmagasinage. Nicolas Lemire précise : « Pour éviter le cyclage des pompes à chaleur, nous avons installé deux gros réservoirs dans lesquels elles produisent du chaud d’un côté et du froid de l’autre. 

« La boucle chauffage-refroidissement, avec les réservoirs thermiques, permet de transférer l’énergie d’un endroit à un autre dans le bâtiment, ajoute l’ingénieur en mécanique. Si on est en mode climatisation sur une façade, l’eau va refroidir cette zone et revient plus chaude. Elle entre alors dans le réservoir froid, sauf que la pompe à chaleur, en refroidissant ce dernier, va produire du chaud de l’autre côté. En transférant ainsi la chaleur d’un réservoir à l’autre, on est capable de mieux balancer le bâtiment. » 

De façon générale, on va utiliser la géothermie et les banques d’accumulation. Quand on manque de froid, on fait appel à deux refroidisseurs d’appoint de 150 tonnes chacun et quand on manque de chaud, on se tourne vers deux chaudières électriques d’appoint, d’une capacité de 288 kW chacune. 

Nicolas Lemire note que les dalles radiantes sont aussi utilisées pour accumuler les gains solaires en hiver. Lors de grands froids, il est ainsi possible d’augmenter la température des dalles durant la nuit pour réduire la pointe de chauffage au moment de démarrer le système d’alimentation d’air neuf le matin. Et donc d’optimiser le rendement du système géothermique. 

Autre stratégie qui concourt à l’efficacité énergétique du Pavillon des sciences Anne-Marie Edward : la ventilation naturelle. « Quand les températures extérieures sont clémentes, souligne Nicolas Lemire, le système de gestion centralisée commande l’ouverture de fenêtres motorisées situées sur tous les étages et aux puits de lumière avec ouvrants motorisés qui surmontent l’atrium, dans le haut duquel l’air chaud stratifie avant d’être évacué à l’extérieur. 

« Les bureaux sont aussi pourvus de fenêtres ouvrantes, mais manuellement. Elles sont équipées de senseurs, de sorte que lorsque l’on y ouvre une fenêtre, la ventilation mécanique cesse de fonctionner automatiquement », ajoute-t-il, en soulignant que le pavillon profitait aussi d’une ventilation par déplacement, via l’atrium, permettant de recycler dans les laboratoires l’air alimenté dans les bureaux et les classes. 

Pour lui, comme pour Gilles Saucier, il ne fait pas de doute que l’intégration des stratégies architecturales et électromécaniques au moment de la conception aura permis de bonifier le projet au final. Au plus grand bénéfice du client et des usagers du bâtiment.

Équipe du projet

Client : Collège John-Abbott

Gestionnaire de projet : SNC-Lavalin

Architecture, design d’intérieur et architecture de paysage : Saucier + Perrotte architectes

Génie électromécanique : Pageau Morel

Génie structural : SDK

Construction : EBC

 

Cinq faits saillants
  • Réduction de la consommation énergétique de 45 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments
  • Diminution des émissions de gaz à effet de serre de 406,7 tonnes de CO2 par rapport à un bâtiment standard comparable
  • Abaissement de la consommation d’eau potable de 60 % par rapport au cas de référence
  • Réduction de la génération d’eaux usées de 62 % par rapport au cas de référence
  • Détournement de 92 % des déchets de l’enfouissement pendant la construction

 

Mesures durables
  • Site bien desservi par le transport en commun
  • Stationnements pour vélos [près de 150] et douches pour les cyclistes
  • Politique pour encourager le covoiturage
  • Aucun nouvel espace de stationnement créé
  • Conservation d’un maximum de verdure sur le site
  • Préservation d’un ginkgo centenaire sur le site
  • Récupération de l’eau pluviale en provenance de la toiture pour alimenter les toilettes et les urinoirs
  • Appareils de plomberie à faible débit
  • Membrane de toiture réfléchissante atténuant les îlots de chaleur
  • Contenu recyclé pour plus de 18 % de la valeur monétaire des matériaux
  • Provenance régionale pour plus de 45 % de la valeur monétaire des matériaux
  • Certification FSC pour 94 % de la valeur monétaire du bois intégré au projet
  • Finis intérieurs à faible émissivité de COV
  • Vue sur l’extérieur pour tous les espaces communs
  • Éclairage naturel dans plus de 80 % des espaces occupés
  • Etc.

Source : Martin Roy et associés

 

Stratégies éconergétiques
  • Apport solaire passif grâce à une vaste fenestration
  • Occultation partielle des gains thermiques au moyen d’un verre sérigraphié
  • Récupération de la chaleur sur l’air évacué, sauf pour les laboratoires, au moyen d’un échangeur à cassette pour préchauffer l’air neuf [efficacité de 90 % en hiver et de 80 % en été]
  • Récupération de l’énergie sur l’évacuation de l’air vicié des laboratoires au moyen d’une boucle au glycol – serpentins de type run-around [efficacité d’environ 38 %] pour préchauffer l’air neuf
  • Système géothermique comportant 51 puits à 500 pieds de profondeur en moyenne [capacité totale de 130 tonnes en chauffage et de 142 tonnes en refroidissement]
  • Thermopompes (5) eau-eau d’une capacité individuelle de 312 000 Btu/h en chauffage et de 343 000 Btu/h en refroidissement
  • Réservoirs d’emmagasinage pour stabiliser les fluctuations de température du système : un bassin chaud [35 à 40,6 °C] et un bassin froid [- 4,4 à -1,4 °C en hiver / 5,6 à 11,1 °C en été] d’une capacité de 3 440 litres chacun
  • Refroidisseurs (2) au toit d’une capacité de 150 tonnes chacun
  • Chaudières (2) électriques d’appoint d’une capacité de 288 kWh chacune
  • Plancher et plafonds radiants pour chauffer et refroidir le périmètre du bâtiment ainsi que l’espace occupé par le foyer
  • Ventilation naturelle [les fenêtres motorisées des étages s’ouvrent lorsque la température extérieure se situe entre 12 et 20 °C]
  • Système de gestion centralisée du bâtiment
  • Détection de présence, de CO2 et de luminosité
  • Éclairage artificiel au moyen de luminaires T8
  • Chauffe-eau solaire pour produire l’eau chaude domestique des salles de bain