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4 juin 2013

Ce quartier de Culemborg, aux Pays-Bas, est écologique dans tous les aspects de son développement. Cap sur les attributs d’un bourg semi-rural judicieusement conçu par ses résidents, et pour ses résidents.

Le projet

Nom : Écoquartier EVA-Lanxmeer

Propriétaire : propriétaires individuels, coopératives d’habitation, société de logements sociaux de Kleurrijk Wonen

Catégorie : mixte (résidentiel, commercial et institutionnel)

Type de projet : nouvelle construction

Début de la conception : 1994 

Calendrier des travaux : 1999-2015

 

Le site

Localisation : site semi-rural

Ville : Culemborg

Pays : Pays-Bas

Superficie : 250 000 mètres carrés

 

Contexte

Culemborg est située dans la région de Gueldre, reconnue pour son caractère campagnard riche en espaces verts. Bordée de plusieurs villages, fermes et vergers, cette ville du XIVe siècle est au confluent des rivières de Meer et de la Lek, l’un des bras principaux du delta du Rhin. À 16 kilomètres de la ville d’Utrecht (7,5 millions de citoyens), l’économie de Culemborg (30 000 citoyens) est basée sur la présence de divers établissements industriels : verreries, distilleries, usines de fabrication de cigarettes et de meubles...

Afin de répondre à l’accroissement global de la population des Pays-Bas et d’accueillir un maximum de nouveaux résidents dans les quartiers avoisinant les centres-villes, desservis par les transports en commun et autres services publics existants, l’État se donne, en 1991, l’objectif de créer 835 000 logements pour la période allant de 1995 à 2015.

Marleen Kaptein, une citoyenne engagée, saisit alors l’occasion de sensibiliser les élus de Culemborg à l’importance des impératifs écologiques pour les développements à venir en créant, en 1994, la fondation EVA[1]. L’acronyme néerlandais EVA signifie centre écologique d’éducation, d’information et de conseil. Parmi les concepts prônés par l’organisation, on trouve la mixité fonctionnelle, les processus participatifs, la gestion locale des déchets, de même que la valorisation complète des cycles de l’eau et du sol. Avec de tels standards écologiques, la fondation parvient à définir un seuil critique de réalisation pour un écoquartier : le terrain doit avoir une superficie minimale de 20 hectares, sur lequel entre 200 et 400 unités d’habitation sont implantées.

Au fil des échanges entre la fondation EVA, qui est à la recherche d’un terrain pour développer son écoquartier, et la Ville de Culemborg, les deux parties décident de s’associer pour la réalisation de l’écoquartier EVA-Lanxmeer. La localisation est arrêtée sur le polder[2] de Lanxmeer, une zone de captage d’eau potable de 30 hectares. Auparavant inconstructible, le polder voit, en 1990, son statut modifié grâce à l’approfondissement du puits de captage. Moyennant le respect de quelques conditions visant à protéger la source d’eau potable et la stabilité du sol, le site devient alors un lieu de prédilection pour développer un écoquartier.

 

Les bâtiments

Étage(s) : jusqu’à 4

Densité :

  • 25 unités d’habitation par hectare
  • 60 habitants par hectare

Consommation : pour une maison de 100 mètres carrés, avec trois chambres, la consommation moyenne est de 10 000 kWh/an. Une maison semblable dans la ville de Culemborg consomme en moyenne 17 000 kWh/an.

Occupation :

  • 269 unités d’habitation sont réparties sur 10 hectares qui comprennent routes et zones vertes. Le coefficient d’occupation au sol (P/S) est de 0,40 pour la zone résidentielle, ce qui ne tient pas compte de la ferme et du château d’eau, parce que ce sont des zones collectives.
  • 46 200 mètres carrés d’espaces commerciaux répartis sur 7,5 hectares.
  • Équipements collectifs distribués sur 7,7 hectares : deux écoles fondamentales (maternelle et primaire), un collège, une piscine, un centre d’information et une ferme écologique couvrant 4,3 hectares à elle seule.
  • Maison de repos de 24 appartements pour les personnes requérant des soins particuliers avec ascenseur, salle commune et chambre d’hôtes.
  • À venir : la construction d’un centre d’information qui inclura un centre des congrès, un restaurant biologique et un centre de loisirs.

Les unités d’habitation, logeant plus de 600 personnes, sont réparties de la façon suivante :

  • 50 % de maisons de ville (deux façades) ;
  • 33 % d’appartements ;
  • 16 % de jumelés (trois façades) ;
  • 1 % de maisons unifamiliales (quatre façades).

Le quartier est diversifié sur le plan social. Le statut des logements est organisé comme suit :

  • 59 % d’acquisitions privées ;
  • 22 % de logements sociaux ;
  • 18 % d’acquisitions subventionnées ;
  • 1 % d’immeubles locatifs privés.

 

Les certifications

  • Maisons à basse consommation (label BBC-Effinergie)
  • Maisons passives (label allemand Passivhaus)
  • Attestion « verte » attribuée au quartier par le ministère néerlandais du logement

 

Les particularités

  • Une ferme biologique avec verger permet aux résidents de s’approvisionner en fruits et légumes sur place avec un système d’abonnement annuel.
  • Grâce aux panneaux photovoltaïques qui recouvrent presque l’entièreté de certaines toitures, nombre d’unités produisent plus d’électricité qu’elles n’en consomment, sur une portion de l’année.
  • Comme le site était originellement sous le niveau de la mer et que le sol est fragile, la construction de sous-sols est proscrite. Pour pallier le besoin en espaces frais et sombres, des remises et celliers avec toitures végétales ont été aménagés du côté nord des bâtiments. De plus, comme le sol demeure relativement fragile, les maisons sont érigées sur des structures légères (dalle de béton cellulaire, ossature légère de bois, etc.).
  • L’engagement des résidents dans la conception et dans la gestion des lieux constitue l’un des principes fondateurs qui distinguent le projet d’EVA-Lanxmeer. D’ailleurs, comme ceux-ci ont participé activement à la production des dessins avec les architectes, un « Livre des habitants » a été créé pour immortaliser cette production.
  • Étant donné que la construction des unités d’habitation s’échelonne sur presque 20 ans, selon cinq phases, la performance des bâtiments est en constante amélioration et les apprentissages du passé servent aux phases subséquentes.
  • En 2010, un appartement coûtait 2 300 euros/m2 alors qu’une maison se vendait plutôt autour de 3 400 euros/m2. Ces taux étaient supérieurs aux prix moyens de Culemborg (construction neuve à 2 000 euros/m2), ce qui peut être attribuable à la demande du marché pour une telle spécificité.

 

Les aspects environnementaux

Aménagement écologique du site

  • Une gare de train limitrophe donne accès en 15 minutes au centre d’Utrecht, à raison de quatre trains par heure. On peut aussi se rendre à Hertogenbosch, à une cadence de deux trains à l’heure. Pour faciliter l’intermodalité, un grand stationnement à vélo est disponible sur place.
  • Connexion des réseaux piétons et cyclistes du quartier avec les réseaux externes du quartier d’Oude Buitenwijken.
  • Circulation automobile restreinte à la périphérie du quartier, sauf en cas d’exception. Ainsi, pour accommoder les livraisons et les déménagements, des bornes amovibles sont temporairement enlevées pour laisser passer les véhicules.
  • Le nombre de stationnements est limité à un par unité, alors que la moyenne néerlandaise est de deux.
  • Sept voitures sont disponibles pour le covoiturage, un service géré par la société Wheels for All, créée à l’initiative des résidents du quartier.
  • Des zones humides ont été préservées et, avec la ferme, les espaces verts représentent près de 14,4 hectares.
  • Toutes les plantations sont constituées d’essences locales.
  • Une association de quartier, baptisée Terra Bella, assure la gestion des espaces verts selon les principes de l’agriculture biologique.

Énergie et atmosphère

  • Les bâtiments ont été conçus selon une approche bioclimatique  optimisant l’apport solaire passif. Quelques maisons-serres possèdent une fenestration à ouverture automatique s’activant en fonction de la température intérieure.
  • Toutes les maisons sont à basse énergie ou passives. Leur consommation ne peut dépasser 11 000 kWh/an, alors que la norme de référence néerlandaise était de 23 600 kWh/an en 2009. La consommation énergétique moyenne du quartier a été évaluée à 10 000 kWh/an, pour une maison de trois chambres, réparties sur 100 m2. Comme la construction des maisons s’est échelonnée sur cinq phases, les maisons récemment construites sont de plus en plus performantes ; parmi les toutes dernières, certaines consomment aussi peu que 40 kWh/m2/an.
  • Un réseau de chaleur alimente tous les bâtiments sur le site, à l’exception des 55 logements de la première phase. Ce réseau est composé d’un système géothermique qui puise sa chaleur dans une boucle verticale de 100 mètres, dont l’eau est à 12°C. La demande calorifique est comblée à 80 % avec cette solution, une chaudière au gaz naturel fournissant l’énergie restante.
  • Panneaux solaires thermiques et photovoltaïques sur la plupart des toitures.
  • En été, le confort thermique des bâtiments est obtenu par des mesures passives : stores, débord de toiture et végétation.
  • Éventuellement, une unité de cogénération sera construite à même les futures installations de biométhanisation.

Matériaux et ressources

  • Les critères de sélection des matériaux utilisés dans l’écoquartier sont les suivants : toxicité faible ou absente, faible empreinte écologique, faible énergie grise, niveau de transformation minimaliste, fabrication locale, certification avec labels écologiques. Pour les matériaux qui ne répondent pas à ces standards, un bilan carbone est établi afin de limiter l’utilisation d’énergies fossiles.
  • Sont proscrits : le plomb, le cuivre et le PVC, afin d’éviter la pollution de l’eau par ces contaminants. Le polyuréthane est fortement déconseillé.

Gestion efficace de l’eau

  • Le site a été conçu de manière à minimiser l’impact environnemental de l’écoquartier sur toutes les étapes du cycle hydrologique.
  • La source d’alimentation en eau potable est de nature souterraine et tous les appareils de plomberie sont économes en eau. Pour assurer la recharge de la nappe phréatique, l’aménagement paysager est composé de rigoles, fossés, roselières, mares et étangs, ce qui facilite l’infiltration, tout en évitant le ruissellement et l’érosion.
  • Les laveuses et les toilettes à double chasse sont alimentées par un réseau de collecte et de traitement des eaux pluviales de toitures.
  • Afin de sensibiliser les usagers à la bonne gestion de l’eau potable, divers outils sont utilisés pour transmettre de l’information et des connaissances aux usagers : pompe à main pour les jeux d’enfants, indicateur de niveau de la nappe phréatique et panneaux explicatifs.
  • Les surfaces imperméabilisées sont réduites au maximum : espaces de stationnement restreints et voies de circulation aux dimensions réduites.
  • Les toitures sont végétalisées en tout ou en partie.
  • Afin que tous ces systèmes fonctionnent adéquatement, il est interdit d’utiliser de l’eau de javel dans l’écoquartier, ce qui pourrait entraver la filtration naturelle des eaux usées. Trois voies de gestion des eaux usées sont effectives :
  • les eaux grises sont assainies par les roseaux épurateurs qui se déversent dans des lagunes pour ensuite finir leurs courses dans les plans d’eau de surface et les canaux du site. Les bassins de traitement sont étanches et non communicants avec la nappe phréatique ;
  • les eaux de voirie sont collectées et traitées dans des bassins séparés pour éviter la pollution des autres systèmes ;
  • les eaux noires sont séparées en boues et en lixiviats. Les boues sont transformées en biogaz et les lixiviats sont traités par micro-organismes.

Qualité des environnements intérieurs

  • La plupart des maisons possèdent un système de ventilation mécanique contrôlé pour le renouvellement d’air.
  • Les matériaux faiblement transformés et sans COV sont préconisés.

Innovation dans le processus de design

  • Quelques maisons accueillent des bureaux et ateliers pour permettre le télétravail.
  • Pour faciliter les échanges sociaux, on a opté pour des transitions douces entre les zones publiques et privées, de sorte que le site est exempt de barrières, murs et clôtures.
  • L’ensemble des espaces verts du site est interconnecté afin de créer une trame continue et ainsi favoriser la biodiversité du site.
  • La conception évolutive du quartier permet de satisfaire les besoins des diverses tranches d’âges présentes dans le quartier.
  • L’écoquartier est divisé en zones de développement avec, pour chacune, une signature architecturale distincte. Une zone plus expérimentale renferme, par exemple, une maison hyper solaire, une propriété enterrée et une autre en terre crue.
  • Afin de maintenir un processus participatif de gestion de l’écoquartier, des réunions se tiennent régulièrement pour discuter de l’évolution du quartier et de ses objectifs.
  • Le comité de gestion des déchets ménagers est dans l’attente d’une aide financière pour mettre en place une unité de production de biométhanisation.

Le processus de réalisation

La construction, débutée en 1999, a été divisée en cinq phases d’une cinquantaine d’unités d’habitation chacune. La fondation EVA a assuré le contrôle de la qualité selon les prérequis écologiques établis avec le service de l’urbanisme de la Ville. La Ville a aussi soutenu la réalisation du projet par des contributions financières et professionnelles, notamment sur le plan de la coordination.

 

Les embûches

  • En raison de la récession économique, certains espaces commerciaux ont été convertis en logements, par manque de clientèle pour ce type d’utilisation.
  • Par rapport aux besoins des occupants, les unités d’habitation des premières phases étaient en excès de capteurs solaires thermiques et en déficit de capteurs photovoltaïques. Récemment, les capteurs photovoltaïques ont été maximisés et le surplus d’électricité, effectif durant une portion de l’année, est injecté dans le réseau.
  • En 2006, l’opérateur du réseau de chaleur s’est retiré de l’exploitation de cette infrastructure. Le vide laissé par l’entrepreneur a été comblé par des résidents, qui ont fondé leur propre entreprise de chauffage collectif : Thermo Bello. Depuis, les utilisateurs ont la possibilité de devenir actionnaires de cette société, qui a notamment mis en place un suivi des consommations énergétiques.
  • À l’occasion, des tensions surviennent entre les fondateurs et les nouveaux venus, notamment en ce qui a trait au stationnement des véhicules automobiles. Certains utilisent les espaces de stationnement en bordure des habitations plus fréquemment que ce qui était prévu au départ, en invoquant diverses raisons : profession, besoins particuliers, manque de temps, etc.
  • Entre la Ville et l’association d’EVA-Lanxmeer, d’autres sources de conflits font leur apparition, plus particulièrement en ce qui concerne la dernière phase de développement, dont l’achèvement est prévu pour 2015. La Ville souhaite densifier les dernières zones constructibles alors que les résidents craignent de voir leurs espaces verts trop diminués.
  • La nature écologique de certains matériaux est remise en cause. Par exemple, certains résidents clament qu’une peinture un peu plus polluante qui dure sept ans est beaucoup plus soutenable que son pendant écologique qui nécessite une application tous les ans.
  • Le règlement d’ordre intérieur interdit de garer sa voiture devant son logement, de clôturer son jardin, ou d’utiliser des produits à base de chlore. Certains des résidents trouvent l’application de ces règles difficile et en questionnent leur pertinence. Dans l’ouvrage intitulé Habiter en quartier durable, de Jean-Michel Degraeve, Marleen Kaptein exprime son opinion sur les conflits existants de la façon suivante :  « Il n’y a aucune obligation de participer à la vie communautaire et aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect du contrat signé, celui-ci n’ayant aucune valeur juridique. En cas de problème, les voisins doivent se parler pour le résoudre et seul le consensus permet d’avancer ensemble. »

 

L’équipe de projet

  • Coordination du projet : Fondation EVA-Lanxmeer et Ville de Culemborg
  • Architectes : Archi service, A.Dietxsch, J. Elbe, Kristinsson, KWSA, Op Maat architectuur, Orta Nova achitectuur

 

Information additionnelle


* EVA est un acronyme pour « Ecologisch centrum voor Educatie, Voorlichting en Advies ».

**Un polder est une portion de terre située au-dessous du niveau de la mer endiguée, drainée, remplie et mise en valeur.