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Un système énergétique audacieux pour le Zibi

27 avril 2022
Par Jean Garon

Situé sur les berges de la rivière des Outaouais à Gatineau, Zibi est un projet innovant de revitalisation d’un ancien secteur industriel en une communauté durable exemplaire.

Conçu par Dream Unlimited Corp et Theia Partners, le nouveau quartier offrira 4,3 millions de pieds carrés d’immeubles résidentiels et commerciaux et d’édifices de bureaux et inclura 8 acres de parcs et de places publiques.

À terme, d’ici 2030, le projet comptera une trentaine de bâtiments mixtes où logeront plus de 5000 résidents et où 6000 personnes occuperont un emploi. C’est l’équivalent d’une petite ville bâtie sur les rives frontalières des deux villes jouxtant le Québec et l’Ontario.

Ce projet se distingue particulièrement par ses avancées sur le plan énergétique. On y exploitera les rejets thermiques des eaux utilisées dans les procédés de fabrication d’une usine de papier tissu locale pour chauffer et climatiser tous les bâtiments du quartier Zibi. Il s’agit d’une nouvelle approche de développement, dont la cible environnementale est aussi de réduire à zéro son empreinte carbone en évitant les émissions de gaz à effet de serre. Selon les estimations initiales, cela représenterait environ 6000 tonnes d’équivalent CO2 annuellement.

Au dire des promoteurs, « Zibi constituera une des communautés les plus durables au monde et sera la première au Canada à recevoir la certification One Planet Living, un cadre mondial conçu par Bioregional et le Fonds mondial pour la nature (WWF) ».

Une première nord-américaine

Les cinq premiers immeubles construits de chaque côté de la rivière seront bientôt chauffés et climatisés par une boucle hydronique interconnectée à un réseau urbain d’énergie, le ZCU (Zibi Community Utility). Créé spécifiquement pour le projet Zibi, ce réseau fera office de fournisseur d’énergie à partir de la toute nouvelle centrale thermique construite au cœur du complexe immobilier et qui sera mise en service cet automne. Celle-ci sera alimentée par les rejets thermiques de l’usine des Produits Kruger, située à deux kilomètres en aval de la rivière, du côté de Gatineau. Concrètement, il s’agit d’une première expérience du genre en Amérique du Nord. En gros, la chaleur provenant des effluents industriels à basse température sera récupérée par la nouvelle centrale de production d’énergie pour le chauffage des bâtiments du quartier en saison froide. À l’inverse, en été, une bonne partie de la chaleur sera rejetée dans la rivière des Outaouais à l’aide de refroidisseurs qui généreront de l’eau froide dans la boucle pour climatiser les immeubles.

Scott Demark, président-directeur général du ZCU

Bien sûr, l’évolution des technologies et des connaissances en récupération et conversion d’énergie ont rendu possible cette avancée vers une transition énergétique. « Notre inspiration était de trouver un moyen économiquement viable de chauffer notre développement sans utiliser de combustibles fossiles, relate Scott Demark, président-directeur général du ZCU. Nous avions constaté que Kruger disposait d’importantes quantités d’énergie thermique résiduelle et que nous étions dans une position unique pour tirer parti de cette chaleur grâce aux connexions existantes entre notre site de développement et l’usine Kruger. »

« Les partenaires de Theia ont déjà eu l’occasion d’utiliser un système d’énergie de quartier dans une communauté planifiée de Victoria connue sous le nom de Dockside Green, ajoute-t-il, mais c’est la première fois que nous tirons parti de la chaleur résiduelle post-industrielle. »

Une source d’énergie propre et bon marché

Un des éléments clés du projet repose sur un approvisionnement énergétique fiable et à faible cout. D’où l’intérêt des promoteurs pour conclure une entente à long terme avec la compagnie Kruger. « Nous payons un cout fixe annuel à Kruger pour avoir le droit d’accéder à sa chaleur résiduelle », confie Scott Demark, sans préciser les montants versés. Et le ZCU peut compter sur un approvisionnement d’au moins dix ans, avec des périodes de renouvellement facultatives.

Cet approvisionnement en chaleur résiduelle ne compromet toutefois pas l’autosuffisance énergétique du projet Zibi, assuret-il. « Si Kruger devait cesser ses activités, nous aurions besoin d’utiliser les chaudières à gaz à court terme, qui ont été installées en tant que système de secours redondant à 100 % de la source Kruger. À plus long terme, poursuit-il, nous chercherions une autre source d’alimentation pour notre système, qui serait électrique, afin de nous assurer que nous ne produisons pas de carbone. Les technologies possibles à explorer seraient le géoéchange, la récupération de la chaleur des égouts ou les chaudières électriques. »

Un lourd investissement à supporter

Le principal défi à relever pour le développement d’un réseau privé d’énergie de quartier à zéro carbone est d’ordre financier, révèle le p.-d. g. du ZCU. À l’achèvement de la construction des immeubles du quartier d’ici une dizaine d’années, les promoteurs auront investi environ 60 millions de dollars en capital dans leur réseau urbain d’énergie. Il s’agit d’un investissement concentré surtout dans les premières phases du projet où il faut installer les principales infrastructures avant que tous les bâtiments n’existent. Ils épargneront sur les couts évités en infrastructures de chauffage et de climatisation dans chacun des bâtiments ainsi que sur une bonne partie des couts touchant leur opération et leur maintenance, mais l’énergie fournie par le réseau ZCU doit être concurrentielle à celle produite à partir des combustibles fossiles. La difficulté découle aussi du fait que les consommateurs ne sont pas prêts à payer une prime pour une énergie propre sans carbone, encore moins dans un contexte où les couts de chauffage au gaz naturel demeurent très bas sur le marché d’Ottawa-Gatineau. « Par conséquent, explique Scott Demark, la courbe des couts des projets d’énergie de quartier crée des conditions difficiles pour attirer le financement par emprunt et érode les rendements pour les investisseurs. »

« En raison de la position géographique de Zibi, conclut-il, nous avons également dû surmonter d’importants obstacles juridictionnels et réglementaires avec deux villes, deux provinces et plusieurs parties prenantes fédérales, y compris le régulateur canadien de l’énergie. L’énergie de quartier n’est pas monnaie courante au Canada, et il y a donc eu des difficultés à chaque étape du processus d’autorisation. »

En dépit de ces complications, le groupe d’investisseurs entend bien adopter cette approche dans d’autres projets immobiliers futurs. « Au fur et à mesure que les prix du carbone augmenteront, explique le gestionnaire du ZCU, le cout de base à des fins de comparaison augmentera, ce qui permettra de réaliser des solutions plus innovantes et plus propres. L’énergie de quartier convient le mieux aux zones densément peuplées — typiquement d’immeubles de six étages et plus en moyenne — et où il y a une variété d’utilisations du sol (commerciales, résidentielles, industrielles, etc.). Cette variété permet de partager l’énergie entre les différents usages et de réduire les pics de demande. »

Mesures durables
  • Implantation d’un réseau urbain d’énergie à zéro carbone pour desservir l’ensemble des bâtiments du quartier Zibi;
  • Construction d’immeubles respectant les plus hautes normes des Codes du bâtiment et de l’énergie et répondant aux exigences de la certification LEED Platine; Densification du territoire qui réduit les déplacements par des moyens de transport polluants et qui optimise les usages de l’espace urbain;
  • Conception des bâtiments à vocation mixte favorisant la diversité de clientèles et la pérennité de développement;
  • Adhésion aux dix principes directeurs de durabilité du cadre international One Planet Living favorisant un mode de vie sain qui respecte les limites de la planète et la nature; Collaboration soutenue avec la collectivité Algonquin-Anishinaabe susceptible d’entrainer des retombées tangibles pour les générations actuelles et futures.
Une approche collaborative unique

Les promoteurs du projet Zibi reconnaissent la grande importance du site pour les personnes autochtones de la région. « Afin de créer un réel partenariat, Zibi s’est engagé envers ses divers partenaires algonquins anishinaabeg à chaque étape du processus de développement. Cette approche collaborative est unique dans notre région, et Zibi s’engage à améliorer la façon dont les partenaires privés collaborent avec les personnes et groupes autochtones. Notre propre partenariat a débuté en 2013 et continuera pour la durée du projet. »

« Zibi a conclu des ententes qui profiteront directement aux collectivités, y compris les opportunités d’investissement à long terme, la propriété immobilière, les objectifs d’emploi et de développement économique, et un engagement à représenter de manière tangible la présence historique et continue des Algonquins Anishinaabeg tout au long du développement avec l’art public, la signalisation, l’orientation, la dénomination des lieux et plus encore. »