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Intérêt grandissant pour la ventilation par déplacement

17 juin 2010

La ventilation par déplacement constitue une solution intéressante pour favoriser la qualité de l’air, l’économie d’énergie et le confort thermique dans les immeubles du secteur ICI.

Par Michel De Smet

La ventilation par déplacement, aussi appelée diffusion d'air par stratification, est appliquée depuis le milieu des années 70 par le secteur industriel pour le net avantage que ce système présente en déplaçant les polluants situés près du sol vers la grille d’évacuation située au plafond. Et elle gagne aujourd’hui rapidement du terrain aux États-Unis à mesure que se diversifient ses applications.

On évalue actuellement que le quart des nouveaux immeubles de bureaux font appel à ce type de ventilation. Selon un rapport publié en avril 2007 par la California Energy Commission, le pourcentage d’économie d’énergie annuelle des nouveaux édifices construits avec planchers surélevés, en se basant sur la portion de la consommation énergétique associée aux systèmes de chauffage, ventilation et climatisation (CVAC) pour des bâtiments de ce type, est estimé à plus de 53 % d’ici 2015.

Ingénieur de recherche et chef intérimaire d’équipe, groupe bâtiment, chez CanmetÉNERGIE, Michel Tardif se refuse à chiffrer la vitesse de pénétration de ce système de ventilation au Canada. Mais son expérience personnelle, marquée par les colloques auxquels il participe activement, lui démontre cependant un intérêt grandissant pour la diffusion d’air par stratification.

« La progression de cette tendance, avance-t-il, s’observe chez les concepteurs de nouveaux immeubles de bureaux, de salles de spectacle ainsi que d’édifices institutionnels tels que des écoles.  Au Québec, la ventilation par déplacement aménagée à partir de planchers surélevés a été notamment appliquée au Centre CDP Capital et ainsi qu’à la Grande bibliothèque du Québec, à Montréal. »

Murs latéraux ou planchers surélevés

La ventilation d’air par déplacement se définit comme une technique permettant de satisfaire à la fois le confort thermique et la qualité d’air en diffusant celui-ci par la partie basse d’un espace, soit à partir du plancher, soit à partir des murs. Deux approches sont donc possibles : l’une consiste à aménager la distribution d’air à partir d’un plancher surélevé ; l’autre, à installer des diffuseurs d’air le long de la partie basse des murs latéraux.

« Globalement, dit Michel Tardif, le choix de l’une ou de l’autre approche se fera en fonction du type et de la vocation du bâtiment concerné. Par exemple, on installera des diffuseurs de ventilation murale dans des auditoriums et des établissements d’enseignement. En revanche, pour des immeubles de bureaux, on privilégiera les planchers surélevés.

« Dans le cas des immeubles de bureaux, précise-t-il, ceci se comprend dans la mesure où on a affaire essentiellement à des locataires, ce qui implique des déménagements fréquents d’occupants. Dans ce cas, les planchers surélevés s’avèrent pratiques puisque les nouveaux locataires pourront réaménager les lieux en fonction de leurs besoins sans que cela devienne un casse-tête quand viendra le moment de disposer leur système de ventilation, de câblage électronique et informatique. »

Quant à l’air distribué, il doit être moins élevé que la température ambiante et sa diffusion doit se faire à une vitesse relativement faible, soit égale ou inférieure à 0,2 mètre à la seconde, et en l’évacuant par la partie haute de l’espace.  Au contact des sources chaudes présentes dans la pièce, en particulier les personnes, l’air va se déplacer verticalement vers le haut entraînant les polluants présents dans la pièce vers le haut. De la sorte, l’air ambiant va se diviser en deux zones : une partie basse, située à environ 1,8 mètre à partir du plancher, c’est-à-dire une hauteur équivalant à la taille d’un individu debout, dans laquelle les occupants bénéficieront d’une qualité d’air optimale, et une partie haute, à l’air plus pollué et à température uniforme, correspondant à la zone non occupée. 

C’est ce qui explique que ce système s’appelle également diffusion d’air par stratification, car contrairement aux systèmes traditionnels qui procurent un apport d’air aux conditions thermiques uniformes dans une pièce, la ventilation par déplacement permet de stratifier l’arrivée d’air. Ceci permettrait, selon les études, de réduire l’apport d’air neuf de 20 % à plus de 50 %, sans compromettre la qualité d’air dans la zone occupée.

Recherche en cours

Aux États-Unis, les travaux menés par le Centre for Built Environment de l’Université de Berkeley ont mené, en 2004, à des résultats concluants et entraînés la publication d’un premier guide de bonnes pratiques sur l’installation de ce type de ventilation. Malheureusement, des problèmes d’installation des systèmes ont ensuite été observés entre le moment où la recherche a démarré et la publication du guide.

« Ce n’est pas vraiment l’approche qui a été mise en cause, observe Michel Tardif, mais plutôt la manière dont le scellement du plancher a été, dans certains cas, installé. Pour que le système soit efficace, il faut que le plenum, soit l’espace contenu entre la dalle et le plancher surélevé, soit totalement étanche parce que l’air qu’il contient doit demeurer pressurisé. Or, à cet égard, de sérieuses lacunes ont été observées. Une nouvelle version révisée du guide est prévue pour 2010. »

Quoi qu’il en soit, les observations de ce guide américain publiées par l’ASHRAE (Underfloor Air Distribution Design Guide), même révisé, ne s’avèreront pas entièrement concluantes pour une application québécoise en raison de la rigueur de notre climat. Canmet a donc entrepris, avec la collaboration de partenaires comme l’Université Concordia et le Conseil national de recherches Canada (CNRC), de mener les premiers tests afin de valider l’efficacité des systèmes de ventilation par déplacement.

C’est ainsi qu’en 2008, trois courtes périodes de mesurage ont été entreprises dans cinq différents lieux de la Grande bibliothèque du Québec qui profitent d’une ventilation par déplacement installée dans un plancher surélevé. Les tests, qui incluaient un sondage de satisfaction auprès des utilisateurs, ont montré une amélioration très significative par rapport à une ventilation traditionnelle de la qualité de l’air et, dans une moindre mesure du confort thermique. Les gains sont également sensibles au chapitre de la nuisance sonore jugée particulièrement satisfaisante. 

« Il est clair que les recherches menées chez nous à cette date sont encore trop rares et que, pour être probantes, elles devront être réalisées sur un plus vaste échantillonnage, convient Michel Tardif.  De plus, en ce qui concerne la Grande bibliothèque, nous n’avons pu réaliser nos tests que durant une très courte période hivernale.

« Or, poursuit cet expert, il est évident que le climat rigoureux du Québec nous impose une recherche beaucoup plus étoffée avant de pouvoir rendre public un guide des bonnes pratiques en matière de ventilation par déplacement applicables chez nous. Rappelons que les données californiennes sur les performances des systèmes de ventilation par déplacement qui ont été recueillies dans des conditions climatiques particulièrement clémentes ne peuvent nous éclairer que très partiellement. »

Canmet s’est donné comme objectif de publier un ensemble de lignes directrices pour la conception de systèmes de distribution d’air par stratification en milieu froid d’ici 2011.