Aller au contenu principal
x

Entretien avec François Racine, pdg d’AluQuébec

19 février 2024

L’aluminium est plus que jamais appelé à s’inviter dans le design des bâtiments durables sous le signe de l’innovation.

Par Cynthia Bolduc-Guay

Depuis quelques années, l’aluminium se renouvelle. Propulsé par la Stratégie québécoise de développement de l’aluminium (SQDA) 2021-2024, ce matériau local et renouvelable connaît un regain dans différentes sphères d’activité. AluQuébec est aux premières loges de ces transformations, pilotant différents chantiers : Infrastructures et ouvrages d’art, Matériel de transport, Équipementiers et fournisseurs spécialisés, Valorisation et recyclage, Aluminerie de l’avenir ainsi que Bâtiments et construction durable.

Pour faire le point sur le déploiement de ce dernier chantier en pleine effervescence, Voir Vert a rencontré François Racine, président-directeur général d’AluQuébec depuis 2021, lui dont le parcours dans le domaine de l’aluminium est depuis longtemps placé sous le signe de l’innovation.

AluQuébec avait identifié dès le départ le secteur des bâtiments commerciaux, institutionnels et multirésidentiels comme étant un terreau fertile pour l’intégration de produits et systèmes en aluminium. Pourquoi ?

Fondamentalement, le secteur du bâtiment est l’un des trois principaux marchés de l’aluminium au niveau mondial. Il compte pour environ 30 % de l’utilisation de ce matériau. Donc, pour nous, c’était un incontournable. D’autant plus qu’une étude réalisée pour nous par PWC en 2017 mentionnait que le secteur du bâtiment et de la construction était l’un des trois qui connaîtraient la plus forte croissance en Amérique du Nord. C’est aussi un secteur névralgique où on voit de plus en plus d’innovations, de solutions plus écologiques et de nouveaux matériaux. L’aluminium du Québec, en raison de sa plus faible empreinte environnementale, de sa durabilité plus grande et de son important taux de recyclage, le place bien en selle pour répondre aux besoins de ce secteur.

Comment avez-vous soutenu et continuez-vous de soutenir l’innovation dans le design des bâtiments ?

Depuis le déploiement de la SQDA, on sent toujours une volonté d’innovation, notamment de la part de la Société québécoise des infrastructures (SQI) et de la Société d’habitation du Québec (SHQ). Les architectes développent de plus en plus leurs connaissances en lien avec l’utilisation de l’aluminium, si bien que l’on voit apparaître des initiatives de véritables passionnés qui vont au-delà des attentes et de ce qui se fait déjà.

Du côté d’AluQuébec, on soutient l’innovation de nombreuses façons. Tout d’abord, on a un centre d’expertise et d’innovation qui offre du soutien technique aux fabricants et aux architectes, proposant même des services d’accompagnement au besoin. On a également créé des répertoires afin de mettre en valeur ce qui se fait actuellement avec l’aluminium en termes de réalisations et de produits. AluQuébec propose aussi différents types de formations aux professionnels du bâtiment.

On a même développé Alu-Compétences, une plateforme en ligne qui regroupe de 40 à 50 modules sur des sujets touchant les infrastructures, l’architecture ou encore la métallurgie que les professeurs de niveaux collégial et universitaire peuvent réutiliser gratuitement et libres de droits dans leurs cours. Pour les étudiants, on organise aussi chaque automne, à la rentrée scolaire, un défi de conception structurale multidisciplinaire sur quatre jours qui en est maintenant à sa quatrième édition. Petite primeur : on est en train de planifier une journée sur l’innovation avec l’aluminium dans le secteur du bâtiment et de la construction qui aurait lieu en 2024.

Des exemples de produits ou systèmes innovants développés ces dernières années avec le soutien d’AluQuébec ?

Je ne peux malheureusement pas donner beaucoup de détails, car plusieurs projets sont encore confidentiels. Je peux toutefois mentionner que l’on travaille sur un projet démonstratif de connecteurs avec Mod-Alu-Kit ainsi que sur des garde-corps innovants. On reçoit aussi depuis deux ans de plus en plus de demandes en lien avec le développement de systèmes architecturaux.

En quoi, pour AluQuébec, l’utilisation de l’aluminium dans le bâtiment s’inscrit-elle dans une perspective durable ?

Tout d’abord, l’empreinte carbone de l’aluminium du Québec est la plus faible au monde en raison de l’hydroélectricité. Il est aussi recyclable à l’infini. Mais ce que l’on oublie parfois est la grande durabilité des produits d’aluminium dans le temps et le fait qu’ils nécessitent peu d’entretien. Par exemple, dans le cas d’une église en Italie, le toit en aluminium a 120 ans !

On travaille également sur un projet de renouvellement des déclarations environnementales de produits (DEP) pour différents produits en aluminium, notamment pour les portes, les fenêtres et les murs rideaux. AluQuébec paie tous les frais d’experts externes : on veut vraiment positionner l’industrie comme un leader en termes de développement durable.

Quelles sont les grandes avancées réalisées à ce jour dans la foulée du déploiement de votre chantier Bâtiments et construction durable ?

Les formations développées spécifiquement pour les ingénieurs et architectes sont certainement une belle avancée, tout comme nos répertoires. Je suis aussi particulièrement fier des collaborations qu’on a avec Contech, le Conseil de l’enveloppe du bâtiment du Québec, l’Association de l'enveloppe et des revêtements muraux du Québec et l’Association de vitrerie et fenestration du Québec. On a même l’occasion de présenter des conférences techniques dans leurs événements.

Estimez-vous, aujourd’hui, que les efforts déployés par AluQuébec pour promouvoir le recours à l’aluminium auprès de la communauté architecturale, notamment, ont porté leurs fruits ?

Absolument. On remarque que l’intérêt pour le centre d’expertise est en croissance. Les architectes sont de plus en plus familiarisés avec l’aluminium et nombreux à l’utiliser dans leurs projets. Un de nos fabricants membres a même triplé son chiffre d’affaires dans les trois dernières années !

La belle relation que nous avons avec la SQI et la SHQ est un autre beau succès. D’ailleurs, je crois que la mise en place de la SQDA et nos efforts ont semé une graine chez les architectes. Même s’ils n’utilisent pas toujours l’aluminium dans leur projet au final, ils prennent quand même le temps de le considérer. Ça a clairement créé un intérêt.

À vos yeux, l’aluminium demeure-t-il encore sous-utilisé dans le secteur du bâtiment ? Et si oui, dans quelles applications ?

Je ne dirais pas qu’il est sous-utilisé, mais plutôt qu’il y a une grande opportunité de croissance. Avec le renouvellement des DEP et la préoccupation grandissante pour la gestion des produits en fin de vie, l’aluminium va certainement être davantage perçu comme une alternative plus durable.

En ce qui a trait plus spécifiquement aux catégories de produits, je dirais que les revêtements ainsi que les portes et fenêtres en aluminium sont ceux qui risquent de connaître la plus forte croissance dans les prochaines années.

Quels sont, aujourd’hui, les défis que doit relever AluQuébec pour mousser encore davantage l’utilisation de l’aluminium dans le bâtiment en sol québécois ?

On doit certainement continuer nos efforts en termes de promotion et d’information : nos formations, nos partenariats… On doit également miser sur le fait d’attirer et d’intéresser la relève. Le renouvellement des DEP est indéniablement une pierre angulaire avec l’intérêt croissant pour la réduction de l’impact environnemental des matériaux, notamment l’énergie intrinsèque de ceux-ci. Si on documente bien les produits d’aluminium, on constate alors que ceux-ci se positionnent favorablement en ce sens.

Un autre défi consiste à mettre de l’avant l’économie circulaire à laquelle participent les produits en aluminium. On réalise qu’un plus grand maillage est nécessaire entre le chantier Recyclage et celui Bâtiments et construction durable. Ce serait même une évolution naturelle puisque de plus en plus de dossiers touchent les deux.

Un autre axe d’intervention qui est important pour AluQuébec est de travailler l’intégration de critères ESG chez nos membres. Depuis deux ans, on a réalisé une refonte complète de notre gouvernance à l’interne et revu notre mode de fonctionnement. On est ainsi passé de 32 membres du CA à 13, dont six sont des femmes. Cette réorganisation a permis à AluQuébec de devenir plus agile, de mieux définir les compétences et les rôles de chacun en plus de mettre en place une meilleure représentativité de l’industrie et de favoriser l’équité et la diversité. On croit que cette modernisation de notre gouvernance va donner l’exemple à nos membres. Déjà, d’autres grappes industrielles nous ont approchés afin de s’inspirer de notre démarche.

Quelle est la vision pour l’avenir ?

Ma vision est bien entendu d’augmenter l’impact économique de l’aluminium et de poursuivre le développement de produits novateurs, mais surtout, dans une perspective de décarbonation, d’économie circulaire et d’empreinte sociétale.

On souhaite également moderniser le membership d’Alu- Québec afin d’augmenter le sentiment d’appartenance et le réseautage et le rendre plus pérenne. Avec cette nouvelle formule qui devrait être lancée sous peu, on veut mobiliser davantage les différents acteurs de l’industrie, que ce soient les fabricants, les architectes ou les ingénieurs, et les sensibiliser au rôle important que peuvent jouer les produits en aluminium en matière de développement durable, tant en termes d’impact environnemental, sociétal qu’économique.