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Le Complexe des sciences de l’Université de Montréal

20 janvier 2020
Par Rénald Fortier

Un bâtiment à haute performance environnementale qui donne le ton à la requalification durable d’une vaste friche urbaine.

Sur le site de l’ancienne gare de triage ferroviaire d’Outremont du Canadian Pacifique, au cœur de l’île de Montréal, s’élève désormais un bâtiment lumineux qui se pose comme le symbole de l’ouverture à la collectivité de cette friche de 38 hectares. Et qui marque le point de départ de sa transformation en un véritable milieu de vie mixte et durable à la jonction des quartiers Outremont, Mile End et Parc-Extension ainsi que de Ville Mont-Royal.

Ce bâtiment, c’est le Complexe des sciences de l’Université de Montréal (UdeM). Inauguré en septembre dernier, au terme d’un investissement de 350 millions de dollars, ce premier maillon du Campus MIL de l’institution accueille aujourd’hui quelque 2 000 étudiants et 200 professeurs des départements de chimie, de physique, de géographie et de sciences biologiques.

Totalisant 60 000 mètres carrés, ce complexe s’articule autour de deux pavillons, les pôles Sciences et Enseignement, qui s’élèvent de part et d’autre de l’axe nord-sud formé par le prolongement de la rue Wiseman dans le quartier Parc-Extension. Ces deux volumes sont liés du sous-sol au rez-de-chaussée par la bibliothèque qui, elle, se dévoile en paliers multiples surmontés d’un aménagement public.

La conception d’un tel bâtiment phare, parce qu’il s’agit bien de cela, n’était évidemment pas sans s’accompagner de grands défis à relever pour l’équipe de professionnels réunie autour du projet à partir de l’été 2014. Car le Complexe des sciences devait nécessairement s’ouvrir aux communautés avoisinantes, favoriser le mieux-être de ses occupants, loger à l’enseigne du développement durable et prévoir les liaisons requises pour la réalisation des autres composantes du Campus MIL. Sans oublier que son implantation devait aussi permettre de désenclaver le site de l’ancienne gare de triage du côté nord.

De là à penser que l’équipe de concepteurs a dû user d’ingéniosité dès qu’ont été donnés les premiers coups de crayon, il n’y a qu’un pas. À commencer par l’intégration, au-dessus de la bibliothèque, d’un parcours piéton menant à une passerelle de 20 pieds de large qui surplombe des voies ferrées pour relier la station de métro Acadie à la friche à revitaliser et, en bout de ligne, à Outremont.

Liaison durable

Désigné sous l’appellation de Ligne Bleue, puisqu’il s’agit de la transposition hors sol de la ligne de métro du même nom sur laquelle est assis le bâtiment, ce parcours se déploie le long de deux grandes cours paysagées en ouvrant des perspectives visuelles sur les pavillons et les autres composantes du complexe. L’agora qui jouxte la bibliothèque, elle, constitue le pivot des circulations ainsi qu’un lieu de rencontre et d’échange pour les étudiants, professeurs et chercheurs.

« Nous nous sommes servis de la bibliothèque et de l’agora pour créer une topographie et ainsi établir un lien très fort dans l’axe nord-sud, avec un jeu d’emmarchements, de pentes douces et de bacs de plantation, et aussi pour relier les deux pôles. Ça nous a permis de concevoir un seul bâtiment [le programme fonctionnel et technique en prévoyait deux] avec des espaces qui communiquent avec fluidité les uns avec les autres, ce qui représentait un des éléments clés dans le développement du projet », relate Catherine Bélanger, architecte associée de Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architeces (MSDL), firme qui a œuvré à la conception du projet en consortium avec Lemay et NFOE.

L’architecte note que cette topographie a en outre été façonnée pour alimenter en luminosité naturelle l’agora et la bibliothèque. « Les usagers de ces espaces ne sont pas en sous-sol, précise-t-elle. Nous avons donc créé des cours qui sont entièrement aménagées et verdoyantes qui se déploient autour de façades fenestrées laissant pénétrer la lumière du jour à l’intérieur. »

Il faut dire que la luminosité naturelle est omniprésente dans la plupart des espaces régulièrement occupés du Complexe des sciences. Et qu’elle contribue à la haute performance environnementale de ce bâtiment d’une grande transparence, en conjonction avec de nombreuses autres stratégies durables imbriquées dans le design de ce projet visant une certification LEED-NC, niveau Or.

C’est le cas par exemple de l’utilisation d’appareils sanitaires à faible débit qui permet d’atteindre une réduction de la consommation d’eau potable de plus de 40 % par rapport à la référence LEED, combinée à un aménagement paysager presque sans irrigation. Tout comme de la mise en place de sections de toiture végétalisée ou encore du recours à des matériaux à contenu recyclé et de provenance régionale.

Le projet du Complexe des sciences, voire celui du Campus MIL dans son ensemble, fait aussi la part belle à la mobilité collective et active. « Le site est desservi par les stations de métro Acadie et Outremont, des lignes d’autobus et un réseau cyclable », indique Nadia Bini, directrice du développement durable chez MSDL, en soulignant que le bâtiment comptait 48 espaces de stationnement intérieurs pour vélos et 112 à l’extérieur, en plus de douches et vestiaires pour les cyclistes.

Toujours au rayon des stratégies environnementales, les concepteurs du projet ont également accordé une attention toute particulière à la performance enveloppe du bâtiment. C’est ainsi qu’un plan de durabilité a été élaboré, de concert avec CLEB – aujourd’hui UL science du bâtiment. « Il y a un calendrier d’entretien des composantes de l’enveloppe qui a été monté, après des tests in situ et en laboratoire, pour s’assurer de la viabilité de l’étanchéité et de la performance du système de mur-rideau », note Nadia Bini.

Optimisation éconergétique

C’est sans compter que la performance thermique de l’enveloppe a été optimisée, notamment par la sélection de verres éconergétiques et l’intégration de portions tympans très bien isolées dans la composition des murs-rideaux, pour contribuer à réduire au maximum la consommation d’énergie du bâtiment. Une stratégie architecturale qui, s’imbriquant avec celles préconisées sur le plan électromécanique, fait en sorte que le Complexe des sciences affiche une économie d’énergie (en mégajoule) de 53 % par rapport à la référence ASHRAE 90.1 2007.

Un rendement exemplaire quand on sait que ce bâtiment aurait pu devenir un véritable monstre énergivore avec les 352 hottes d’évacuation chimiques équipant ses laboratoires. « Il y a de grands volumes d’air à évacuer et à entrer. Ce sont 650 000 pieds cubes par minute qui doivent être traités pour l’ensemble du complexe, et il y a 850 000 pieds cubes d’air par minute de brassage de ventilation au total [200 000 pieds cubes sont recirculés] », indique Claude Giguère, vice-président de Pageau Morel, firme de génie-conseil qui a vu à la conception des installations électromécaniques en consortium avec Bouthillette Parizeau et SNC-Lavalin.

C’est pourquoi les concepteurs ont avant tout misé sur la récupération du maximum de chaleur possible pour préchauffer l’air neuf et réduire la consommation énergétique du bâtiment. La chaleur est ainsi notamment récupérée sur les évacuations d’air au moyen d’une boucle au glycol, sur le refroidissement des chambres à atmosphère contrôlée et sur les refroidisseurs, ainsi que dans les locaux à haut dégagement de chaleur et dans les fumées des chaudières à vapeur servant à la production de l’eau chaude domestique et à l’humidification.

La chaleur extraite des laboratoires, soulignons-le, est récupérée au moyen de serpentins de type run-around de façon à éviter tout risque de contamination entre l’air vicié et l’air extérieur entrant. La récupération d’énergie dans les autres secteurs du complexe s’effectue pour sa part au moyen de roues thermiques.

« Pour le chauffage des espaces, nous avons travaillé avec des boucles à basse température. Lorsque la récupération d’énergie ne suffit plus à les alimenter, des chaudières à condensation entrent en jeu pour y injecter la chaleur requise. Le chauffage de l’enveloppe, au périmètre du bâtiment, est électrique », note Bernard Charest, ingénieur chez Bouthillette Parizeau,

Une batterie d’autres mesures concourent également à la performance énergétique du Complexe des sciences : contrôle de l’éclairage et de la ventilation par détection de présence, diversité d’utilisation des hottes dans les laboratoires, système d’éclairage DEL… La liste pourrait s’allonger encore longtemps…

Équipe du projet

Client : Université de Montréal

Gestionnaire de projet  : Decasult

Architecture et coordination LEED : Consortium Menkès Shooner Dagenais LeTourneux I Lemay I NFOE Architectes

Génie électromécanique  : Consortium Bouthillette Parizeau I Pageau Morel I SNC-Lavalin

Génie structural et civil  : SDK et associés >

Architecture de paysage : Projet Paysage >>

Construction  : EBC

Mesures durables
  • Contribution à la requalification d’une friche urbaine
  • Réhabilitation des sols contaminés
  • Végétalisation d’un site auparavant en friche ferroviaire
  • Aménagement paysager presque sans irrigation
  • Site d’implantation desservi par deux stations de métro, des lignes d’autobus et des pistes cyclables
  • Luminosité naturelle abondante
  • Sections de toitures végétalisées
  • Espaces de stationnement pour vélos à l’intérieur (48) et à l’extérieur (112)
  • Appareils sanitaires, éviers et douches à faible débit
  • Réduction de l’utilisation de finis architecturaux, par exemple en laissant des murs de béton apparents
  • Produits et matériaux à faible émissivité de COV
  • Matériaux de provenance régionale et à contenu recyclé
  • Bois certifié FSC
  • Plan de durabilité élaboré pour l’enveloppe du bâtiment
  • Vues sur l’extérieur dans les espaces régulièrement occupés
  • Optimisation du confort sonore par le surdimensionnement des gaines de ventilation
  • Développement du projet en mode BIM favorisant l’exploitation durables des installations
  • Etc.

 

Stratégies éconergétiques
  • Enveloppe du bâtiment à haute efficacité : verre Low-e performant, mur-rideau pourvu de portions tympans très bien isolées, fenêtres en bandeau dans les laboratoires…
  • Gains solaires passifs en hiver
  • Occultation des gains thermiques au moyen de stores automatisés dans les zones publiques et manuels dans les laboratoires et les bureaux, de façon à ce que les usagers puissent contrôler leur environnement
  • Occultation partielle des gains thermiques au moyen d’un verre sérigraphié
  • Récupération de la chaleur sur l’air évacué, ailleurs que dans les laboratoires, au moyen de roues thermiques pour préchauffer l’air neuf
  • Récupération de l’énergie sur l’évacuation de l’air vicié des laboratoires au moyen d’une boucle au glycol – serpentins de type run-around – pour préchauffer l’air neuf
  • Optimisation du volume variable
  • Contrôle de la ventilation par détection de présence
  • Transfert d’air des secteurs de bureaux pour maintenir le décalage volumétrique requis
  • Récupération de l’énergie de refroidissement des chambres à atmosphères contrôlées
  • Récupération de l’énergie des refroidisseurs
  • Optimisation du mesurage de l’air évacué pour contrôler les décalages volumétriques au moyen d’orifices à iris variable
  • Localisation des serpentins de refroidissement en aval des ventilateurs d’alimentation pour réduire la consommation d’énergie et la puissance de refroidissement requise
  • Récupération de l’énergie dans les fumées des chaudières à vapeur
  • Éclairage DEL
  • Contrôle de l’éclairage par détection de présence
  • Etc.

 

Les laboratoires déchiffrés
  • 352 hottes chimiques
  • 253 bras de captation
  • 116 raccords d’évacuation
  • 879 raccords d’évacuation murale
  • 770 armoires ventilées sous les hottes
  • 128 cabinets de pompe à vide

Source : Pageau Morel

Le Quartier MIL

La requalification de l’ancienne gare de triage d’Outremont se traduira par l’émergence d’un nouveau secteur axé sur le développement durable au cours des années à venir. À telle enseigne que ce grand projet vise une certification LEED pour l’aménagement des quartiers.

Outre l’actuel Complexe des sciences de l’UdeM, auquel se grefferont de part et d’autre deux nouvelles ailes, ce quartier réunira à terme quelque 1 300 habitations, dont 30 % de logements abordables et sociaux, des commerces et de grands espaces verts.

Ce projet de redéveloppement au préalable fait l’objet d’investissements de 174 millions de dollars, dont 152 millions en travaux municipaux.  Ils ont notamment permis de décontaminer le terrain, de créer des bassins de rétention d’eau et de construire des infrastructures urbaines, dont l’avenue Thérèse-Lavoie-Roux qui contribue à décloisonner le site dans l’axe est-ouest.