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Agrandissement de l’usine Cascades à Lachute

7 mai 2013
Par Marie-Ève Sirois*

Cascades a récemment obtenu la certification LEED-NC, niveau Or, pour l’agrandissement de son usine à Lachute. Survol d’un bâtiment industriel à ossature de bois, situé en plein cœur d’une ville de 12 000 habitants.

À Lachute, ce n’est plus l’église qui est au cœur du village, mais bien l’usine de 30 200 mètres carrés de Cascades. Comme dans le passé, on ne lésine pas sur l’infrastructure. En effet, Cascades a injecté 15 millions de dollars dans l’agrandissement de son usine de papier tissu, dont les plus vieilles sections datent de 1880. L’investissement inclut  le coût d’acquisition de nouveaux équipements de transformation et d’emballage, de même que des frais de construction, sans honoraires, de 4,5 millions de dollars. La superficie ajoutée (6 800 mètres carrés) sert à la transformation (1/3) et à l’entreposage (2/3). 

L’histoire de ce projet débute à l’hiver 2007. Les dirigeants de Cascades travaillent à intégrer le développement durable à toutes les sphères de l’organisation. En parallèle, le besoin d’agrandir l’usine de Lachute se fait sentir. Serge Leroux, directeur général de la division hors foyer de Cascades Groupe Tissu, alors directeur de l’usine de Lachute raconte : « LEED faisait partie des options. Nous nous sommes d’abord intéressés aux bâtiments industriels certifiés, comme ceux de Bombardier, de Sobeys et de Tricentris. Puis, nous avons rencontré des professionnels qui avaient de l’expérience avec les projets verts. » 

La table était mise pour un projet d’agrandissement durable. Au début de l’année 2008, le président et chef de la direction de Cascades, Alain Lemaire, donne le feu vert pour les plans et devis. L’équipe Cascades a dans sa mire le niveau Argent de la certification LEED, ainsi qu’une structure en bois de Chantiers Chibougamau. « Alain Lemaire a toujours été un fervent défenseur des fleurons québécois », souligne Serge Leroux. La construction durera environ un an, à partir de l’été 2008. 

Composer avec le site

Le site de Lachute présentait plusieurs contraintes. Avec la rivière du Nord aux abords de l’usine, l’espace disponible pour agrandir était relativement limité. Parmi les terrains voisins, il y avait notamment une dizaine de maisons enclavées par l’usine, de même qu’une église désuète. « Par manque de moyens financiers, explique Serge Leroux, le diocèse de Saint-Jérôme souhaitait vendre son terrain et ainsi céder le bâtiment patrimonial. Graduellement, de gré à gré, Cascades a donc fait les démarches pour acquérir les propriétés adjacentes, dans le but d’agrandir l’usine à l’endroit optimal. » 

Par la suite, l’église a été déconstruite, de manière à préserver les matériaux potentiellement réutilisables : pierres de parement, tuiles d’argile, vitraux et cloches. En façade, un parc public a été aménagé. On y retrouve un monument conçu à partir de l’une des cloches de l’église défunte. De plus, les allées extérieures de l’usine sont pavées de pierres de parement récupérées. Du parc, les vitraux restaurés et réintégrés sur une portion de mur de l’agrandissement rappellent l’historique du lieu. 

« On voulait garder le projet à saveur locale. Ce bâtiment, s’exclame Serge Leroux, c’est un joyau pour Cascades. » Ce dernier confirme d’ailleurs que la réutilisation des matériaux, de même que les panneaux d’interprétation du projet sont une initiative de la compagnie, et non une obligation de la MRC ou du diocèse. 

En ce qui a trait à la gestion des eaux pluviales, l’architecte Jean Tardif, associé de Blouin Tardif Architecture-Environnement, explique la stratégie adoptée. « Le site de l’usine était relativement imperméable. Nous avons donc décidé de prendre en charge toutes les eaux de pluie du nouveau bâtiment, tant celles de la toiture que du pavage de l’agrandissement. Elles sont détournées des égouts et canalisées vers un bassin d’infiltration (543 m2) et un étang (84 m2), ce qui permet la recharge de la nappe phréatique. L’eau est naturellement filtrée par les composantes typiques : plantations de roseaux, membranes géotextiles, sable et gravier. » 

Utiliser le bois

Le nouveau bâtiment est constitué d’une structure indépendante de poutres et colonnes en lamellé-collé, avec pontage de bois. Tant du côté du client que de l’architecte, l’utilisation du lamellé-collé s’est avérée plus laborieuse que prévue, notamment à cause des particularités industrielles du projet. Par exemple, l’arrimage à la structure d’un pont roulant d‘acier, d’une capacité de 10 tonnes, était, sans contredit, un défi d’ingénierie. 

« Il a fallu beaucoup de recherche, d’ajustements, de calculs additionnels et de temps pour réussir à installer ce dernier de manière adéquate, relate Jean Tardif. Normalement, on fixe un tel pont sur une structure d’acier. Le système d’attachement habituel a donc dû être adapté pour la structure de bois. »

Il n’en demeure pas moins que l’architecte propose du bois d’ingénierie dans la plupart de ses projets. « À cette épaisseur, fait-il valoir, c’est considéré comme un matériau incombustible. C’est aussi une excellente façon de séquestrer du carbone et de valoriser un résidu forestier comme les têtes d’épinette noire. » 

Le client estime que la structure a coûté 30 % plus cher que l’équivalent en acier. « Par contre, le bois est symbolique pour nous et il concorde avec les valeurs avant-gardistes de Cascades », lance Serge Leroux. Cette charpente est habillée de panneaux métalliques isolants avec mousse de polyisocyanurate expansé (alvéoles fermées), sans CFC. 

Récupérer la vapeur de procédé

Comme l’usine fait usage de vapeur de procédé, les ingénieurs de Blondin Fortin ont décidé d’en tirer profit pour le chauffage. « Lorsque le procédé est en fonction et qu’il y a une demande de chauffage, une séquence de contrôle permet de puiser la chaleur d’un échangeur existant pour chauffer l’agrandissement via les unités de toiture. On chauffe ainsi environ 10 % du temps », indique l’ingénieur Philippe Grenier. 

Une chaudière au gaz naturel assure la charge restante. L’expert de Blondin Fortin précise : « Contrairement à d’autres projets industriels, à l’usine de Lachute, il fallait faire attention aux passages des conduits électromécaniques pour ne pas détériorer l’aspect esthétique de la structure. » 

Le 5 mars 2013, l’agrandissement de l’usine de Cascades a obtenu la certification LEED-NC, niveau Or, soit plus de cinq ans après les premiers balbutiements du projet. De plus, l’usine a reçu le Prix d'excellence en design-construction 2010, octroyé par l'Institut canadien de design-construction.


*Marie-Ève Sirois est cofondatrice d’Écobâtiment.

Mesures durables
  • Agrandissement réalisé sur un site déjà aménagé, dont l’usage a été transformé et le zonage modifié ; aucun espace vert n’a été détruit.
  • Plantation d’arbres pour compenser tous les GES émis par les déplacements des travailleurs sur le chantier de construction.
  • Aménagement d’un stationnement pour les vélos.
  • Affectation de 10 % des cases de stationnement pour les véhicules automobiles qui pratiquent le covoiturage.
  • Détournement de 100 % des eaux pluviales des égouts.
  • Utilisation d’une membrane de toiture blanche, à albédo élevé.
  • Aménagement paysager avec plantes indigènes et sans système d’irrigation.
  • Éclairage performant (lampes fluorescentes de type T5 avec ballasts électroniques) contrôlé par des détecteurs de mouvements et des détecteurs de luminosité, vu la présence de 37 puits de lumière.
  • Exploitation de la vapeur de procédé pour le chauffage.
  • Système de ventilation avec roue thermique (efficacité de 70 %).
  • Réutilisation de matériaux et d’artefacts provenant de l’église déconstruite de Saint-Julien de Lachute, notamment pour la création d’un centre d’interprétation public, face à l’usine.
  • Intégration d’ajouts cimentaires au béton, cendres volantes et fumée de silice, dans une proportion de 27 %.
  • Matériaux à faible ou sans émission de COV, et sans résine d’urée formaldéhyde.
  • Mise en place de mesures éducatives, par la formation des employés et des occupants.

 

Quatre cibles
  • Diminution de la consommation en eau potable de 46,7 % par rapport aux critères du CBDCa.
  • Réduction des coûts en énergie de 58 % par rapport à la référence du CMNÉB.
  • Détournement de 86,6 % des déchets de construction de l’enfouissement.
  • Utilisation de matériaux régionaux dans une proportion de 47,1 % des coûts.

 

Équipe du projet
  • Client : Cascades Groupe Tissu
  • Construction : Première Design-Construction
  • Architecture : Blouin Tardif Architecture-Environnement
  • Génie électromécanique : Blondin Fortin Associés
  • Génie structural : Groupe Stavibel et Nordic bois d’ingénierie

 

Le bois en chiffres
  • Hauteur libre de l’usine : 9 m.
  • 1 000 m3 de bois ont été employés dans ce projet, soit l’équivalent d’une séquestration de carbone de 1 000 tonnes de CO2.
  • La masse volumique de l’épinette noire, essence de bois utilisée pour tous les éléments en lamellé-collé est, en moyenne, 480 kg/m³.
  • Bois d’ingénierie entièrement certifié FSC.
  • Coût de la structure : 635 000 dollars, ce qui représente 96,36 % du coût total des matériaux.