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28 avril 2015
Par Rénald Fortier

La nouvelle tour de la Cité de la Coopération Desjardins à Lévis : un bâtiment écologique haute performance dont le design s’articule autour du confort des occupants et du travail collaboratif.

Vert. C’est la couleur du Mouvement Desjardins. Et c’est aussi celle qui teinte sa nouvelle tour de bureaux située au 150, rue des Commandeurs, à Lévis. Un bâtiment de 15 étages dont l’implantation aura été au cœur de la revitalisation durable de la Cité Desjardins de la Coopération entre le printemps 2011 et l’automne 2014. 

Les premières réflexions à l’origine de ce grand chantier remontent à 2007. Elles visent alors à répondre aux besoins en espaces de travail générés par la croissance soutenue de la filiale Desjardins Sécurité financière, de même qu’à permettre le rapatriement de quelque 400 employés s’activant à l’extérieur de la Cité. Mais elles appellent en même temps un réaménagement majeur de la partie nord de ce vaste site ayant accueilli son premier bâtiment à la fin des années 50. 

C’est que la construction d’un quatrième édifice de bureaux dans ce secteur exige d’y reconfigurer les circulations, au premier chef pour assurer la sécurité des déplacements piétons. Sans compter qu’elle est aussi l’occasion de revoir les aménagements extérieurs et la gestion de l’écoulement des eaux pluviales sur le site, ainsi que de tisser des liens synergiques entre les bâtiments. 

La table est donc mise pour l’élaboration d’un projet visant à refaçonner le visage de la Cité et améliorer la qualité de vie au travail des employés. D’autant plus qu’il est dès lors convenu que le site sera revitalisé dans une perspective durable et que le futur bâtiment répondra aux exigences du système LEED, bien que le niveau de certification à atteindre demeure encore à déterminer. 

Une fois arrêtée la décision d’aller de l’avant, en 2008, une équipe de professionnels du bâtiment et de l’aménagement s’engage dans un processus de design qui met en commun et en interaction les différentes expertises autour de la table, incluant celle de l’entrepreneur-gérant. Tout comme il met à contribution le savoir-faire de Desjardins, notamment en matière d’exploitation immobilière. 

« Cette conception intégrée a mené à la réalisation d’un projet innovant, observe avec du recul André Roy, directeur de projets et conseiller principal chez Desjardins Gestion d’actifs. Ça nous a permis de choisir les meilleures solutions, d’établir le niveau certification LEED à cibler, soit Or, ainsi que de bien cadrer l’objectif budgétaire et l’échéancier tout au long de l’élaboration du concept. 

« À chaque fois qu’était donné un coup de crayon, poursuit-il du même souffle, on en évaluait la portée sur les plans de la valeur monétaire, de la valeur ajoutée au design et de la faisabilité. Ça nous a permis de prendre des décisions avisées dans le meilleur intérêt du projet, puis de respecter nos paramètres de mise en œuvre. » 

Revitalisation du site

Il en résulte un concept qui est le fruit de la complémentarité des stratégies durables imbriquées dans ses dimensions urbanistique et immobilière. Côté site, il mène avant toute chose au déplacement de la rue des Commandeurs, qui courait auparavant au milieu des immeubles, de façon à repousser les circulations automobiles et les stationnements en périphérie de la Cité. 

Il se traduit aussi par l’application de mesures permettant de réduire et de ralentir considérablement le rejet de l’eau de pluie à l’égout. Plus particulièrement par la mise en place d’un ouvrage de rétention en béton sous les aménagements extérieurs, à l’angle des rues Alphonse-Desjardins et des Commandeurs, et de deux autres bassins constitués avec des arches en polypropylène, enfouis ceux-là sous des aires de stationnement. 

« L’exutoire naturel du terrain allait vers le sud, où l’émissaire municipal était vraiment surchargé, précise l’ingénieur Robert Desbois, directeur de projet chez Tetra Tech. Nous avons donc scindé le site pour dévier vers le nord les eaux pluviales de 10 de ses 14 hectares avec un débit régularisé à 50 litres/seconde par hectare. Du côté des quatre hectares toujours drainés vers le sud, nous avons installé les dispositifs de rétention qui permettent de ramener à 15 litres/seconde par hectare le débit rejeté à l’égout, conformément aux restrictions imposées par la Ville. » 

Un réseau piétonnier souterrain – hormis un passage au sol vitré – est également aménagé entre les bâtiments, tout comme des promenades extérieures culminant sur la nouvelle Place de la Coopération, un espace public central se déployant autour d’un plan miroir alimenté par les eaux en provenance des toitures végétalisées du basilaire du nouvel édifice. 

Pièce maîtresse du projet d’ensemble, cette construction offre 1 500 espaces de travail totalisant près de 380 000 pieds carrés. Composée d’un socle habillé de granit sur lequel repose une tour entièrement enveloppée de murs rideaux de verre, elle amène désormais de la légèreté dans le secteur nord du site, qui était jusque-là occupé par des immeubles en béton. 

En plus de l’accueil et de la salle mécanique principale, les deux planchers du basilaire abritent des espaces communs et des lieux de rassemblement pour l’ensemble des usagers de la Cité, tels une grande cafétéria, un centre d’entraînement et un vaste centre conférence. S’élèvent ensuite 12 étages de bureaux surmontés d’un dernier niveau où l’on trouve la grande salle du conseil d’administration du Mouvement Desjardins. 

Soulignons que l’équipe de conception avait un temps envisagé la construction d’un immeuble de cinq ou six étages, comme ceux se trouvant déjà sur le site, avant de valoriser définitivement la hauteur en cours de route. Non seulement parce qu’une tour de 15 étages permettait de réduire l’empreinte au sol, mais aussi parce qu’elle allait marquer la forte présence de Desjardins à Lévis. 

Confort des occupants

Le design de cet édifice rectangulaire, dont la façade principale est orientée vers le sud, a été pensé de façon à optimiser la qualité des espaces intérieurs, tant sur le plan du confort que sur celui de la fonctionnalité. Parmi les stratégies préconisées pour offrir des lieux sains et confortables, tout en favorisant la collaboration entre les employés et la productivité au travail, figurent l’apport abondant de luminosité naturelle sur les étages de bureaux et les vues donnant sur l’extérieur dans la presque totalité du bâtiment. 

À cela s’ajoute l’aménagement d’espaces de détente et de socialisation dans l’atrium, un volume en saillie sur la façade nord où un mur vert traverse l’immeuble sur toute sa hauteur. « Les occupants y ont une superbe vue sur le fleuve, sur Québec et sur l’île d’Orléans, note Normand Hudon, associé de Coarchitecture. Avec la présence de la végétalisation, les employés bénéficient d’un environnement empreint d’une approche biophilique. 

« En outre, ajoute-t-il, le jardin vertical est visible tant de l’extérieur que de l’intérieur. Comme il nécessite de toute manière une forte dose d’éclairage pour que vivent les plantes, on en fait une mise en lumière qui le rend visible de la rive-nord la noirceur venue. Il se pose ainsi comme un phare s’élevant reflétant la couleur distinctive de Desjardins. » 

L’aménagement intérieur fait évidemment la part belle aux espaces de travail collaboratifs en offrant sur chaque étage une bibliothèque, un atrium, différentes salles de réunion et des banquettes aménagées à chaque extrémité du bâtiment. L’approche privilégiée fait en sorte que chacun des employés a concédé une partie de son espace personnel au profit de l’aménagement de pièces de collaboration adaptées à la fonction. 

« Il y a 138 sièges pour les postes de travail réguliers, mais également 69 sièges de collaboration sur chaque étage. Ainsi, les gens disposent d’espaces alternatifs pour travailler en fonction de ce qu’ils ont à faire à un moment précis, explique Hubert Lauzon, directeur principal, Solutions immobilières et Relations avec la clientèle chez Desjardins

« De plus, enchaîne-t-il, nous avons établi une universalité pour les postes de travail et les bureaux des gestionnaires. Comme la trame est très flexible, nous allons ainsi réduire considérablement d’année en année la production de matériaux de démolition et l’usage de matériaux de construction, et les coûts que cela suppose, lors d’opérations de réaménagement. » 

Performance éconergétique

 Le 150, rue des Commandeurs n’a pas été conçu que pour assurer la qualité de ses espaces intérieurs, mais aussi en vue d’en faire un immeuble éconergétique. Et à l’évidence avec succès quand on sait que sa consommation en énergie est réduite de 50,9 % par rapport à la référence du CMNÉB et que l’on visait initialement à atteindre 47 %. Un résultat qui se traduit en parallèle par une diminution d’émissions de 1 160 tonnes équivalent CO2 par année. 

Une batterie de stratégies et de mesures concourent à l’atteinte de cette performance. Comme le recours à un système géothermique, l’installation d’appareils d’éclairage efficaces, l’apport de la luminosité naturelle ou l’usage d’un système de ventilation à débit d’air variable. Sans oublier la récupération de la chaleur qui permet de combler à peu de choses près du tiers des besoins en chauffage.

« L’énergie est récupérée sur l’air vicié évacué de la tour au moyen d’un échangeur à cassettes, pour préchauffer l’air neuf, puis sur l’air évacué des salles mécaniques et de la salle électrique principale par l’entremise d’une roue thermique, dans ce cas pour transférer la chaleur. On récupère également l’énergie de toutes les zones internes avec des thermopompes pour chauffer les locaux périphériques », note Stéphane Grenier, ingénieur chez Roche

L’orientation sud d’une grande façade entièrement fenêtrée, bien qu’elle permet de bénéficier du solaire passif l’hiver, aurait pu se révélée une stratégie pour le moins pénalisante en terme de gains thermiques de la période estivale, mais qu’il n’en est rien. Normand Hudon explique : « Nous avons développé et mis en place un système de pare-soleil et de tablettes réfléchissantes qui occultent les gains en été, tout en laissant pénétrer la lumière naturelle et en contrôlant l’éblouissement. 

« À l’ouest, ajoute l’architecte, la façade est plus étroite et est pourvue d’un verre comportant un facteur d’assombrissement plus accentué pour assurer le confort thermique des occupants. Aussi, comme un tel édifice de bureaux est exothermique, on peut déplacer vers le nord le gain accumulé au sud pour compenser les déperditions thermiques du côté de l’autre grande façade vitrée. »

Équipe du projet

Propriétaire : Desjardins

Architecture et expertise LEED : Coarchitecture

Génie électromécanique : Roche

Génie structural et civil : BPR (aujourd’hui Tetra Tech)

Entrepreneur-gérant : Pomerleau

Architecture du paysage : François Courville

Design Urbain : Urban Soland

 

En chiffres

90 % Détournement des déchets de construction de l’enfouissement

51 % Réduction de la consommation énergétique par rapport à la référence du CMNÉB – elle s’accompagne d’une diminution d’émissions de gaz à effet de serre de 1 160 tonnes équivalent annuellement

44,7 % Abaissement de la consommation d’eau potable par rapport aux exigences LEED

25 % Diminution du rejet des eaux de ruissellement à l’égout

 

Mesures durables
  • Toitures végétalisée et blanche à haute émissivité
  • Appareils de plomberie à faible débit : robinetterie (lavabos), 1,9 l/min ; douches, 5,7 l/min ; Toilettes double chasse, 3,6 et 4,8 l/chasse ; urinoir : 1,9 l/chasse
  • Récupération et stockage de l’eau pluviale en provenance de la toiture pour alimenter un bassin miroir
  • Matériaux à contenu régional dans une proportion supérieure à 40 %
  • Vues sur l’extérieur dans 95 % des espaces
  • Mur-végétal intérieur
  • Et autres

 

Stratégies éconergétiques
  • Apport important de luminosité naturelle
  • Gains solaires thermiques en hiver côté sud
  • Occultation des gains thermiques en été, côté sud, au moyen de pare-soleil à l’extérieur et de tablettes réfléchissantes à l’intérieur, combinés à l’usage de toiles solaires et d’un système de contrôle centralisé de l’intensité de l’éclairage artificiel
  • Façade plus étroite et verre affichant un facteur d’assombrissement plus élevé côté ouest
  • Système de ventilation à débit d’air variable
  • Système géothermique comportant 33 puits verticaux forés à 183 mètres et couplés à une thermopompe [306 kW en chauffage ; 100 tonnes en climatisation]
  • Deux chaudières électriques principales de 600 kW et quatre chaudières à accumulation thermique de 80 kW chacune
  • Transfert du surplus de chaleur accumulé sur la façade sud vers la façade nord
  • Récupération de la chaleur de l’air vicié évacué au moyen d’un échangeur à cassette, pour les étages de bureaux, et d’une roue thermique au niveau du basilaire
  • Refroidisseurs avec des tours d’eau aux toits
  • Hottes à vitesse variable dans les cuisines permettant de réduire les débits d’air à évacuer et à compenser
  • Appareils d’éclairage performants
  • Et autres

 

Jardin vertical

Lys de paix, philodendrons, figuiers… Le nom des végétaux réunis sur le mur vert du 150, rue des Commandeurs, pourrait se décliner encore longtemps. C’est que pas moins de 42 espèces hydroponiques sont intégrées dans ce tableau vivant de 65 mètres de haut.

Imaginé par Coarchitecture et livré par Green over Grey, une entreprise de Vancouver, ce jardin vertical intérieur unique au monde compte pas moins de 11 000 plantes et fleurs étalées sur six sections contiguës totalisant 196 mètres carrés. D’une largeur de trois mètres, le mur affiche un poids de 15 à 20 kilogrammes par mètres carrés.

Outre les végétaux, le système est constitué d’une structure d’acier galvanisé, de panneaux étanches fabriqués à partir de plastiques 100 % recyclés, d’un système d’irrigation goutte-à-goutte, d’une natte d’enracinement en polypropylène, de deux nattes d’irrigation faites de fibres textiles entièrement recyclées et de lampes aux halogénures métalliques.

L’entretien se fait au moyen d’une nacelle qui s’accroche à une poutre en acier intégrée au mur – laissée à l’état oxydé pour contraster avec les plantes – pour monter et descendre le long des six tableaux.

 

Écologisation paysagère

La revitalisation de la Cité Desjardins aura permis de métamorphoser l’aménagement extérieur du site. À commencer par la mise en place de la Place de la Coopération et de son élément central, un bassin miroir d’une profondeur de 18 pouces. Avant d’y être acheminée, l’eau pluviale est traitée par biofiltration dès que s’amorce sa récupération des toitures du basilaire. D’abord par les végétaux aux toits, puis en circulant successivement dans cinq bassins habités par une dizaine de plantes.

« Nous avons également travaillé très fort pour préserver les arbres présents sur le site, en plus d’en ajouter au moins 125 autres. Nous avons notamment pu sauvegarder un érable majestueux qui est aujourd’hui au centre du bassin miroir comme sur une île, note l’architecte paysagiste François Courville, en soulignant que des matériaux (maçonnerie de pierre et bois lamellé-collé) provenant de la déconstruction d’un bâtiment qui se trouvait auparavant sur le site ont été réintroduits dans le nouvel aménagement.