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Le défi du confort thermique dans les villes

20 avril 2022
Par Dominique Derome, ing. Ph.D., professeure titulaire*

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
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Les villes sont des systèmes d’une complexité croissante et le bien-être de ses habitants est complexifié par les flux de vent, la densification et le rôle de la végétation.

On constate que l’effet des vagues de chaleur, de plus en plus fréquentes en raison des changements climatiques, est amplifié par l’effet d’ilot de chaleur urbain, qui se traduit par des températures de l’air plus élevées dans les villes que dans les zones rurales. Par conséquent, les résidents et utilisateurs de la ville sont exposés à une fréquence et à une intensité plus élevées de conditions imposant un stress thermique. Les bâtiments et l’environnement bâti doivent être améliorés en conséquence. L’adaptation de l’environnement bâti et l’application de mesures d’atténuation du stress thermique doivent impliquer les scientifiques, les ingénieurs, les spécialistes de l’aménagement, les décideurs politiques et les utilisateurs de la ville.

En tant qu’ingénieurs, quelles options avons-nous? Les ingénieurs doivent tirer parti de l’évolution de plus en plus rapide de la science du climat urbain et de la physique urbaine. Le climat urbain n’est pas à ce jour bien documenté et caractérisé. Des stations météorologiques urbaines devraient être ajoutées au réseau actuel. Il est nécessaire de saisir la complexité des vents locaux, cruciaux pour la ventilation naturelle en milieu urbain. En plus de la vitesse, la température et l’humidité relative de l’air, les températures de surface sont requises. De plus, le dépôt de pluie est un phénomène complexe à prévoir, alors que la pluie est une source d’eau majeure pour l’environnement bâti. Les interactions entre ce climat, les bâtiments, les infrastructures urbaines telles les rues et les trottoirs, la forêt urbaine et plus doivent aussi être étudiées par simulation par ordinateur pour compléter les observations. Les modèles de climat urbain sont actuellement élaborés et mettent en œuvre différentes approches : de la physique et de la géométrie explicites du quartier aux modèles climatiques à méso-échelle basés sur la DCF (dynamique computationnelle des fluides), en passant par les outils basés sur l’apprentissage automatique. Les interactions dynamiques entre l’environnement local, la configuration du canyon des rues et les bâtiments ainsi que la végétation peuvent alors être correctement saisies par les modèles urbains et climatiques.

Une fois le climat urbain local mieux cerné, des solutions d’adaptation au changement climatique et d’atténuation locale des événements extrêmes se doivent d’être conçues. Il est possible d’explorer des voies vers cette adaptation et cette atténuation, en faisant varier les matériaux des chaussées, des façades et des toits, en intégrant la végétation, l’ombrage et les surfaces d’eau, et en étudiant les flux hydrologiques en milieu urbain résultant de l’intégration de tous ces paramètres. Il est certes recommandé d’augmenter la couverture végétale urbaine, en particulier les arbres, pour contribuer à atténuer la chaleur et à intercepter l’eau. Le développement de solutions exploitant le potentiel de l’infrastructure verte pour contrôler l’ilot de chaleur urbain et atténuer les vagues de chaleur est une avenue prometteuse. Mais, des solutions d’adaptation et de mitigation ne seront peut-être pas suffisantes. Les villes ont le potentiel d’être des agents de changement fondamental, encore faut-il être prêt à les revisiter et les repenser. Au cœur de ces changements à venir, on doit s’assurer du confort thermique et de la santé des citadins.

Comment les ingénieurs en physique urbaine devraient-ils être formés et comment ce nouveau domaine devrait-il contribuer à la société? Un état des lieux de la physique urbaine et un début de réflexion sur la pratique de ce nouveau domaine sont nécessaires.


Par Dominique Derome, ing. Ph.D., professeure titulaire
Titulaire Chaire de recherche du Canada niveau 1 Physique du bâtiment multiéchelle, Département de génie civil et de génie du bâtiment, Université de Sherbrooke