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L’hortithérapie : un concept à portée de main ?

17 décembre 2020
Par Marjolaine Auger*

Centre de formation en développement durable CHRONIQUE DU GROUPE DE TRAVAIL
SUR LES TOITURES VÉGÉTALISÉES

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Le jardin thérapeutique est bénéfique à la rencontre entre un médecin et son patient. Contrairement à un local fermé où le stress de l’entrevue est amplifié, un espace ouvert à la nature fait tomber impérativement les barrières en laissant place à l’affirmation des aspects physiques, psychiques et sociaux de la personne.

Mais n’en sommes-nous encore qu’aux balbutiements en restreignant nos concepts de projets québécois qu’à l’aspect visuel de la toiture végétalisée et à son apport statistique à la réduction de la durée de convalescence du patient en milieu hospitalier? En 2011, c’est l’approche qu’a empruntée l’Institut universitaire de gériatrie de Montréal. En 2016, le CHUM a fait un pas supplémentaire en permettant l’accès à l’une d’entre elles, suivi enfin du CHU Sainte-Justine, construit la même année et ayant poussé un peu plus loin le concept d’implantation de verdure à même le bâtiment; les cours intérieures sont accessibles au personnel soignant et une énorme esplanade sert de lieu de rencontre sécuritaire entre le visiteur et le jeune patient, le tout dans une atmosphère détendue et plus humaine.

C’est encore un privilège pour le patient d’aboutir dans un établissement de santé où il a la chance de planter et entretenir, de se promener, de s’asseoir et écouter, de se prélasser et admirer les saisons qui passent, dans un contexte extérieur au bâtiment. Tout ceci n’a rien à voir avec le fait de rester allongé, assis ou debout dans une chambre, de se dégourdir dans un corridor ou de suivre sa thérapie quotidienne dans un bureau aux murs tapissés de campagnes d’information ciblées.

Le jardin thérapeutique sur le toit est un endroit extérieur sécuritaire exclusif. On voit surtout son implantation en projets institutionnels. La réaction des humains face aux plantes est appelée phytorésonance. Passer du temps à l’air libre a des bienfaits pour les personnes atteintes d’anxiété et de dépression. Cet environnement relaxant et thérapeutique est un bon moyen de quitter son milieu sans toutefois quitter le bâtiment; s’évader de l’environnement clos et contrôlé.

Un environnement actif et créatif

Nos cinq sens sont stimulés, et ce qui entre dans nos narines est en partie dépollué par les végétaux au lieu des filtres de l’échangeur d’air. La lavande excite l’odorat et calme l’esprit. Les papillons et les oiseaux, attirés par un choix judicieux de plantes, aiguillonnent la vue et l’ouïe. On stimule le goût par la cueillette de petits fruits, légumes et fines herbes, tandis que le toucher est activé en mettant carrément les mains dans la terre pour planter, arroser, récolter, etc.  On peut même pousser au maximum plusieurs sens en même temps en intégrant une cascade ou une chute accessible pour plonger ses mains dans l’eau. Un environnement actif et créatif apporte de la vie au-delà de la maladie…

Le jardin de guérison de l’Institut neurologique de Montréal. Photo : Antoine Trottier / La ligne verte

En milieu institutionnel, c’est au pavillon de réadaptation qu’on rencontre le plus souvent le jardin thérapeutique sur le toit. Un projet formidable, qui sera détaillé plus bas, est le Chicago Schwab Rehabilitation Hospital, construit en 2002 et où l’on pratique la thérapie horticulturale ou hortithérapie. Un autre projet a vu le jour en 2013, le Toronto Rehab’s University Center (unité de réadaptation gériatrique). Celui-ci est accessible aux patients, aux amis et à la famille. La thérapie est concentrée sur l’alzheimer et la démence, et elle est axée sur les mouvements et l’exercice. L’année 2017 a vu apparaître dans l’est du pays le projet du Moncton Hospital Mental Health avec son toit jardin aménagé pour la psychiatrie auprès des enfants et des adolescents atteints de maladies mentales, de dépressions chroniques et d’anxiété.

Plus près de nous, une toiture à petite échelle réalisée en 2002 est consacrée aux bénéficiaires du CHSLD Saint-Michel à Montréal. L’attention de l’aménagement de ce lieu est portée sur un jardin ornemental avec bacs potagers, balançoires, sièges, barbecue, etc., le tout dans une ambiance encadrée et sécurisante. Enfin, le jardin de guérison de l’Institut neurologique de Montréal, dont la démarche est la thérapie par les arômes des plantes sélectionnées dans l’aménagement, s’est réalisé lors de l’agrandissement du bâtiment en 2016. Il est actuellement accessible de la rue.

Une réalisation exemplaire

Le Schwab est un projet des plus complets à tous les niveaux : un grand trottoir fait le tour du jardin qui devient ainsi accessible aux fauteuils roulants. Il est constitué de matériaux reflétant les rayons solaires dans le but de diminuer l’accumulation de chaleur sur le toit. Le pavé est posé sur des socles, ce qui permet un assèchement rapide de la surface. On retrouve un ruisseau d’environ une vingtaine de mètres qui sillonne la toiture et qui est alimenté par une cascade d’eau. Une pergola et de grands bacs plantés d’arbres offrent de l’ombre aux patients. Les bassins de plantation de légumes et de fines herbes sont surélevés à environ 600 mm de la surface.

Le jardin thérapeutique du Chicago Schwab Rehabilitation Hospital. Photo : Hydrotech

Cette conciliation profite aussi bien aux patients en fauteuil roulant qu’aux autres utilisateurs, mais aussi à la famille, aux amis et aux membres du personnel pour que tous puissent jouir du jardinage à portée de main. Pour terminer, un coin est destiné spécifiquement à l’aire de jeux pour les enfants. C’est un total de 1 000 m² de toiture, dont 550 m² sont végétalisés. Au-delà de tout cet aménagement, la visée est en fait la réadaptation physique de patients atteints de plusieurs traumatismes; la perte cognitive, sensorielle ou motrice due à des lésions cérébrales et de la moelle épinière, des amputations, des maladies chroniques, des accidents vasculaires cérébraux, etc. Le jardin sur le toit devient leur premier contact avec l’extérieur après avoir subi des mois de traitements et d’interventions chirurgicales.

Une nouvelle avenue à développer

Même avec le plus beau jardin thérapeutique du monde sur le toit d’un établissement de santé (CHSLD, centre de réadaptation, centre jeunesse, centre hospitalier pour enfants, centre de convalescence, etc.), l’hortithérapie n’existe pas sans animation. Cette nouvelle avenue à développer nécessite donc de la formation auprès du personnel soignant pour faire fonctionner le jardin à 100 % de son potentiel. Psychologue, ergothérapeute, infirmier, médecin, physiothérapeute, thérapeute récréatif et tout autre professionnel de la santé, œuvrant entre les quatre murs de l’établissement, chacun doit être motivé pour mener à bien la thérapie par la nature. Intégrer ces professionnels en conceptualisation serait sans contredit leur motivation première. Qui de mieux placé qu’eux pour nous dicter leurs besoins et ceux de leur patientèle ?

Les projets à venir pourront certainement exploiter les bons coups et maximiser les effets positifs de la thérapie horticulturale sur le patient et le personnel soignant. Le futur pavillon Enfant-Soleil de l’Hôpital de Fleurimont du Centre Hospitalier Universitaire de Sherbrooke, qui doit être complété en 2023, aura l’occasion d’établir de nouveaux standards pour l’hortithérapie.


*Marjolaine Auger est agronome chez Hydrotech et membre du Groupe de travail sur les toitures végétalisées du CBDCa-Qc