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Fenestration : favoriser une intégration durable

L’intégration de la fenestration est un facteur déterminant d’une architecture durable. Zoom sur les meilleurs pratiques. 

Par Marie Gagnon 

Le fenestrage est sans contredit l’un des éléments qui marquent le plus fortement l’expression architecturale d’un bâtiment. Toutefois, son rôle déborde largement ce cadre. Surtout dans le bâtiment durable, où il doit contribuer au confort des occupants, tout en participant à la performance énergétique globale. Deux fonctions difficilement conciliables, que seule une intégration optimale de la fenestration saura rapprocher. 

La disposition des parois vitrées sur les façades des bâtiments pose en effet de nombreux défis, tant sur le plan fonctionnel que sur le plan technique. Mettre à profit les ouvertures pour optimiser l’éclairage naturel en est un. Les multiplier sans surexploiter les équipements mécaniques pour éliminer d’éventuelles asymétries thermiques, en est un autre. 

Malgré ces prémisses à première vue incompatibles, les concepteurs sont toujours plus enclins à miser sur l’abondance de la lumière naturelle, notamment en raison de ses bienfaits sur la santé humaine. Soit en privilégiant les architectures vitrées intégralement, soit en étirant le bâtiment pour offrir davantage de surface fenestrée au sud et en réduisant sa profondeur afin de permettre à la lumière de traverser les espaces. 

François Cantin

« Les occupants doivent être en contact avec l’extérieur, parce que la lumière naturelle influence notre cycle circadien tout au long de la journée et qu’elle aide à synchroniser notre horloge biologique, qui rythme les périodes d’éveil et de sommeil, explique François Cantin, chargé de projet pour Coarchitecture. 

« D’un autre côté, quand on considère que les salaires et les avantages sociaux représentent environ 90 % de l’argent investi sur l’ensemble du cycle de vie d’un bâtiment, on voit que le bien-être des occupants a une valeur, ajoute-t-il. Plus leur environnement de travail profitera de la lumière du soleil, plus ils seront productifs et, par conséquent, plus ils seront rentables pour l’entreprise. » 

Compenser les écarts

Toutefois, cette surabondance de lumière peut également entraîner des effets pervers. Car qui dit fenestration généreuse dit aussi gains de chaleur en été et déperditions thermiques en hiver. Pour résoudre cette équation et atteindre l’équilibre thermique hiver comme été, ces écarts climatiques devront être compensés. D’abord par des stratégies passives, ensuite par des approches éconergétiques. 

« On doit se pencher sur le programme fonctionnel et définir l’usage des espaces en se posant les bonnes questions, souligne François Cantin. Il faut se demander ce qu’il y aura derrière telle ou telle fenêtre, relève François Cantin. Parce qu’une fenêtre, ce n’est pas toujours souhaitable. Par exemple, pour un scanner numérique, la pièce doit être plutôt sombre. On doit en tenir compte. » 

Une fois les usages définis, il suggère de s’attarder ensuite à l’orientation des façades afin de déterminer les stratégies d’occultation qui seront utilisées pour doser l’apport solaire. L’objectif, rappelle-t-il, n’étant pas de bloquer le rayonnement solaire, mais d’assurer le confort des occupants en filtrant une partie de la lumière, tout en leur faisant profiter de vues sur l’extérieur.

« Au nord, la lumière est plus diffuse, l’occultation est moins critique, tandis qu’au sud, le soleil est haut sur l’horizon, les pare-soleil horizontaux offrent une bonne solution, ajoute-t-il. Par contre, à l’est et à l’ouest, les gains solaires sont plus difficiles à contrôler, en raison d’un soleil plus bas. Le milieu environnant peut aussi influencer le design du fenêtrage. Si un bâtiment vitré représente une source potentielle d’éblouissement, il faut prévoir une solution. » 

C’est sans oublier les vitrages eux-mêmes. S’ils représentent toujours le maillon le plus faible de l’enveloppe du bâtiment, leur résistance thermique s’est beaucoup améliorée au fil des ans. Les pertes par conduction sont notamment mieux maîtrisées grâce aux vitrages doubles et triples. 

Éviter les écueils

Il faut toutefois faire preuve de discernement avec les traitements de surfaces, comme la mince couche d’oxyde métallique des verres à faible émissivité. En plus de teinter légèrement le verre, ces produits réduisent considérablement l’émission des infrarouges vers l’extérieur et, par conséquent, favorisent l’accumulation de la chaleur à l’intérieur des murs. Leur positionnement mérite donc qu’on s’y attarde. 

Mais ce n’est pas tout de faire entrer la lumière, encore faut-il la propager, signale François Cantin. En effet, si l’installation d’une tablette réfléchissante s’impose de plus en plus dans la pratique, le pouvoir de réflexion des murs et plafonds n’est pas à négliger non plus. À condition qu’ils soient de couleur claire, bien sûr, et de positionner l’ouverture en fonction des dimensions de la pièce. Par exemple, une petite pièce profitera d’une plus grande luminosité si la fenêtre est décalée vers un mur latéral. 

Les fenêtres agissant comme des capteurs solaires, la mécanique du bâtiment pourra en outre profiter des effets croisés liés aux gains de chaleur et aux déperditions thermiques engendrés par le fenestrage. Et ainsi réduire les coûts d’acquisition en équipement, de même que les frais d’entretien et d’exploitation qui y sont associés. 

Roland Charneux  - Photo de Pageau Morel

« Pour limiter les besoins en mécanique, on travaille d’abord sur des mesures passives, comme la redistribution d’air ou la récupération de chaleur, souligne le vice-président exécutif et associé principal de Pageau Morel, Roland Charneux. On peut aussi recourir à des accumulateurs, comme la masse thermique d’un matériau ou les matériaux à changement de phase, qui emmagasinent la chaleur pour la libérer plus tard. » 

Trouver l’équilibre

Pour cet ingénieur aguerri, ce ne sont pas tellement les solutions qui importent que le juste équilibre entre la résistance thermique des fenêtres et l’isolation et l’étanchéité de l’enveloppe. « Il faut essayer de créer un manteau qui va être efficace de moins 30 degrés à plus 30 degrés, illustre-t-il. C’est difficile avec une enveloppe entièrement vitrée. On peut se contenter d’un ratio de fenestration de 30 à 50 pour cent et servir tout aussi bien les besoins d’éclairage naturel et les vues sur l’extérieur. » 

Roland Charneux rappelle du même souffle qu’il est toujours possible de compenser les asymétries thermiques. Sauf qu’à mesure qu’on augmente les charges en chauffage et en climatisation, on s’éloigne des principes de l’architecture durable, dont l’objectif ultime est de réduire l’empreinte écologique des bâtiments en économisant notamment l’énergie et les ressources. 

Pour concevoir un bâtiment éconergétique et maintenir un environnement confortable tout en multipliant les parois vitrées, Robert Charneux n’entrevoit qu’une seule avenue : la conception intégrée. « Tout le monde va en tirer profit, les architectes comme les ingénieurs, dit-il. Quand on travaille en équipe, on résout plus facilement les problèmes. Parce qu’il n’y a pas de recette magique, c’est du cas par cas. Chaque choix peut avoir des répercussions importantes en bout de ligne. » 

 

Cinq stratégies durables

Pour une intégration optimale de la fenestration, il faut d’abord privilégier des mesures passives, à savoir :

  • Installer la majorité des fenêtres côté sud (environ 60 %) pour favoriser les gains solaires ;
  • prévoir des stratégies d’occultation aux façades sud et ouest pour réduire les gains de chaleur en été ;
  • réserver le vitrage à haute efficacité aux façades nord et ouest pour limiter les déperditions thermiques en hiver ;
  • privilégier un aménagement intérieur clair et à aire ouverte pour assurer une bonne diffusion de la lumière naturelle ;
  • ménager une zone tampon à proximité des fenêtres pour améliorer le confort des occupants ;
  • et avoir des masses thermiques pour emmagasiner la chaleur et la restituer la nuit venue.

 

Occulter le rayonnement solaire

Il existe plusieurs moyens de réduire les gains solaires. En voici quelques-uns :

  • le brise-soleil : élément architectural le plus souvent utilisé au sud pour maîtriser l’apport solaire ;
  • le store motorisé : jumelé à un thermostat ou doté de capteurs, il se met en mouvement pour contrer l’intensité lumineuse ;
  • le verre opacifiant : verre feuilleté renfermant un film à cristaux liquides permettant de commander l’opacité du vitrage ;
  • le verre sérigraphié : les motifs ajoutés en surface réduisent les gains solaires ;
  • et le film solaire : pellicule colorée ou à effet miroir qui coupe les gains solaires mais altère les vues sur l’extérieur.