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Entretien avec Dany Michaud, pdg de RECYC-QUÉBEC

11 septembre 2017

RECYC-QUÉBEC accentue ses efforts pour réduire les déchets de construction, de rénovation et de démolition. Son président - directeur général explique.

Par Rénald Fortier

Gaspillage. Ce mot est loin de résonner doux aux oreilles de Dany Michaud, si bien qu’y faire échec est ni plus ni moins devenu son crédo au fil des ans. De là à penser qu’il se trouve dans son élément à la présidence et à la direction générale de RECYC-QUÉBEC, il n’y donc qu’un pas. Un pas que l’on franchit d’autant plus aisément quand on sait qu’il a précédemment laissé sa marque à la tête de Moisson Montréal, cet organisme voué à la récupération de denrées alimentaires qui prendraient autrement le chemin des rebuts.

Pour Dany Michaud, il ne fait pas de doute que son entrée en poste à RECYC-QUÉBEC, à l’automne 2015, s’inscrivait comme une suite logique à son passage de quatre années et demie à la direction de la grande banque alimentaire. « J’aurais pu faire autre chose dans la vie, dit-il, mais mon expérience à Moisson Montréal m’a enseigné que l’on peut toujours en faire plus pour éviter le gaspillage des ressources, que l’on peut "faire une véritable différence".

« À Moisson Montréal, poursuit le gestionnaire diplômé de l’UQAM et de HEC Montréal, nous avons notamment réussi à démontrer aux épiceries qu’il était aussi facile de donner de la viande que de la jeter. Ici, maintenant, c’est d’en arriver à faire la démonstration que l’on peut réduire les déchets à la source, sinon à tout le moins les récupérer, les recycler ou les valoriser. »

Cette lutte, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, se joue plus particulièrement aujourd’hui sur le terrain des résidus de CRD, acronyme couramment utilisé pour désigner les résidus de construction, rénovation et démolition. Pourquoi ? Tout simplement parce que ce secteur génère un fort volume de débris qui, malgré que la récupération et le recyclage y aient beaucoup progressé au fil des dernières années, prennent encore trop souvent la voie de l’élimination.

En fait, les matières résiduelles issues des chantiers de construction, de rénovation et de démolition comptent pour 22 % de toutes celles éliminées au Québec, ce qui leur confère le second rang à ce chapitre. C’est dire.

Rien d’étonnant donc à ce que RECYC-QUÉBEC ait fait de ce secteur l’une de ses cibles prioritaires. Et que la société d’État ait entrepris de poser des actions non seulement pour réduire les débris à la source, mais également pour appuyer l’industrie de la récupération et du recyclage des matériaux.

« Il faut être en mesure de rallier tout le monde, indique Dany Michaud. Nous sommes à l’écoute de l’industrie de la récupération et du recyclage, de ses besoins et de ses enjeux. Comme ceux liés à la réglementation ou au développement de filières d’écoulement pour des matières récupérées.

« Mais nous ne nous contentons pas seulement d’écouter, nous agissons aussi, ajoute-t-il du même souffle. Ces besoins et enjeux, nous les exprimons et expliquons au ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques [MDDELCC). Comme ça, nous pouvons réussir à faire sortir des enveloppes budgétaires et à développer des projets pour relever les défis que posent les résidus de CRD. »

Soutenir l’industrie du recyclage

C’est sans compter que RECYC-QUÉBEC collabore étroitement avec les associations du milieu (3 RMCDQ et CETEQ) et leurs membres, en plus du MDDELCC, pour arriver à des solutions concrètes et durables à court, moyen et long terme.

RECYC-QUÉBEC a d’ailleurs récemment entrepris le déploiement de l’un de ces projets en lançant un appel de propositions pour soutenir des initiatives de recyclage et de valorisation de résidus provenant du secteur CRD. Les projets sollicités doivent porter sur la réduction des quantités de matières résiduelles acheminées vers des sites de l’élimination et l’application de solutions innovantes pour des matières reconnues, de concert avec l’industrie, comme étant problématiques. C’est le cas notamment des fractions fines, du bois, du bardeau d’asphalte et du gypse.

« Nous visons évidemment au premier chef à trouver des solutions pour les matières problématiques, indique Dany Michaud. Le gypse, par exemple, fait partie de nos priorités parce qu’il y a un problème d’élimination, où il est trop souvent acheminé, et aussi un problème de contamination dans les centres de tri, où on retrouve des fractions fines de placoplâtre un peu partout. Pourtant, c’est une matière qui se récupère bien lorsque l’on a la bonne méthode et que l’on en dispose au bon endroit. »

Toujours en prenant l’exemple du gypse, il observe qu’il faut en arriver à boucler la boucle en amenant les entrepreneurs en construction à le trier à la source au chantier, de façon à éviter qu’il contamine les autres matières, et à le diriger vers une entreprise de recyclage spécialisée dans ce type de matériau.

L’appel de propositions de RECYC-QUÉBEC comportait deux périodes pour le dépôt de projets, dont l’une vient de s’achever – la seconde est fixée pour l’automne 2017. Il s’inscrit dans le cadre de l’allocation d’une enveloppe de plus d’un million de dollars annoncée en février dernier.

Cette somme servira à atteindre les objectifs suivants : mettre en œuvre un plan d’action pour l’industrie des CRD; mener des études sur des gisements de gypse et la capacité de traitement actuelle, en plus de stimuler des débouchés à fort volume; et aider les centres de tri de résidus de CRD à acquérir de l’équipement spécialisé.

Favoriser l’écogestion de chantier

À l’hiver 2016, RECYC-QUÉBEC avait déjà émis un appel de propositions pour soutenir la mise sur pied de projets d’écogestion de chantiers de construction, de rénovation et de démolition. Dans ce cas, elle visait à financer des initiatives – celles retenues n’avaient pas encore été dévoilées au moment d’écrire ces lignes – devant se traduire par une réduction à la source de l’emploi de matériaux. Par exemple, le recours à des écomatériaux ou encore le réemploi de matériaux récupérés.

« Nous souhaitons qu’il y ait davantage de projets qui favorisent la déconstruction et le réemploi au Québec, explique Dany Michaud. Nous avons d’ailleurs fait du réemploi de portes à notre bureau de Québec et elles font parfaitement l’affaire. Est-ce que l’on doit réemployer des produits et des matériaux pour économiser ? La réponse est non, car c’est avant tout une question d’éviter le gaspillage. C’est comme les légumes moches que les gens sont prêts à acheter 30 % moins cher, mais moche ou pas, une carotte reste une carotte. C’est la même chose pour une porte, qu’elle ait déjà servi ou pas.

« Ce qu’on veut en bout de ligne, conclut-il, c’est qu’il devienne plus facile de récupérer, de réemployer, de recycler et de valoriser les matières résiduelles de CRD que de les jeter. Et dans tous les cas de figure, nous allons travailler étroitement, en aval et en amont, avec les acteurs du milieu du bâtiment et ceux de l’industrie de la récupération et du recyclage. »