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23 novembre 2022

Par Hugo Lafrance*

Faits saillants et coup de cœur de l’édition 2022 de Greenbuild, grand-messe annuelle des acteurs du milieu du bâtiment durable, qui se déroulait récemment à San Francisco.

Après les sommets virtuels sur les matériaux sains et les infrastructures durables, qui donnaient le ton comme pré-événements de Greenbuild, la grande conférence s’est tenue en personne au début de novembre dernier au Moscone Center de San Francisco. Plus de 5 000 architectes, ingénieurs, consultants, responsables du développement durable, concepteurs, éducateurs, gestionnaires immobiliers et constructeurs de l'industrie du bâtiment écologique se sont ainsi réunis pour partager leurs craintes et leur enthousiasme, mais aussi échanger sur les meilleures pratiques en aménagement bâti durable.

Faits saillants

Avec des dizaines de conférences au haut calibre et encore davantage de rencontres, on ressort d’un tel événement étourdi. Quelques jours plus tard, que faut-il retenir? Voici cinq faits saillants :

  1. La santé, une priorité

La santé occupe désormais une place de choix en bâtiment durable, et cette préoccupation ne fera que s’accentuer dans les prochaines années. L’International WELL Building Institute (IWBI), responsable de la certification WELL, a d’ailleurs annoncé un renforcement de son partenariat avec le U.S. Green Building Council (USGBC) responsable de LEED, annonçant une meilleure harmonisation de leurs systèmes d’évaluation à l’avenir, pour faciliter l’intégration des critères de santé et bien-être dans les projets visant ces reconnaissances.

  1. L’accélération de la transparence

Si le crédit LEED v4 exigeant aux équipes de rassembler au moins 20 déclarations environnementales de produits (DEP) était difficile il y a cinq ans, la situation a aujourd’hui changé, car il s’agit maintenant du crédit atteint par le plus grand nombre de projets. En effet, plus de 82 % des projets LEED v4 ou v4.1 ont maintenant atteint au moins un point pour les DEP.

Ensuite, plus de 60 % des projets ont atteint au moins un point sur les ingrédients des matériaux, en réunissant suffisamment de déclarations sanitaires de produits et autres fiches Declare. La période d’adoption de la transparence est déjà dépassée pour la catégorie des Matériaux et ressources … et on se dirige vers une nouvelle période de performance, pour essayer à nouveau de faire avancer le marché.

Crédit : Hugo Lafrance

  1. Le cycle de l’adaptation

Pour ceux qui viennent de se familiariser avec la version 4 de LEED, je vous rappelle que LEED v4 a été lancé en 2013, et comme cela fera déjà 10 ans l’an prochain, le USGBC a décidé de mettre de côté sa version beta LEED v4.1 et d’avancer sur la prochaine phase de développement de LEED. Le USGBC veut ainsi répondre aux impératifs environnementaux et sociaux sur lesquels ses membres insistent, avec un projet de consultation publique attendu l’automne prochain sur une ébauche de LEED v5.

Où cela nous mènera-t-il en termes d’énergie, d'équité, de résilience? Pour en avoir une idée, il faudra déjà prendre connaissance de la mise à jour des exigences en performance énergétique de LEED v4 prévue pour cet hiver et qui sera applicable à tous les nouveaux projets LEED enregistrés après la période de transition qui sera allouée.

  1. L’équité et la résilience

Parmi les enjeux émergents, l'organisation du USGBC recherche de nouvelles voix, car elle convoquera des groupes de travail dans les domaines de la résilience et de l'équité sociale pour aborder deux sujets énormes qui ont échappé au système d’évaluation depuis ses débuts, mis à part quelques crédits d’innovation et crédits pilotes. Bien que certains crédits actuels de LEED v4 contribuent d’une façon ou d’une autre à l'équité sociale et à la résilience, ils auront beaucoup plus d'importance dans LEED v5, s’il faut se fier à quelques panels et conférences lors de Greenbuild 2022 à San Francisco.

Plusieurs experts répètent que les bâtiments durables ne peuvent pas être seulement pour les riches ou pour les occidentaux blancs par exemple, et plusieurs enjeux d’inclusion et de diversité doivent être considérés de front, de pair avec la question de l’équité climatique.

  1. Collision entre le bâtiment durable et le mouvement ESG

Dernier point, qui peut paraitre théorique, mais qui est en train de changer toute la dynamique du marché immobilier à grande échelle, et qui a fait l’objet de plusieurs conférences et tables-rondes. La règlementation extra-financière annoncée des compagnies publiques, notamment pour les émissions carbone, ainsi que les nouvelles normes de reddition de compte en finance comme le SASB (Sustainability Accounting Standards Board) et la maturité des outils d’évaluation de la performance ESG dans les actifs immobiliers et les infrastructures comme le GRESB (Global Real Estate Sustainability Benchmark) convergent vers la reconnaissance de la performance supérieure des bâtiments durables et des certifications en la matière.

En d’autres mots, quelqu’un vient d’inventer un traducteur instantané entre la finance durable et les certifications en immobilier durable. Si la règlementation en bâtiment ne le demandait pas encore, ce sont les nouvelles règles du marché financier qui vont demander des vérifications des émissions carbone et de la performance ESG des portefeuilles d’immeubles.

Coup de cœur

Parmi mes coups de cœur, je souligne la participation de Jane Fonda comme présentatrice principale (keynote). Il y a toujours des vedettes à Greenbuild; des grands noms y sont passés faire des discours galvanisants, comme Al Gore (2009), Hilary Clinton (2013) ou Barack Obama (2019). Ce sont des occasions de délaisser la technique et de revenir à des questions comme « pourquoi? », puis d’aller chercher de l’inspiration et de la motivation pour continuer. Cette fois-ci, c’est Jane Fonda qui a volé la vedette, en arrachant quelques larmes à plusieurs participants : l’actrice et activiste qui aura 85 ans en décembre a ébloui par sa vivacité d’esprit, a surpris par l’étendue de ses connaissances en citant les rapports du GIEC, et a montré la voie en déclinant ses nombreuses implications sociales et environnementales. Déjà, elle démontrait son engagement en se faisant construire une maison autonome en énergie en 1976… vive la Californie!

L’actrice et activiste Jane Fonda était présente à Greenbuild 2022 à titre de présentatrice. Crédit : Hugo Lafrance

Maintenant, comme elle le dit elle-même, elle n’a rien à perdre, et si nous voulons que les choses changent, il faut passer des messages clairs et exiger que nos décideurs prennent les décisions qui s’imposent. À ce sujet, Jane Fonda prévoit recommencer en décembre ses vendredis d'exercices d'incendie (Fire Drill Fridays) à Washington, pour dénoncer le financement des énergies fossiles en politique américaine et l’inaction climatique, ce qui lui avait valu de passer son 82e anniversaire en prison. Les Américains sont capables du pire et du meilleur!

Greenbuild 2023

La prochaine édition de Greenbuild se tiendra à Washington, la capitale américaine, du 26 au 29 septembre 2023. Près d’une centaine de Québécois étaient présents cet automne, y aura-t-il davantage de participants l’année prochaine?


*L’auteur est LEED Fellow, Faculté WELL, Associé, Stratégies durables, Lemay.