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15 mars 2010
Par Rénald Fortier

Le pavillon Espace 400e n’est frappé d’aucun sceau environnemental, mais il n’en constitue pas moins un véritable bâtiment durable.

Quai Saint-André, Vieux-Port de Québec. Aux abords du Bassin Louise trône le bâtiment phare des activités ayant entouré en 2008 la célébration du quatrième centenaire de fondation de la ville. C’est le pavillon Espace 400e et il n’a rien de banal. De savoir seulement qu’il est modulé telle une lanterne par une enveloppe à « émissivité variable » se modifiant selon le point de vue, l’heure du jour ou de la nuit, ou encore les saisons, suffit vite à en prendre la mesure.

Si la signature architecturale de ce lieu d’exposition propriété de Parcs Canada est à l’évidence remarquable, sa teneur écologique n’est pas en reste. En témoigne la demi-dizaine de marques de reconnaissance qui lui ont été décernées en 2008 et 2009, dont deux Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec : l’un dans la catégorie Architecture et développement durable ; l’autre dans la catégorie Recyclage et reconversion.

Le pavillon Espace 400e est issu de la transformation du Centre d’interprétation du Vieux-Port – lui-même le produit du recyclage d’un entrepôt de l’ancienne cimenterie Ambourges. Pilotée par Travaux publics et Services gouvernementaux Canada (TPSGC), la réalisation du projet s’est traduite par l’agrandissement et la rénovation de ce bâtiment qui avait été édifié pour l’événement Québec 84 (le retour des grands voiliers). Complétée au printemps 2008, elle a requis un investissement global de l’ordre de 10,8 millions de dollars.
 
La conception de l’édifice a été guidée de bout en bout par la volonté d’en optimiser la performance environnementale. Même qu’elle ait été alignée sur les critères du système  d’évaluation LEED-NC, niveau Argent, sans que le bâtiment en vienne toutefois à briguer la certification. Parce qu’elle n’était pas prévue au départ, explique-t-on à TPSGC, et que le budget et les délais établis pour la réalisation du projet étaient très serrés.

N’empêche que ce pavillon de se pose désormais comme un véritable bâtiment vert, car nombre de mesures écologiques ont été intégrées à son design ou préconisées durant sa construction. À commencer par la conservation du maximum d’éléments de l’édifice à partir duquel il a pris forme : structure de béton, enveloppe extérieure, escaliers d’issue, plomberie…

« Plutôt que de repartir de zéro et de générer de grands volumes de débris, nous avons décidé de garder 75 % du bâtiment existant, soit 2 154 mètres carrés, explique Gilles Prud’homme, chargé de la conception au sein du consortium Dan Hanganu + Côté Leahy Cardas, architectes. La partie que nous n’avons pas préservée, soit celle du côté sud où l’on devait faire la connexion avec l’agrandissement de 2 171 mètres carrés, a été déconstruite et plus de 90 % des matériaux ont été détournés de l’enfouissement. »

L’intégration de l’ancien centre d’interprétation au projet s’accompagnait toutefois d’une contrainte majeure : son enveloppe était inefficace et occasionnait une déperdition de chaleur importante. Pour remédier à la situation, on a donc installé une double peau  en verre et en acier au pourtour du bâtiment existant. Ceci en continuité avec la nouvelle enveloppe de l’extension, de façon à créer un tout unitaire.

La mise en place de cette seconde enveloppe de verre architectural a non seulement permis de gagner en étanchéité, mais aussi de profiter des gains solaires accumulés dans la double paroi. « C’est le même principe qu’une serre, explique l’ingénieur Denis Fortin, du bureau de Québec de la société de génie-conseil CIMA +. L’été, il y a une ventilation forcée qui se fait au moyen d’un petit ventilateur qui évacue beaucoup d’air, parce que ça coûte pas mal moins cher que d’installer des volets ouvrants à gravité.

Quand  il fait trop chaud donc, un thermostat à l’intérieur de l’entre-murs actionne la ventilation pour diminuer la chaleur. L’hiver c’est le contraire ; on conserve cet espace microclimatique le plus chaud possible.

Dans la même veine, soulignons qu’un mur trombe en béton – un mur de refend avec des perforations – a été installé en façade sud pour agir à titre de capteur et d’accumulateur de rayonnement solaire. Cette masse thermique permet ainsi de contrôler la surchauffe du bâtiment en période estivale et de profiter des gains solaires passifs lors de la saison hivernale.

Pour Gilles Prud’homme, il est clair que la décision d’aménager un atrium central, à la jonction entre les parties existante et nouvelle du bâtiment, a également été déterminante dans l’application d’autres stratégies durables. Ouvert depuis le rez-de-chaussée jusqu’au toit, ce vide linéaire permet à la fois un appel de lumière naturelle et un retour de ventilation par effet de cheminée.

 

Bâtiment éconergétique
Sur le plan éconergétique, l’équipe de conception voyait grand. À telle enseigne que les simulations ont révélé l’atteinte d’une réduction de la consommation énergétique de plus de 50 % par rapport au bâtiment de référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments (CMNEB). Seulement pour le chauffage et la climatisation, c’est une efficacité supérieure de 70 % au CMNEB qui est attendue.

Il faut dire qu’ils n’ont pas hésité à sortir des sentiers battus. Ainsi, le bâtiment est chauffé et climatisé au moyen d’un système hybride de géothermie (avec planchers radiants dans la nouvelle partie). Il est le fruit du couplage entre un échangeur géothermique et un condenseur à l’air installé en toiture qui fonctionne seulement en période de canicule.

« Là où on a innové, indique Denis Fortin, c’est en décidant d’utiliser le système géothermique comme source d’énergie d’appoint. Comme le pavillon Espace 400e est un bâtiment de type muséologique, il peut y avoir des zones intérieures très chaudes, parce qu’il y a de l’ensoleillement et beaucoup de charges d’éclairage, alors que ça peut être tout à fait le contraire dans d’autres zones.

« C’est pourquoi, poursuit-il, chacune des salles a été dotée d’une thermopompe individuelle qui puise ou rejette de la chaleur dans un bassin d’eau installé sous le plancher. En hiver, lorsque la température du bassin diminue parce que les pompes sont en demande de chaleur, un réseau de thermopompes va puiser la chaleur dans le sol pour réchauffer l’eau du bassin.

En fait, le bâtiment est pourvu de deux réseaux de thermopompes : trois qui échangent avec le sol – elles entrent en jeu en chauffage l’hiver et en climatisation l’été – et plus d’une trentaine, plus petites et individuelles, qui fonctionnent avec le bassin d’eau.

« L’avantage, c’est que ça permet de fonctionner à un plus haut niveau d’énergie. Et aussi, quand il y a des pièces qui sont chaudes et d’autres froides en même temps, on peut prendre la chaleur des unes pour la diriger vers les autres », expose l’ingénieur de CIMA +, en soulignant que la géothermie répond à 100 % des besoins en chauffage et à 80 % de ceux en climatisation.

En période de canicule, la chaleur excédentaire est évacuée à l’extérieur au moyen du condenseur installé sur le toit. « Sinon, signale Denis Fortin, il aurait probablement fallu installer trois autres puits pour répondre à une demande qui se fait sentir environ 15 jours par année. Ça n’aurait pas été rentable. »

Il note que la performance énergétique attendue du pavillon n’a pas été au rendez-vous la première année, comme il fallait s’y attendre compte tenu de l’usage extraordinaire qui en a été fait à l’occasion du 400e, mais que le pavillon a bien répondu l’an dernier alors qu’il a été utilisé pour une exposition. « Selon l’information que j’ai, conclut-il, il répond bien aux attentes dans des conditions prévues de conception. »

Équipe de projet

Propriétaire Parcs Canada
Gestionnaire du projet Travaux publics et Services gouvernementaux Canada
Architecture Consortium Dan Hanganu + Côté Leahy Cardas, architectes
Génie électromécanique CIMA +
Génie structural SNC-Lavalin
Entrepreneur général EBC inc.

 

Mesures écologiques
  • Recours à la géothermie
  • Application en projection d’une enveloppe de verre architectural
  • sur trois façades (environ 606 mètres carrés) de l’édifice existant
  • Aménagement d’une toiture végétalisée (environ 55 mètres carrés)
  • Installation d’une membrane réfléchissante sur la toiture principale
  • Réutilisation de matériaux
  • Conservation de la majeure partie (75 %) du bâtiment existant
  • Appel à la ventilation naturelle
  • Recours à un mur trombe
  • Utilisation d’un plancher radiant (dans la nouvelle partie)
  • Appel à l’éclairage naturel (90 % des espaces)
  • Accessibilité au site par modes de transport alternatifs
  • Emploi de finis de surface à faible dégagement de COV
  • Utilisation d’appareils de plomberie à faible débit, incluant des urinoirs sans eau, et à contrôle de présence
  • Décontamination des sols
  • Inventaire des matériaux de déconstruction
  • Construction d’un bassin d’accumulation thermique
  • Absence d’éclairage extérieur projeté sur le bâtiment

 

Géothermie hybride

Les principales composantes du système de géothermie hybride mis en place au pavillon Espace 400e :

  • trois thermopompes géothermiques d’une capacité cumulative de 100 tonnes en chauffage et en climatisation. Elles sont reliées à 17 puits en boucle fermée, forés à quelque 600 pieds de profondeur ;
  • plus de 30 thermopompes individuelles d’une capacité totale de 100 tonnes. Elles desservent chacune des pièces du bâtiment en puisant ou rejetant de la chaleur dans un bassin d’eau ;
  • un réservoir d’accumulation thermique coulé en béton sous le bâtiment. Contenant quelque 4 000 gallons d’eau, il agit comme réserve d’énergie pour réduire l’appel de puissance électrique pendant les périodes de pointe ;
  • un condenseur à l’air installé en toiture pour évacuer le surplus de chaleur. Il permet de réduire de 20 % les besoins de climatisation en géothermie.

 

Marques de reconnaissance
  • Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec, pour 2008-2009, dans les catégories Recyclage et reconversion, d’une part, et Architecture et développement durable (ex æquo), d’autre part
  • Prix spécial du jury lors de l’édition 2008 des mérites d’architecture de la Ville de Québec
  • Prix d’excellence 2008 de l’Institut canadien de la construction en acier (ICCA-Québec), catégorie Coup de cœur du jury
  • Prix développement durable 2008 de l’Ordre des ingénieurs du Québec, Section régionale de Québec et Chaudière-Appalaches
  • Mention dans la catégorie Développement durable - pratique innovatrice, lors de l’édition 2008 du concours Trophées Innovation organisé par Contech