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Le Centre spécialisé de technologie physique du Québec

25 août 2011
Par Marie-Ève Sirois*

Le nouveau bâtiment vert du Centre spécialisé de technologie physique du Québec est le fruit du savoir-faire d’une équipe qui a osé construire autrement. Regard sur une réalisation à haute teneur éconergétique.

En 1983, le Centre spécialisé de technologie physique du Québec (CSTPQ), à La Pocatière, devenait l’un des premiers centres collégiaux de transfert technologique à être reconnu par le gouvernement québécois. Aujourd’hui, son équipe de 40 ingénieurs et technologues excelle dans les technologies physiques tels l’optimisation de procédés, l’informatique, le soudage laser, l’acoustique et la comptabilité électromagnétique.

Jusqu’au printemps 2010, le CSTPQ logeait dans les locaux du Cégep de La Pocatière et dans un atelier en location situé à l’extérieur du campus. Le manque d’espace et la volonté de rassembler toutes les activités en un seul lieu ont donné naissance au projet de bâtiment hôte. « Parce que l’efficacité énergétique, l’utilisation judicieuse des ressources et la viabilité économique sont au cœur de toutes les réalisations du CSTPQ, le bâtiment à construire devait se démarquer et servir de modèle pour l’industrie », indique Jocelyn Caux, ingénieur et chef de la section mécanique et automatisation au Centre, qui a piloté la conception du projet, à partir du printemps 2008, et sa réalisation, entamée en juin 2009.

Le CSTPQ a pignon sur la rue du Parc-de-l’innovation, près du centre-ville de La Pocatière. Ce bâtiment d’acier à l’ingénierie audacieuse compte 3 600 mètres carrés, répartis sur deux étages, où logent des bureaux ainsi que des laboratoires et ateliers mécaniques. Fruit d’un exercice d’intégration architecturale et technologique hors du commun, il est pourvu de systèmes mécaniques uniques au Québec.

Fort d’un quart de siècle d’expérience dans le domaine de l’innovation, le savoir-faire scientifique et technique de l’équipe du CSTPQ devait être mis à contribution dans le déploiement d’un tel projet. Ainsi, dès les premières rencontres, l’équipe de conception s’est imposé les préceptes suivants :

  • efficacité et conservation énergétiques ;
  • hiérarchisation des diverses formes d’énergie ;
  • démonstration de technologies prometteuses ;
  • minimisation de l’impact négatif du bâtiment sur son environnement ;
  • viabilité économique à moyen et long termes ;
  • et absence de consommation d’énergie fossile.

Miser sur l’efficacité énergétique de haute voltige signifie qu’il faut être prêt à en payer le prix, lors de la conception, du chantier, et de la mise en service. Dans un tel contexte, le respect du budget peut être compromis. « Lorsque la tension a monté, l’équipe de projet n’a pas lésiné sur la qualité, encore moins a-t-elle choisi de dépenser davantage, souligne Jocelyn Caux. On a plutôt décidé d’accorder plus de temps aux spécialistes pour arriver à des solutions satisfaisantes.

« Hormis les nouveaux équipements de recherche, poursuit-il, le bâtiment prototype a coûté 8,1 millions de dollars, tel que prévu par le CSTPQ. De cette somme, une valeur d’au moins 100 000 dollars est directement attribuable au processus de certification LEED à l’égard de la documentation, la coordination et des honoraires professionnels directs. »

Au premier abord, le CSTPQ exhibe des caractéristiques types d’un bâtiment certifié LEED : bassins de rétention, pavés poreux et abris spacieux pour les vélos. En parement extérieur, les blocs de béton architectural se marient à des panneaux modulaires isolants avec parement métallique. À l’intérieur, l’apport de lumière naturelle, notamment dans les ateliers de travail, est maximisé par la présence de lanterneaux munis de miroirs qui suivent la trajectoire du soleil.

« Notre défi consistait à combiner diverses technologies aux besoins très précis du client, sans pour autant négliger l’esthétique et la durabilité, relate l’architecte Jonathan Bisson, de Bisson associés. Nous avons mis l’accent sur un niveau d’isolation exceptionnel pour ce type d’usage : fenêtres triple vitrage, murs R-28 et toiture R-40. De plus, le bâtiment possède une bonne inertie thermique, notamment grâce à l’utilisation d’éléments massifs internes, tel le plancher de béton poli du rez-de-chaussée. »

Technologies éconergétiques
« On n’utilise pas une Rolls Royce pour transporter du foin, illustre Jocelyn Caux, citant son collègue Michel Bochud, professeur au Cégep de La Pocatière, qui a contribué à la conception du bâtiment. Au lieu d’être dissipée dans des résistances thermiques à des fins de chauffage, l’électricité, une forme d’énergie noble, doit être utilisée judicieusement et avec parcimonie. » Au CSTPQ, grâce aux faibles écarts entre les températures chaude et froide au compresseur, le coefficient de performance (COP) saisonnier de la thermopompe approche probablement 5, ce qui confère une efficacité de plus de 500 % à la consommation électrique investie.

Le CSTPQ carbure strictement aux énergies renouvelables (solaire et géothermique) et à l’électricité. L’équipement solaire est constitué d’un mur solaire de 159 mètres carrés et de cinq capteurs thermiques de 2,2 mètres carrés. La pompe circulatrice des capteurs solaires thermiques est alimentée en courant continu par un capteur solaire photovoltaïque de 80 W. Si le gain solaire est insuffisant, le système solaire thermique n’est pas activé. L’électricité est utilisée pour produire l’eau chaude domestique (ECD) et faire fonctionner la thermopompe centrale, composée de quatre compresseurs d’une puissance totale de 210 kW. Préchauffée par le réseau de chauffage basse température, l’ECD est produite en période hors pointe.

Le bassin géothermique du CSTPQ est composé de 24 puits verticaux, d’une profondeur de 133 mètres chacun. Ces derniers constituent un réservoir de stockage à forte impédance thermique alors qu’un réservoir intérieur de 45 000 litres ajoute une capacité de stockage plus réactive. La dalle radiante à l’eau du rez-de-chaussée fait office de troisième réservoir. Cette combinaison de réservoirs d’accumulation thermique permet une utilisation optimale du système géothermique ; le bâtiment est autonome en chauffage pour une période de 24 à 48 heures, même par grands froids.

Les systèmes de ventilation sont munis de roues thermiques qui permettent le transfert de chaleur et d’humidité entre l’alimentation et l’évacuation. L’air admis dans le système peut être préchauffé par le mur solaire et/ou par un échangeur directement connecté sur la boucle géothermique. À l’image de tous les systèmes du CSTPQ, on a opté pour une flexibilité accrue du fonctionnement, hautement performant, toutes saisons confondues.

En matière de contrôle, rien n’a été négligé. Les algorithmes sont conçus de manière à anticiper les besoins de stockage dans le réservoir interne ou le puits géothermique. « Le bâtiment a sa propre intelligence, indique Jocelyn Caux. Les algorithmes tiendront bientôt compte des prévisions météorologiques. »

Outre la dalle radiante du rez-de-chaussée, le conditionnement est assuré par des ventilo-convecteurs par lesquels passent la boucle d’eau chaude et la boucle d’eau froide. Cette configuration permet de chauffer ou refroidir en tout temps, tout en offrant la possibilité de récupérer la chaleur des procédés et des serveurs, à l’aide de refroidisseurs à l’eau.

En été, pour les besoins de climatisation forte (environ 5 % du temps), la thermopompe est utilisée. Par contre, une portion de la chaleur récoltée est stockée dans le réservoir intérieur pour éviter de réchauffer le puits géothermique. La nuit tombée, la chaleur du réservoir est dissipée dans le puits. Lorsque le besoin en climatisation est moindre (environ 95 % du temps), on exploite le refroidissement direct par le biais de la boucle souterraine en recirculation.

En mi-saison, les apports internes de chaleur compensent en grande partie les besoins de chauffage. Le réservoir de chaleur intérieur et le puits géothermique ne servent alors qu’à balancer le léger déséquilibre entre les besoins de chauffage et de refroidissement. « Après expérimentation, nous savons maintenant que les divers modes de stockage performent au-delà des attentes, affirme Jocelyn Caux. Nous prévoyons une consommation moyenne annuelle de 0,4 GJ/m2, incluant les procédés. » Il s’agit d’une valeur exceptionnelle selon Denis Lemieux, ingénieur et président de la firme LGT.

En hiver, la thermopompe emmagasine la chaleur dans le réservoir intérieur en période hors pointe. L’enveloppe performante et la masse thermique du bâtiment, combinés avec l’autonomie du réservoir, permettent de pallier les fortes demandes de chauffage.

Soulignons que la demande de certification LEED-NC du CSTPQ est en cours d’analyse auprès du Conseil du bâtiment durable du Canada. On vise le niveau Argent, avec un total de 43 crédits qui ont été soumis. « Surtout, on s’attend à une diminution du coût de la consommation de l’ordre de 60 % par rapport au Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments », conclut l’ingénieur Denis Lemieux.

* Marie-Ève Sirois est directrice d’Écobâtiment

Mesures durables
  • Triple vitrage et pellicule low-e
  • Lanterneaux avec miroirs motorisés
  • Éclairage efficace et détection de présence et de luminosité
  • Thermopompe géothermique
  • Stockage de chaleur
  • Collecteur solaire mural
  • Capteurs solaires thermiques
  • Récupération de chaleur (procédés et serveurs)
  • Roue thermique
  • Système de contrôle centralisé
  • Mécanismes d’entraînement à fréquence variable (EFV)
  • Préchauffage de l’eau chaude domestique
  • Appareils de plomberie à faible débit (réduction de la consommation d’eau de 47 % par rapport au bâtiment de référence)
  • Toiture blanche à fort albédo
  • Gestion des eaux pluviales sur le site
  • Système de contrôle du gaz carbonique
  • Cases de stationnement réservées au covoiturage
  • Rangement pour les bicyclettes et vestiaires avec douches
  • Matériaux avec contenu recyclé
  • Bois certifié FSC
  • Matériaux à faible teneur en composés organiques volatils
  • Protection, conservation et mise en valeur des espaces verts

 

Équipe de projet

Propriétaire : Centre spécialisé de technologie physique du Québec
Architecture : Bisson + Carl Charron architectes
Génie civil et structural : Roche (Sopax)
Génie électromécanique : Groupe Techniconfort (LGT)
Construction : Kamco Construction
Consultation LEED : Hudon Julien Associés
Commissioning : Roche

 

Stratégies éconergétiques
  • Chargement de la géothermie à l’aide d’un collecteur solaire mural
  • Délestage de chaleur dans le puits géothermique en période nocturne
  • Climatisation directe sans thermopompe
  • Stockage thermique à tous moments de l’année
  • Optimisation des gradients de transfert thermique
  • Contrôle de l’appel de puissance
  • Récupération de chaleur des procédés
  • Enveloppe performante

 

Reconnaissances

En début d’année, le projet du CSTPQ a valu au consortium Bisson + Carl Charron architectes le 2e prix du jury des Prix d’excellence en architecture 2011 de l’Ordre des architectes du Québec (OAQ), dans la catégorie Bâtiments industriels de 5 millions de dollars et plus. À la mi-juin, l’OAQ faisait savoir que le projet remportait aussi le Prix du public Loto-Québec ainsi que le Prix Vision architecture et jeunesse, attribué dans ce cas par la firme d’avocats Joli-Cœur Lacasse, au terme d’une période de votation de trois mois terminée le 31 mai.