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Murs-rideaux : enjeux et solutions éconergétiques

7 juillet 2021
Par Sandra Soucy

Luminosité naturelle, vues sur l’extérieur, gains solaires passifs… Pour profiter pleinement du mur-rideau de verre, encore faut-il voir à l’intégrer dans une perspective éconergétique. Enjeux et solutions.

La performance et la contribution énergétiques du mur-rideau dans la conception thermique d’un bâtiment font plus que jamais l’objet d’une attention particulière avec, dans la mire, une gestion plus intelligente de la performance globale de l’immeuble. De surcroît avec l’intégration d’une vaste fenestration qui ne peut se faire sans présenter son lot de défis, particulièrement depuis l’entrée en vigueur du nouveau chapitre (I.1) sur l’efficacité énergétique du Code de construction du Québec.

Il faut dire que le mur-rideau de verre a la cote dans les bâtiments commerciaux, institutionnels et multirésidentiels. Et ce n’est pas le fruit du hasard, car son utilisation permet de fenestrer grandement l’espace et favorise la pénétration de la lumière naturelle, tout en invitant la nature à l’intérieur du bâtiment.

Comme le rappelle l’architecte Anik Shooner, associée de Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes (MSDL), « tout cela est à considérer sous l’angle du développement durable. Il faut se rappeler que le principe d’un mur-rideau, qui est un mur très léger par définition, a permis, dans l’évolution de la construction, d’ériger des bâtiments beaucoup plus hauts. Le fait de pouvoir construire en hauteur au centre-ville facilite la densification, tout en évitant l’étalement urbain, ce qui, au demeurant, est positif. » 

Pour l’ingénieur en mécanique Roland Charneux, directeur adjoint chez Pageau Morel, ce qui rend les murs-rideaux très populaires réside dans le fait qu’ils constituent une seule responsabilité « bien qu’on obtienne, en définitive, une meilleure performance thermique avec un mur traditionnel », précise-t-il.

Anik Shooner, Louis Fortin et Roland Charneux

En raison du rehaussement des exigences qui vise la performance thermique de la fenestration, la nécessité de tenir des objectifs importants est primordiale. D’aucuns savent que le fenêtrage constitue la partie la plus faible d’un mur de bâtiment sur le plan de la résistance thermique. Et de loin.

Trois voies ont été retenues, dans la foulée de l’adoption de la nouvelle réglementation sur l’efficacité énergétique, pour démontrer la conformité au règlement. La voie prescriptive, qui vise une meilleure efficacité de la fenestration, commande qu’un maximum de 40 % des murs opaques pourra recevoir du vitrage. Une autre, celle de remplacement, s’élabore au prorata des résistances thermiques des murs et des fenêtres pour arriver à une même valeur. Et finalement, celle de performance s’obtient par modélisation énergétique du bâtiment.

« Cette voie offre la possibilité de compenser une moins bonne résistance thermique dans un bâtiment comportant plus de 40 % de fenestration par des installations électromécaniques plus performantes à l’aide, par exemple, d’un système de récupération de chaleur très efficace », explique Louis Fortin, directeur de projets chez UL Science du bâtiment.

Bien que beaucoup d’améliorations aient été apportées au fil des ans, l’un des enjeux majeurs du mur-rideau du point de vue énergétique a longtemps été l’ossature du mur d’abord en acier, puis en aluminium, qui se trouvait souvent à l’extérieur, conduisant le froid directement à l’intérieur. « Au fur et à mesure de l’évolution, l’élément structural du mur-rideau a été déplacé à l’intérieur, dans la partie chaude du bâtiment. Des bris thermiques de plus en plus performants ont été développés pour séparer la partie qui reste à l’extérieur de celle qui se trouve à l’intérieur, ce qui a beaucoup amélioré la performance du mur-rideau », relate Anik Shooner.

« De nos jours, poursuit-elle, les unités de verre connaissent un très beau progrès et deviennent de plus en plus performantes et durables, ce qui contribue énormément à l’ensemble du système. L’automatisation et la préfabrication des panneaux de verre intégrant l’aluminium se font maintenant en usine, puis ces systèmes sont transportés au chantier où l’installation se fera à l’aide d’une grue. Tel un jeu de Meccano, les unités s’imbriquent les unes dans les autres, ce qui représente une nette amélioration. »

Vitrage évolué

Il n’y a pas de doute, les nouvelles technologies font la part belle au verre et offrent des avancées prometteuses du point de vue de la performance qui incitent à l’optimisme. Un produit dont on parle beaucoup, le verre VIG (Vaccum Insolated Glass), se compose d’un vitrage double où on a créé le vide, ce qui le rend aussi performant qu’un mur opaque. Des progrès se font aussi du côté du verre surdimensionné, laissant entrevoir la possibilité de concevoir des façades tout en transparence, en plus de favoriser la flexibilité en ce qui a trait à la conception des bâtiments avec l’avantage d’éliminer les ponts thermiques.

Vitrage évolué

Mais le verre seul, aussi performant qu’il puisse le devenir, ne suffira pas à rendre un bâtiment ultra performant. L’intégration des murs-rideaux de verre comporte sa part d’enjeux et suppose que des choix devront être faits, particulièrement avec l’application de la voie de conformité de performance. « Une valeur devra être établie lors de la conception, à savoir quel sera mon choix de système mécanique, quel sera mon choix de conception », indique l’expert en fenestration Louis Fortin. D’entrée de jeu, la question d’économie se pose.

 « Un mur de verre coûtera un peu plus cher en énergie qu’un mur isolé, et les systèmes mécaniques devront être adaptés en conséquence. Par contre, ce même mur de verre possède d’autres avantages, comme celui d’être beaucoup plus étanche à l’air, souligne Anik Shooner. L’aspect acoustique est un autre enjeu dont il faut se préoccuper et une analyse devra être effectuée pour savoir comment parvenir à maîtriser le bruit à l’intérieur. Sans parler du confort thermique garant d’une meilleure qualité de vie pour les occupants. Tous ces aspects sont à considérer afin d’établir une mécanique du bâtiment adéquate. Le travail en collaboration avec les ingénieurs est indispensable, car il faut s’assurer que les systèmes de ventilation, de chauffage et d’éclairage combinés avec l’enveloppe du bâtiment fonctionneront sur le plan énergétique. »

Performance optimisée

Pour Roland Charneux, une meilleure performance permettra de réduire la capacité des systèmes mécaniques de traitement d’air et cela ouvre des perspectives engageantes pour l’avenir. L’ingénieur chevronné salue avec enthousiasme l’entrée en vigueur du nouveau Code qui enfin tient compte de l’enveloppe. « Trop longtemps négligée, elle ne contribuait pas suffisamment à la performance du bâtiment, ce qui était déplorable. Ce nouveau chapitre visant de meilleures performances d’enveloppe va permettre d’obtenir de meilleurs bâtiments en mettant à contribution les systèmes mécaniques. »

« Les défis sont au rendez-vous, et ils sont multiples, observe Anik Shooner. Le mur-rideau demeure un système complexe à concevoir et il faut bien comprendre les aspects techniques de l’étanchéité de la structure en termes de sa résistance aux charges de vent, les effets de cheminée, etc. Cela vaut pour tous les autres systèmes aussi et l’architecte doit tous les comprendre sans exception, particulièrement dans le cas du mur-rideau puisque chaque compagnie a son système qui lui est propre. C’est aussi un aspect intéressant que de pouvoir concilier le concept architectural avec des paramètres particuliers des systèmes, car cela incite à la créativité. »

L’évolution des produits du verre fournit aux architectes une palette complète de solutions qui améliorent de manière significative la performance et l’esthétisme du bâtiment. Comme le rappelle le directeur adjoint chez Pageau Morel, « les fenêtres sont de grands capteurs solaires pour un bâtiment. Il faut donc les optimiser pour que leur utilisation soit la plus judicieuse possible. »  Il fait remarquer que le verre triple et les pellicules à faible émissivité font assurément partie des solutions, mais il faut trouver le juste équilibre par rapport à leur utilisation.

« Il faut prendre en considération les gains solaires pour éviter la surchauffe, et dans le cas particulier des pellicules, malgré qu’elles améliorent la résistance thermique, il faut savoir qu’elles peuvent nuire à la transmission de la lumière visible, conclut-il. Tout est une question d’équilibre. »

 

Quatre solutions à préconiser
  • La compréhension et l’optimisation de la performance énergétique, à commencer par la résistance thermique du verre. Il faudra considérer tous les paramètres du bâtiment dans sa globalité, en valider la conformité avec une simulation énergétique complète et optimiser la conception en s’assurant d’atteindre les objectifs du Code.
  •  Le choix des verres, double ou triple selon le besoin, en particulier ceux qui ont des enduits à faible émissivité et ceux avec argon.
  • La volumétrie du bâtiment avec une exposition judicieuse des façades.
  • La préfabrication des murs-rideaux constitue une solution de choix pour l’industrie de la construction puisqu’elle relève d’une responsabilité unique et comporte moins de risque pour la durabilité.

 

Vitrage triple : la tendance

Bien qu’on l’utilise depuis un certain temps, le verre triple est de plus en plus considéré dans les conceptions architecturales, surtout lors de projets LEED. Le Québec connaîtra d’ailleurs son premier gratte-ciel tout de verre triple vêtu avec l’érection du siège social de la Banque Nationale, au centre-ville de Montréal. Sa conceptrice, l’architecte Anik Shooner, souligne que pour favoriser la location dans un édifice de catégorie A ou triple A, le fait d’avoir une fenestration plancher plafond constitue désormais un critère de base. Louis Fortin salue l’utilisation du verre triple, mais apporte un bémol cependant : « Oui, le vitrage triple peut être deux fois plus performant qu’un vitrage double, mais gare aux ponts thermiques! Tant que je ne travaillerai pas sur mon cadre de mur-rideau afin de le rendre plus performant, les gains seront plus limités. »

 

La sélection de pellicule à faible émissivité

L’utilisation des pellicules à faible émissivité constitue un « no brainer », selon l’architecte Anik Shooner. « On ne se pose même plus la question et on spécifie toujours ces pellicules. Nous n’avons pas le choix, car sans elles, le verre n’est pas assez performant. »

Pour Louis Fortin, expert chez UL, les pellicules peuvent avoir un plus gros impact sur les gains solaires que sur la valeur U. Puis il y a aussi l’aspect visuel qui n’est pas à négliger. « Certaines pellicules de toute dernière génération sont plus performantes en termes de contrôle solaire, précise-t-il, mais possèdent une teinte verdâtre. Il s’agira d’établir un équilibre adéquat entre l’esthétisme, le coût, la performance en termes de contrôle solaire, de coefficient de transmission thermique, etc. »

 

Quatre erreurs à éviter
  • Négliger la partie tympan du mur-rideau alors que sa performance devrait équivaloir à celle d’un mur traditionnel.
  • Ne pas considérer les ponts thermiques de la partie structurale du mur-rideau (les meneaux).
  • Ne pas favoriser le travail en collaboration avec les ingénieurs en mécanique alors que les bonnes informations, telles les valeurs effectives, devraient toujours leur être transmises.
  • Tenir pour acquis qu’un mur-rideau ne soit pas performant. Bien qu’il soit un peu moins performant du point de vue de sa valeur isolante, un bon mur-rideau est beaucoup plus étanche à l’air, beaucoup plus étanche à l’eau et plus rapide à installer qu’un mur traditionnel.