Une véritable tendance se confirme en faveur du recours aux projets d’économie d’énergie garantie au Québec.
La nécessité de faire face aux enjeux énergétiques au cœur de l'environnement bâti ne date certes pas d'hier. Depuis l'onde de choc de la crise pétrolière de la fin des années 1970, on a vu se déployer une myriade d'initiatives visant à réduire la consommation d'énergie des bâtiments à des niveaux sans précédent, parmi lesquelles des projets d'économie d'énergie garantie qui, depuis, ont pris plusieurs formes au cours de leur évolution.
« Les gens ont bien tenté de trouver des moyens pour réduire leur consommation énergétique, mais on manquait quelque peu de courage pour lancer l’implantation de mesures de réduction de la consommation d’énergie importantes. On créait des modèles financiers qui s'autofinançaient sur des périodes de sept ou huit ans, mais les financiers peinaient à prendre des décisions compte tenu des taux de rendement modérés », indique d'entrée de jeu Michel Méthot, vice-président principal, projets et opération chez SOFIAC.
« Par conséquent, poursuit-il, des entrepreneurs généraux ont décidé de garantir la performance de leurs projets, à telle enseigne que plusieurs corporations cotées en bourse ont fait le pari d'ouvrir une division d'entreprises générales à performance garantie. Comment ? En construisant l'ensemble de l'œuvre, mais en garantissant également la performance. Alors, le flux de trésorerie lié à la performance permettait de payer l'investissement pour les banquiers. Et si l'on était à court de rendement, dès lors, c'est la compagnie qui payait la différence. C'est à ce moment, au début des années 1980, que l'idée des performances garanties a vu le jour, avec les premiers projets qui ont été réalisés, souvent initiés par un besoin criant de renouvellement d’actif. »
Il faut dire que le Québec n'a pas tardé à opter en faveur de projets d'efficacité énergétique avec économie garantie, qui depuis se sont grandement développés, bénéficiant de l'appui des entreprises d'utilité publique telles qu’Hydro-Québec et Gaz Métropolitain (aujourd'hui Énergir). Des projets majeurs tels que le Stade olympique et le biodôme, la majorité des commissions scolaires, des centres hospitaliers (dont l'Hôpital Notre-Dame et l'Hôpital général juif) ainsi qu'une pléiade d'établissements collégiaux ont tous tiré avantage de cette approche.
Et c'est sans oublier le gouvernement fédéral qui, depuis une bonne trentaine d'années, a emboîté le pas, faisant une large place à cette formule avec une centaine de projets à son actif dont les bases militaires, notamment celles de Valcartier, de Bagotville, de Trenton et de Kingston.
« Tout cela a été très porteur au Québec dans le secteur public qui, lui, avait des horizons d'investissement sur une quinzaine d'années, relate Michel Méthot. En adoptant une vision à long terme, les gestionnaires des finances arrivaient à vendre l'idée d'avoir des rendements plus faibles et des prêts de recouvrements plus longs. Le secteur public a de toute évidence fait beaucoup de travail de ce côté-là. »
Mode de fonctionnement
Menés par des entreprises de services écoénergétiques (ESE), ces projets peuvent aussi être financés sur la base d'un partage des économies d'énergie générées par les mesures d'efficacité énergétique mises en place. Comme l'indique l'ingénieur de recherche et conseiller technique au laboratoire de CanmetÉNERGIE à Varennes, Frédéric Genest, « l'un des scénarios les plus fréquents est celui du client qui envisage une cible de réduction de l'énergie, et ce faisant, fera appel à une ESE qui aura pour tâche d'évaluer le bâtiment, puis de proposer une série de mesures d'efficacité énergétique dans le but d'atteindre une certaine rentabilité sur une échelle de temps donné.
« Ainsi, enchaîne-t-il, cette ESE prendra en charge l'ingénierie, l'appel d'offres pour les constructeurs, le financement pour payer les coûts de travaux et mettra en place un contrat avec le client basé sur des économies d'énergie garantie. »
Incontestablement, le recours à de tels projets constitue une véritable tendance de fond. Pourquoi ? Une question à laquelle Louise Panneton, présidente de P1 Consulting, répond sans détour : « Parce qu'il y a beaucoup, beaucoup de besoins et pas beaucoup d'argent ! Et particulièrement sur le plan des infrastructures publiques, mais aussi privées, où l'investissement dans le cycle de vie n'est pas suffisant. Ces projets permettent d'avoir accès à de l'expertise, à de l'engagement pour ce qui a trait à la performance et à du financement pour devancer les objectifs de réduction de GES. Voilà la principale raison d'être des projets d'économie d'énergie garantie. »
De fait, tous les secteurs peuvent en bénéficier, autant les intervenants privés que publics. Au dire de Dylan Fletcher, directeur de services techniques et d'énergie chez P1 Consulting, plusieurs établissements scolaires, notamment des universités dont les campus datent de plus de 60 ans, nécessitent des investissements importants qui s'élèvent à plus d'une centaine de millions de dollars.
C'est sans compter les établissements du réseau hospitalier, le secteur industriel et alimentaire, celui de l’aéronautique ainsi que toutes les grandes infrastructures, dont les aéroports. Et la liste pourrait s'allonger encore et encore. Comme l'indique Frédéric Genest, « la seule condition c'est d'avoir un projet qui a suffisamment d'ampleur pour justifier, par exemple, la mécanique ou la logistique que cela requiert. C'est la seule limitation. »
Bénéfices multiples
Pour Michel Méthot, il ne fait pas de doute que le recours aux projets d'économie d'énergie garantie procure plusieurs bénéfices, la gestion de risque occupant les premières loges. « Le fait que le risque financier soit transféré sur l'entreprise de services écoénergétiques constitue assurément le principal avantage. Mais l'est tout autant l'idée d'avoir un projet qui est réalisé clé en main par l'ESE, qui assumera la pleine responsabilité de la solution technique. Ils sont au fait de tous les programmes et sont en mesure d'optimiser l'apport d'appuis financiers provenant des entreprises subventionnaires en fonction de la solution retenue. Également, l’arrivée récente dans le domaine de financiers d’impact donnant accès à du capital patient facilite grandement la mise en œuvre de tels projets aux espérances de rendement souvent plus modérées.
« Sur le plan de l'efficacité énergétique, poursuit-il du même élan, il en va de même. En optant pour ce type de projet, on rend quelqu'un imputable du rendement des technologies qui seront implantées. On va construire robuste et on va bâtir des installations pérennes avec une attention continue qui s'échelonnera sur une période de quinze ans, ce qu'on appelle communément une mise en service (commissioning) continue. »
Manifestement, plusieurs conditions doivent être réunies pour profiter pleinement des projets d'économie d'énergie garantie. En tout premier lieu, il importe de se renseigner sur le fonctionnement du processus et de bien définir son objectif avant d'entreprendre toute chose. Puis suivra la sélection du partenaire privé. Comme l'explique Frédéric Genest, il faut s'assurer que ce partenaire a l'expérience requise, qu'il possède la bonne feuille de route et qu'il détient une certaine crédibilité, voire fiabilité. « Car si ses projets sont rentables et ont du succès financier, il est fort probable que les banques auront tendance à lui prêter plus facilement et à un meilleur taux d'intérêt pour l'exécution des travaux. »
« Il ne faut pas hésiter à ouvrir ses horizons pour être en mesure de considérer ce que les fournisseurs de services ont à offrir, tient à rappeler Louise Panneton. Il y a beaucoup d'expertise en la matière au Canada. Ce sont des experts et ils s'y connaissent. »
Parmi le bouquet des stratégies écoénergétiques qui sont le plus souvent déployées dans le cadre de tels projets, les mesures les plus faciles à mettre en œuvre, que l'on désigne souvent par « low hanging fruit », ont toujours la cote. « La conversion de lampes fluorescentes aux DEL en est un très bon exemple, mentionne Michel Méthot, car il y a encore beaucoup à faire du point de vue de l'éclairage. Et en matière de récupération de chaleur aussi. L'utilisation de thermopompes et celle de chauffage solaire passif sont autant de solutions innovantes mises en pratique dans un tel contexte. »
« Sans passer sous silence l'utilisation de la technologie alors que l'on met beaucoup l’accent sur le bâtiment intelligent, tient à rappeler Louise Panneton. Alors, quelles que soient les stratégies, bien qu'il n’aille pas de soi de faire de tels projets, il faut faire les premiers pas vers l'avant et les autres vont suivre. »
Au dire de Frédéric Genest, le potentiel offert au Québec pour des projets d'économie d'énergie garantie est très largement sous-exploité. « Et c'est particulièrement le cas pour ce qui concerne les bâtiments qui opèrent moins bien, précise-t-il, car ce sont eux qui ont le plus de chemin à faire. Ainsi, ces mesures peuvent être très payantes très facilement et très rapidement! » Même constat du côté de Michel Méthot : « La technologie est disponible et nous pouvons la déployer avec l'assurance que les résultats seront au rendez-vous. »
- La gestion du risque
- La réduction des coûts d'opération
- La modernisation des équipements
- L'accélération des projets en fonction du financement disponible
- L'approche clé en main par l'ESE qui assume la pleine responsabilité de la solution technique
- La possibilité de faire des projets financés par de l'économie d'énergie
- L'utilisation des subventions
- La décarbonation des bâtiments par la réduction d’usage des carburants fossiles
Même si décarbonation ne rime pas toujours avec efficacité énergétique, force est de reconnaître que les projets ESE peuvent agir en grande partie sur la réduction, voire l'élimination des combustibles fossiles. Et surtout, ils apportent un financement supplémentaire, ce qui pourra sans contredit faire œuvre utile pour accélérer l'atteinte des objectifs de décarbonation du Québec à l'horizon 2050.