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Décarboner les matériaux structuraux des bâtiments

7 mai 2025
Par Cynthia Bolduc-Guay

Une initiative québécoise vise à réduire le carbone intrinsèque des matériaux structuraux des bâtiments.

Le secteur de la construction, on le sait, est l’un des plus importants émetteurs de gaz à effet de serre (GES) à l’échelle mondiale. Si beaucoup d’efforts ont été faits dans les dernières années du point de vue de l’efficacité énergétique, le concept de carbone intrinsèque, qui s’intéresse quant à lui aux émissions de GES issues de la production des matériaux, commence à émerger ici et ailleurs comme une solution pour réduire encore davantage l’empreinte environnementale des bâtiments.

« Lorsqu’on regarde le cycle de vie d’un bâtiment, surtout au Québec où nous avons accès à une énergie propre pour le chauffage et l’éclairage des bâtiments, on se rend compte que les matériaux représentent une part plus importante de l’impact environnemental », souligne Louis Poliquin, directeur du Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois (Cecobois). En tout, les matériaux utilisés dans la construction d’un bâtiment peuvent représenter entre 25 et 45 % de l’empreinte carbone totale d’un bâtiment.

Louis Poliquin, directeur de Cecobois. Crédit : Cecobois

En Europe, des réglementations prennent déjà en compte le carbone intrinsèque des matériaux, si bien qu’il est logique de penser que le Québec suive cette voie dans les prochaines années. C’est pourquoi il vaut mieux être proactif et commencer dès maintenant à s’y intéresser.

C’est justement ce qu’a entrepris de faire Cecobois. En plus de son Forum construction bas carbone et biosourcée, un événement annuel qui en était récemment à sa deuxième édition en début d’année, l’organisme a voulu aller plus loin en lançant l’initiative Construction bas carbone avec le bois; une stratégie visant à informer, appuyer et mobiliser l’industrie autour d’engagements concrets afin de réduire le carbone intrinsèque des nouveaux bâtiments en sol québécois.

Une stratégie, deux cibles

Seul matériau biosourcé actuellement utilisé en structure, le bois est évidemment au cœur de l’initiative de construction bas carbone propulsée par Cecobois et soutenue par le gouvernement du Québec par le biais de la Politique d’intégration du bois dans la construction et du Plan pour une économie verte 2030. « Le bois est un matériau local, renouvelable, qui nécessite peu d’énergie pour sa transformation en plus de stocker le carbone, si bien que son utilisation accrue est à même de contribuer dès maintenant à l’atteinte des cibles climatiques et de réduction des émissions de GES des bâtiments », s’enthousiasme Louis Poliquin.

Il précise que le but de l’initiative n’est pas de remplacer tous les matériaux de construction par le bois, mais plutôt de le considérer davantage là où il peut être utilisé de façon optimale, tant d’un point de vue structural qu’environnemental, afin de réduire l’impact carbone des bâtiments. Selon le contexte, la solution optimisée peut être une structure principale tout bois ou un système hybride acier-bois ou bois-béton qui jumèle les avantages de chaque matériau.

L’initiative Construction bas carbone avec le bois comporte deux grands volets : l’un professionnel, l’autre municipal. « Notre objectif est de former deux grandes coalitions, l’une formée de professionnels de la construction, l’autre de municipalités, explique le directeur de Cecobois, afin de répondre aux besoins spécifiques de chacun en termes de carbone intrinsèque. »

En effet, les professionnels du bâtiment, plus particulièrement les architectes, sont les premiers intervenants impliqués quand vient le temps de spécifier les matériaux de construction. Ceux qui joindront la coalition s’engageront notamment à s’informer sur le carbone intrinsèque et les choix sobres en carbone, à accompagner leurs clients vers ces choix, à calculer l’empreinte carbone de leurs projets avec l’outil GESTIMAT et à se doter d’un leader bas carbone au sein de leur équipe. Ils trouveront sur le site construirebascarbone.com une foule de documents d’information, de fiches argumentaires, des formations, des épisodes du balado Décarboner un bâtiment à la fois, un blogue et un répertoire de projets bas carbone pour les épauler, en plus de pouvoir compter sur l’accompagnement de Cecobois au besoin. « On souhaite qu’ils s’approprient les contenus et les outils que nous mettrons à leur disposition », mentionne Louis Poliquin.

Les municipalités, elles, sont invitées à agir sur le plan réglementaire, par exemple en mettant en place des incitatifs à l’utilisation de matériaux bas carbone. Elles peuvent ainsi décider de considérer le bois en avant-projet, ou encore préconiser l’analyse de cycle de vie en amont de la construction de nouvelles infrastructures sur leur territoire.

Seul matériau biosourcé actuellement utilisé en structure, le bois est évidemment au cœur de l’initiative de construction bas carbone propulsée par Cecobois.

Dans les deux cas, l’heure est à la mobilisation. Une campagne de communication a d’ailleurs été enclenchée afin de faire connaître cette initiative aux professionnels du bâtiment. Du côté des municipalités, Cecobois a procédé au lancement de la nouvelle plaque Bas carbone avec le bois lors du dernier gala des Prix d’excellence Cecobois le 20 février dernier. Cette plaque pourra être installée dans les bâtiments soulignés par cette initiative; elle vise à mettre en valeur la réduction de carbone des projets publics et municipaux.

« L’accélération de la décarbonation des bâtiments est un effort collectif, si bien qu’il est important de joindre le plus d’acteurs possible », estime Louis Poliquin.

Des indicateurs suivis et chiffrés

Pour suivre l’impact des différents engagements, Cecobois a ajouté une section carbone à son répertoire de projets en ligne. Celle-ci permettra de connaître les GES évités en kg éq.CO2, le pourcentage de réduction du carbone intrinsèque ainsi que le carbone stocké dans chacun des projets. Ces indicateurs aideront également à chiffrer la performance des différentes stratégies de décarbonation.

« Les professionnels membres de la coalition vont pouvoir fournir des données sur leurs projets, ce qui va permettre d’alimenter une base de données québécoise en matière d’empreinte carbone dans le secteur du bâtiment », précise le directeur de Cecobois.

Ces données, calculées dans l’outil GESTIMAT, prendront d’abord uniquement en considération les matériaux de structure, mais considéreront sous peu les matériaux d’enveloppe dès que ceux-ci seront comptabilisés. L’outil de calcul GESTIMAT offre d’ailleurs déjà une foule d’options intéressantes aux professionnels. Par exemple, un architecte qui souhaite estimer l’empreinte carbone de son projet dès la phase de préconception peut utiliser les bâtiments types précalculés dans l’outil afin de monter un argumentaire adapté au projet de son client.

« Le but, c’est de réduire le carbone intrinsèque un bâtiment à la fois », conclut Louis Poliquin.