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La toiture végétalisée comme stratégie d’acceptabilité sociale

15 avril 2021
Par Marjolaine Auger*

Centre de formation en développement durable CHRONIQUE DU GROUPE DE TRAVAIL
SUR LES TOITURES VÉGÉTALISÉES

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Quand le verdissement se pose comme une stratégie d’acceptabilité sociale pour l’unité d’habitation accessoire en réglementation d’urbanisme.

Ça y est ! L’engouement pour les habitations secondaires est installé, et il n’y a pas de retour en arrière. Les municipalités de Mont-Saint-Hilaire et de Sainte-Catherine les ont réglementées. Les villes de Gatineau et de Québec ont emboîté le pas et se penchent actuellement sur le sujet. Et il est fort à parier que cette tendance se propagera prochainement aux villes ceinturant la métropole, qui devront tôt ou tard s’y attarder.

C’est en effet sur ces territoires que l’on peut retrouver des superficies de terrains « à développer en ville » et qui sont déjà reliés aux infrastructures de service. Encore faut-il que les banlieusards, habitués à la résidence unifamiliale et à une grande cour engazonnée les éloignant les uns des autres, mais qui profitent toutefois d’un réseau de transport efficace et bien desservi, acceptent l’idée de densification douce; cette approche d’évitement de l’étalement urbain pourrait venir contrecarrer leur choix de demeurer en banlieue.

Alors, comment planifier intelligemment l’unité d’habitation accessoire, ou UHA, afin de limiter les répercussions négatives sur les propriétés voisines en ce qui a trait à la vie privée, l’ensoleillement et la vue ? Nous relaterons comment la toiture végétalisée peut aider à atteindre certains objectifs, mais on doit tout d’abord s’attarder aux définitions. Une annexe résidentielle fait partie des unités d’habitation accessoires. On pourrait la qualifier de minimaison en fond de cour. La minimaison, quant à elle, n’est pas une UHA si elle fait figure de domicile principal. Les besoins qu’elle comble alors et les moyens pour y parvenir sont distincts. Pour ces raisons, il est important que les municipalités séparent judicieusement le concept de minimaison et d’annexe résidentielle dans la modulation de leur réglementation.

La décision d’un propriétaire de construire ou de rénover une UHA peut être motivée par des intentions variées. Il pourrait souhaiter arrondir ses paiements de fins de mois; il pourrait vouloir se rapprocher de ses parents vieillissants; il pourrait désirer donner un coup d’envoi à son enfant en lui offrant un logement abordable; il pourrait tout simplement chercher à investir en optimisant son lot de terrain à proximité d’un transport en commun et ainsi augmenter la valeur marchande de sa propriété. Peu importe sa raison, il est élémentaire de faire ressortir les effets positifs des UHA sur la communauté et sur l’environnement.

Mais construire une UHA comporte aussi sa part d’inconvénients, à commencer par l’empreinte de bâtiment additionnelle venant affecter une surface préalablement perméable sur l’ensemble du terrain. Ce nouvel ajout, s’il n’est pas issu de la transformation d’une bâtisse existante, peut occuper jusqu’à la moitié de la superficie que l’habitation principale prend déjà sur la parcelle. C’est non négligeable sur la gestion de l’eau de ruissellement supplémentaire générée et devant être prise en charge par l’égout pluvial.

Les villes, dans l’élaboration de leur future réglementation sur les UHA, doivent réfléchir à cet éventuel problème. Comme dans tout type de permis provoquant la perte de surface perméable, il pourrait facilement être accompagné de compensations obligatoires. Par la mise en place de différentes stratégies, ce qui ne percolera plus dans le sol en volume d’eau doit être calculé afin de le restituer sur le terrain. Par exemple, la ville d’Ottawa, dans son guide d’aménagement d’une annexe résidentielle, prévoit qu’aucun arbre mature ne soit abattu; tous doivent être protégés pendant le chantier. On pourrait proposer une mesure compensatoire en exigeant la plantation d’arbres ailleurs sur le lot selon l’ampleur du projet.

Solution végétalisée

Une autre stratégie connue et bien comprise pour tous les bienfaits qu’elle apporte en ville est le toit végétal. Ce qui est enlevé au sol peut être remis en partie sur la toiture. Le substrat de croissance et les plantes, par l’évapotranspiration, conservent la cour aussi fraîche qu’en avant-projet. Ce substrat permet partiellement d’absorber les eaux de pluie abondante, et tout comme un terrain naturel le ferait, il retarde l’arrivée aux drains du surplus d’eau qu’il ne peut pas retenir. Le projet de bâtiment accessoire ne contribue donc pas à exacerber les coups d’eau déjà gérés par l’égout pluvial en avant-projet.

L’aménagement d’un jardin comestible en hauteur, là où la luminosité est au mieux, cède le niveau du sol à la plantation ou à la conservation des arbres. L’ombre qu’ils procurent à la cour et sur la résidence principale est tout à coup considérée comme salvatrice en canicule et n’affecte en rien le nouveau potager du propriétaire ou de l’occupant de l’UHA. C’est tout le quartier qui bénéficie de ces quelques degrés en moins sur un lopin du voisinage. On doit assurer la préservation des arbres matures, tant sur le lot du projet que sur les habitations avoisinantes.

La toiture végétalisée comme stratégie d’acceptabilité sociale. Crédits : American Hydrotech

Un verdissement haut perché pourvoie une cachette ou une zone de répit supplémentaire à notre faune ailée; les prédateurs exotiques sont actuellement considérés comme la plus grande menace anthropique pour les passereaux. Même en hiver, il est d’une simplicité déconcertante d’offrir aux oiseaux une alimentation complémentaire par la sélection de plantes à graines comestibles et par l’omission volontaire du « nettoyage » de la toiture végétale l’automne précédent.

Le toit végétalisé encourage la vie aviaire dans les cours voisines. Qui n’affectionne pas le chant des oiseaux en se prélassant dans son hamac? Et qui n’approuve pas la réduction du bruit par des matériaux qui l’absorbent au lieu d’en propager l’écho. La couverture végétale augmentée contribue à l’atténuation de la pollution sonore et des particules atmosphériques et à la filtration de l’eau de ruissellement.

Parmi tous les bienfaits qu’un toit végétal peut engendrer par son ajout à l’UHA, ce qui peut faire pencher les citoyens vers l’acceptabilité sociale d’un bâtiment secondaire est sans aucun doute son esthétisme et la cohésion qu’il apporte dans le quartier. L’acheteur d’une propriété a aussi acquis les attributs typiques à sa rue, comme la canopée, la tranquillité ou le courant architectural du secteur. Il faut considérer ce fait lorsqu’on construit une nouvelle structure dans un environnement bâti; personne n’aime avoir de vue sur une toiture grise ou du bardeau d’asphalte. L’incorporation de la toiture végétalisée à l’annexe résidentielle traite de cet aspect d’harmonie avec son entourage.

Si on décide enfin d’ouvrir les livres pour conformer l’inclusion d’unités d’habitation accessoires en zone déjà plus ou moins dense et bien desservie, pourquoi ne pas faciliter par la bande l’intégration de toitures végétales dans la réglementation? Les quelques paragraphes faisant actuellement mention de ce type d’infrastructure végétalisée sont trop souvent très brefs et n’orientent pas les citoyens sur le sujet et les enjeux environnementaux qu’il permet de mitiger. Il vaut mieux encadrer ces projets d’implantation à la suite d’une réflexion globale et de l’utilisation optimale des connaissances acquises. Prévenir pour éviter de subir est la devise en refonte de règlement.


*Marjolaine Auger est agronome chez Hydrotech et membre du Groupe de travail sur les toitures végétalisées du CBDCa-Qc