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Des solutions pour optimiser la durabilité du bois

19 août 2020
Par Valérie Levée

Des stratégies de protection pour optimiser la durabilité des bâtiments intégrant des composantes structurales ou architecturales en bois.

La belle apparence du bois a deux ennemis : l’humidité et les UV. Ces derniers dégradent la lignine. Or c’est elle qui confère au bois sa teinte chaleureuse en plus de jouer un rôle de protection contre l’humidité. Si la lignine est détruite, le bois perd sa coloration, grisonne et devient sujet à des infiltrations d’eau qui feront le nid des moisissures. Protéger le bois est donc un enjeu d’esthétique. L’humidité qui pénètre dans le bois provoque aussi des phénomènes de retrait et de gonflement qui peuvent affecter la résistance mécanique du bois. Si des éléments structuraux sont atteints, c’est l’intégrité structurale du bâtiment qui est en jeu.

Il existe évidemment une panoplie de finitions de surface pour protéger le bois, mais leur protection n’est pas sans faille. Si elles laissent passer les UV, elles n’empêcheront pas la lignine de se dégrader et, par suite, la couche externe de cellules de se désagréger. Perdant son support, la finition s’écaillera.

Photo : CIRCERB

Les UV tendent aussi à rigidifier la finition. Si en dessous, le bois se rétracte ou gonfle à cause de l’humidité, la finition devenue rigide ne pourra pas s’y adapter et craquera, explique Véronic Landry, professeure agrégée et titulaire de la Chaire de recherche industrielle du CRSNG – Canlak en finition des produits du bois d’intérieur, à l’Université Laval. L’apparence en prend un coup et la finition est à refaire. Autrement dit, sans supprimer l’enjeu de l’apparence, les produits de finition ajoutent celui de l’entretien.

Repérer les zones vulnérables

Les éléments structuraux ne peuvent souffrir d’une perte de résistance mécanique et doivent être protégés en priorité. « Ils ne doivent pas voir les intempéries, et c’est la fonction du revêtement extérieur de les protéger », recommande vivement Caroline Frenette, conseillère technique au Centre d’expertise sur la construction commerciale en bois (Cecobois) – NDLR : Elle est désormais professeure à l’Université du Québec à Rimouski.

Il arrive cependant que des extrémités de poutres dépassent du toit ou que des colonnes extérieures supportent des marquises ou des auvents. Ces éléments structuraux extérieurs, tout comme le revêtement, devront être protégés, et cela commence par en repérer les zones vulnérables. La façade sud reçoit évidemment plus de soleil que la façade nord, tandis que les murs exposés au vent reçoivent plus de pluie que les autres. À cause de la neige au sol ou de la végétation, le pied des murs est une autre zone vulnérable. Les parties horizontales propices à la stagnation d’eau et les interstices sujets à des infiltrations sont aussi à surveiller.

Stratégies conceptuelles et détails constructifs

Pour protéger ces zones vulnérables, deux stratégies s’imposent, ainsi que le formule Stephan Langevin, architecte chez STGM Architectes : « Un adage dit que pour protéger le bois extérieur, ça prend une calotte et des bottes. »

La « calotte », c’est le débord du toit, l’auvent ou la marquise qui fait de l’ombre et empêche la pluie poussée par le vent d’atteindre le mur ou les éléments structuraux à protéger. Mais cela ne suffit pas, car l’eau ruisselant du toit pourrait, par capillarité, atteindre les soffites et les poutres. Il faut la dévier par un solin de toiture. La « calottes » peut prendre différentes formes, comme le montre l’alcôve de l’entrée du siège social de STGM.

L’édifice de bureaux de STGM à Québec. Photo : Stéphane Groleau

Les « bottes », c’est le mur de fondation qui doit rester nu au-dessus du sol pour que le revêtement ne descende pas jusqu’à ce niveau. C’est aussi le pied de colonne qui ne doit pas toucher le sol. Comme les détails ont leur importance, Caroline Frenette précise que la plaque métallique du pied doit être d’une dimension inférieure à la section de la colonne pour éviter que l’eau qui s’écoule le long de celle-ci ne s’infiltre entre la colonne et la plaque.

Le design du bâtiment qui loge la centrale géothermique de l’hôtel La Ferme, à Baie-Saint-Paul, réalisation sur laquelle STGM a laissé son empreinte, résume bien ces principes avec son toit qui s’avance généreusement au-dessus du lattage de bois, qui lui-même ne descend pas jusqu’au sol pour rester bien au-dessus de la neige. Le pavillon date de 2013 et le bois extérieur porte très bien ses sept ans.

La « calotte » et les « bottes » ne garantissent pas une absence totale d’humidité derrière le revêtement. C’est pourquoi une troisième stratégie s’impose : la ventilation et l’écoulement de l’eau grâce à une lame d’air entre le revêtement et le mur. Pour des lambris verticaux, Caroline Frenette conseille de les installer sur des fourrures diagonales plutôt que des fourrures horizontales sujettes à la stagnation d’eau. Pour un drainage efficace, il faut une bonne ventilation, ce qui suppose une entrée et une sortie d’air en bas et en haut du revêtement, et que l’eau puisse s’écouler en bas.

Stéphan Langevin et Véronic Landry

Avec ou sans protection de finition

« Si le revêtement est bien ventilé et les détails bien réalisés, le mieux est de ne rien mettre et de laisser le bois grisonner. C’est plus écologique », estime Stephan Langevin. Si le client n’accepte pas le grisonnement et veut conserver la teinte originelle du bois ou lui en donner une autre, il faudra appliquer une finition de surface et l’entretenir. Un vernis, c’est artificiel et il faut l’entretenir. Le client doit accepter cet entretien », poursuit Stephan Langevin.

Il faut alors savoir qu’entre teinture et peinture, la différence tient au pourcentage de pigments. La peinture, opaque, masque le veinage du bois, mais le protège mieux des UV que la teinture plus transparente. La teinture augmentera la fréquence d’entretien. La longévité de la finition dépendra aussi de la bonne formation du film lors de l’application. Or une finition est caractérisée par son taux de solide.

« C’est le pourcentage de ce qui est appliqué et qui forme le film, le reste s’évapore », explique Véronic Landry. C’est pourquoi il ne faut pas diluer une finition, car cela revient à modifier le taux de solide et nuit à la formation du film. De même, c’est par la fusion des gouttelettes que le film se forme, ce que les températures froides ne permettent pas. »

Enfin, la longévité de la protection dépend de ce qui ne saute pas aux yeux : les interstices, les bouts de planche et même la face interne du revêtement. Des plus petites aux invisibles, toutes les surfaces doivent être couvertes. Une stratégie intermédiaire est d’opter pour une finition qui donne d’emblée au bois la teinte qu’il aura en grisonnant. Ainsi, le revêtement ne changera pas d’apparence en vieillissant.

Caroline Frenette et Daniel Smith

C’est l’option choisie pour le Centre de découverte et de services du parc national des Îles-de-Boucherville. « Avec la Sépaq, on a décidé de traiter le bois avec une couleur qui sera probablement la couleur du bois dans une dizaine d'années et de le laisser aller au naturel », relate Daniel Smith, architecte concepteur principal du projet chez Smith Vigeant Architectes.

Finalement, la finition, c’est une discussion à avoir avec le client.

Allonger la durée de vie des finitions

Recherches de Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB) et de la chaire Canlak en finition des produits du bois d’intérieur pour allonger la durée de vie des finitions :

  • les additifs anti-UV ajoutés par les fabricants dans les finitions se dégradent à la pluie et n’offrent qu’une protection temporaire. Il est possible de les encapsuler dans des microsphères qui les protègent de l’eau et qui s’ouvrent et se referment sous l’effet des UV. Exposés temporairement, au bon moment, ils se dégradent moins vite et la finition dure plus longtemps;
  • des microsphères peuvent aussi contenir des agents de réparation. Quand une fissure se forme dans la finition et atteint une capsule, celle-ci se brise et libère les agents. La finition s’autorépare, mais la capsule est à usage unique.

 

Les solutions sont aussi dans les détails
  • La jonction entre deux lambris est une porte d’infiltration d’eau. Pour la minimiser, il faut éviter de couper les lambris à angle droit et préférer un angle de 22,4°. L’angle de 45° est aussi à éviter, car l’extrémité est fragilisée et peut s’effilocher.
  • À l’angle d’un bâtiment, couvrir le parement par une cornière.
  • Prendre soin d’appliquer la finition de protection sur les six faces des lambris, sans négliger les bouts de coupe, ni la face intérieure exposée à l’écoulement d’eau et à la diffusion d’eau sortant du mur.
  • Si le revêtement arrive sur un muret ou un rebord de fenêtre, il faut laisser un espace d’air pour assurer la ventilation et poser un solin pour évacuer l’eau.

 

Des pièges à éviter

Attention aux solins

  • Les solins sont importants pour dévier l’eau, mais il faut veiller à ce que l’eau déviée ne s’écoule pas sur le bois, au risque d’engendrer une coulée noirâtre.
  • Si une poutre dépasse de la toiture, la couvrir d’un solin ne suffit pas. Le bout de poutre, s’il n’est pas taillé en biseau, reste exposé à la pluie et les côtés demeurent exposés aux UV.

Attention aux nœuds du bois avant et après l’installation

  • Avant : inspecter les planches et repérer les nœuds pour ne pas installer des planches trouées.
  • Après : le bois d’un nœud et celui de la planche qui l’entoure n’ont pas la même dureté. En présence d’humidité, ils n’auront pas des retraits et gonflements de même amplitude, de sorte qu’un interstice peut se former autour du nœud. Il faudra sceller le bois mis à nu dans l’interstice.

 

Stratégies conceptuelles essentielles
  • Les colonnes extérieures et le revêtement ne doivent pas toucher le sol, car l’eau qui y stagne pourrait pénétrer dans le bois. Le banc de neige qui fond ou les végétaux mouillés après la pluie sont d’autres sources d’humidité que le bois ne doit pas voir. Le revêtement doit donc s’arrêter à environ un pied du sol, et la colonne doit être surélevée du sol en appui sur un pied de colonne.
  • Les éléments structuraux extérieurs doivent être protégés de la pluie, en pensant qu’elle peut être poussée par le vent. Pour les protéger, le toit doit s’avancer suffisamment pour que la ligne allant de l’extrémité du toit au bas du bois à protéger fasse un angle de 30° avec la verticale.
  • À l’arrière du revêtement, l’eau peut venir de la pluie, mais aussi de la diffusion de l’humidité de l’intérieur vers l’extérieur du mur. Une lame d’air entre le revêtement et le mur doit assurer la ventilation et donc l’écoulement de l’eau.