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Arrimer construction et exploitation durables avec le BIM

8 novembre 2017
Par Marie-Ève Sirois

L’utilisation du BIM ouvre la voie à une nouvelle ère remplie de sens commun pour les différents acteurs du milieu du bâtiment durable. De la conception à l’exploitation en passant par la construction.

Faible empreinte écologique, performance énergétique, confort accru : voilà des ingrédients typiques pour concocter un bâtiment durable. Et si la phase postconstruction était optimale sur les plans environnemental, économique et humain? Serait-ce l’aboutissement ultime du concept dont rêvaient les fondateurs du premier Conseil du bâtiment durable [1] il y a près de 25 ans ? 

L’un des moyens s’activant au cœur de l’arrimage entre une construction et une exploitation durables est le BIM[2]. Son intégration requiert cependant une nouvelle forme de gestion de l’information; il révolutionne les façons de faire et présente des avantages multiples tant pour les propriétaires et les professionnels que pour les entrepreneurs. 

Partage de l’information

Daniel Forgues, titulaire de la Chaire industrielle Pomerleau et professeur à l’École de technologie supérieure, résume le phénomène ainsi : « Avec le BIM, ce ne sont plus des documents qui sont gérés, mais de l’information. » Les limites quant au partage de l’information sont désormais levées, l’essence d’un projet peut maintenant être capturée en quelques fichiers, éditables en continu par une foule d’intervenants. 

Daniel Forgues, Ivanka Iordanova et Louis-Martin Guénette

À écouter celui qui consacre sa carrière au virage numérique dans l’industrie de la construction, une transformation des mœurs s’opère actuellement. « Nous avons fait des pas de géant au cours des dernières années. Une table multisectorielle a été mise en place; un éveil majeur s’amorce chez les entrepreneurs. Les premiers étudiants sont maintenant diplômés, poursuit cet expert. Ils travaillent dans le milieu et forment la relève. » La masse critique au niveau du savoir-faire québécois est atteinte. Les firmes ont désormais accès à de la main-d’œuvre compétente sur ce sujet encore avant-gardiste. 

Malgré tous ces progrès, Daniel Forgues demeure réaliste : « Il ne faut pas verser dans l’hégémonie technologique. » Il n’y a pas de cadre de pratiques officiellement établi au Québec. BIM Canada, CANBIM et la SQI ont emboîté le pas avec quelques outils, mais ce n’est pas complet, du moins pas encore. Les seules autres sources actuellement disponibles sont les normes anglaises PAS 1192-2 (gestion de l’information pour la construction) et PAS 1192-3 (gestion de l’information pour les opérations). 

Ivanka Iordanova, directrice BIM-VDC chez Pomerleau, aborde la maturité de l’industrie ainsi : « Plusieurs entreprises sont maintenant à l’aise avec l’utilisation d’un modèle BIM 3D. » Par contre, l’intégration des autres dimensions demeure embryonnaire. Que ce soit pour l’échéancier (4D), l’estimation des coûts (5D), les données pour les simulations énergétiques (6D) ou encore les données pour l’exploitation (7D), la bonification d’un modèle BIM nécessite une approche de gestion structurée, basée sur la collaboration. 

Approche Lean

Bref, maintenant que le plein potentiel du BIM est perceptible, l’heure est à se donner les moyens de ses ambitions. Voilà où la gestion Lean (ou allégée) entre en scène. Cette philosophie managériale, qui a vu le jour chez Toyota, tend vers l’excellence opérationnelle avec le moins de gaspillage possible. 

« Elle aide à normaliser les flux de travail et favorise le travail collaboratif », précise Ivanka Iordanova. L’approche Lean incarne l’essence même du BIM : optimiser aujourd’hui pour une meilleure performance à long terme, résoudre les problèmes en collaboration et viser l’amélioration continue. 

C’est en en adoptant Lean et en créant ses propres modèles à partir de plans 2D que l’équipe Pomerleau a réussi à retrancher environ 8 % des coûts de construction dans certains projets. « Dans la littérature, affirme Daniel Forgues, on oscille entre des économies potentielles qui peuvent varier de 20 à 40 % sur le cycle de vie entier d’une infrastructure. » 

Arrimer construction et exploitation durables avec le BIM - Image de Pomerleau

Pour les concepteurs, les gains sont énormes : moins de coordination interprofessionnelle et de gestion documentaire, meilleure détection de conflits, communication visuelle accrue. L’équipe de la Chaire Pomerleau a d’ailleurs bien cerné les tendances à adopter pour tirer un maximum de bénéfices du modèle lors de la phase de conception. 

« En premier lieu, explique Daniel Forgues, il faut miser sur la compacité du bâtiment. Il y a des gains énormes à faire en itérant le modèle. La forme, l’orientation et les ouvertures peuvent également être travaillées de manière à minimiser les matériaux et maximiser l’efficacité énergétique. » 

Côté propriétaire, l’accès à une forme de réalité virtuelle qu’il peut commenter est sans égal. Les modifications au modèle sont moins coûteuses que sur le chantier, et garantes d’une meilleure qualité. Il y a aussi l’attrait d’optimiser et de tester des variantes en amont du projet. Daniel Forgues donne l’exemple suivant : « Le BIM n’élimine pas le risque d’erreurs entre la simulation énergétique et la consommation réelle. Cependant, faire des simulations pour comparer des scénarios est beaucoup plus simple avec le BIM. » 

Gestion à long terme

Louis-Martin Guénette, vice-président chez Planifika, amène la perspective de la gestion à long terme d’un actif en devenir. « En construisant une maquette virtuelle du projet dès le départ, on met l’accent sur une culture de la gestion de l’information. Or, dit-il, c’est souvent à ce niveau que les organisations s’enfargent dans leur périple de gestion d’actifs. » 

Toutefois, bien que les bénéfices postconstruction soient fort convoités, il reste des défis à surmonter : structurer le travail autour du modèle, mieux définir les requis d’information pour chaque discipline et maintenir des données de qualité durant l’exploitation. L’évolution se poursuit. 


[1] USGBC: United States Green Building Council.

[2] BIM signifie notamment Building Information Modeling. L’acronyme anglophone est presque devenu un mot en soi, si bien que l’abréviationMDB (Modélisation des données du bâtiment) demeure encore peu utilisé dans la littérature francophone.

 

L’impact du BIM 7D

L’impact positif du BIM 7D sur la gestion du cycle de vie de l’actif se décline comme suit :

  • accès à un Inventaire des composantes et équipements du bâtiment, ce qui facilite la planification des entretiens et renouvellements;
  • accès centralisé aux fiches techniques;
  • analyse de divers scénarios de conception et d’opération pour soutenir la prise de décision;
  • compilation d’un historique des coûts (construction, entretiens, renouvellements);
  • démocratisation de l’information.

 

BIM 7D : marche à suivre

Pour profiter pleinement du BIM 7D, il faut :

  • opter pour des contrats collaboratifs qui responsabilisent tous les partis impliqués;
  • préconiser la qualité plutôt que le prix;
  • adopter la conception intégrée;
  • développer une maquette initiale étoffée;
  • intégrer des processus de rétroaction;
  • définir les requis d’information pour la gestion de l’actif;
  • exiger une exécution de qualité;
  • définir un plan de gestion de l’information;
  • maintenir la qualité des données dans la maquette;
  • peaufiner et utiliser le modèle en phase d’exploitation.

 

La base de données

Une base de données de qualité doit être :

  • représentative;
  • complète;
  • uniforme;
  • valide;
  • actualisée;
  • unique.