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Enveloppe du bâtiment et santé des occupants vont de pair

25 novembre 2019
Par Marie Gagnon

Une enveloppe saine et fonctionnelle est la garantie de la santé et du bien-être des occupants d’un bâtiment. Des experts expliquent.

Là où entre le soleil, le médecin n’entre pas! Cet adage du 19e siècle est toujours d’actualité. Car si le bâtiment a une empreinte environnementale, il a aussi une empreinte sanitaire. Les problèmes de santé liés aux conditions d’habitation, notamment, sont en effet bien connus des autorités de santé publique. Et l’on sait aujourd’hui que les conditions insalubres constituent un facteur de risque de mauvaise santé et de mortalité précoce chez les occupants d’un bâtiment, peu importe sa fonction.

« On construit de plus en plus de bâtiments écologiques et durables, mais au-delà de mieux concevoir nos bâtiments, il faudrait comprendre ce qui ne va pas dans le bâtiment actuel, avise d’entrée de jeu Richard Trempe, vice-président, consultation au CLEB. Et ce que l’on constate, même dans les nouvelles constructions, ce sont des enveloppes peu isolantes, des signes d’humidité et de condensation, des matériaux peu durables, des ponts thermiques, des moisissures, et j’en passe.

Richard Trempe - Photo de CLEB

« On voit aussi que ces problèmes touchent davantage une certaine frange de la population, ajoute-t-il. Il existe en effet un lien étroit entre la capacité de payer et les conditions d’habitation. Certains groupes sont plus susceptibles de vivre dans des conditions inadéquates. » À Montréal, la situation est d’autant plus préoccupante que 61 % des ménages sont locataires et que 42 % des logements construits avant 1961, sans compter une centaine d’écoles, ont un besoin urgent de rénovation. 

Salubrité et santé

Mais comment le bâtiment peut-il influencer, positivement ou négativement, la santé humaine ? Pour répondre à cette question, il faut d’abord s’entendre sur la définition de la santé. D’un point de vue médical, la santé se définit avant tout par une absence de souffrance physique, mentale et sociale, et dépend de différents facteurs, dont la génétique, les habitudes de vie et le milieu de vie.

« Les conditions de salubrité des logements affectent énormément la santé des occupants et leurs effets sont bien documentés, signale David Kaiser, médecin-conseil à la Direction régionale de santé publique (DRSP) de Montréal. On sait, par exemple, que les problèmes d’infiltration d’eau et d’humidité entraînent la prolifération de moisissures, d’acariens et de bactéries, et que l’exposition à ces microorganismes est associée à l’asthme, à la rhinite allergique et aux infections respiratoires. »

David Kaiser

À Montréal, où ces conditions d’insalubrité touchent 38 % des ménages selon un rapport de la Direction de la santé publique (DSP) publié en 2015, près de 10 % du parc immobilier présenterait des moisissures visibles et 33 % serait affecté par des infiltrations d’eau. « La solution est simple : il faut régler les problèmes d’étanchéité de l’enveloppe, soit par une conception appropriée pour les nouvelles constructions, soit par un entretien préventif pour le parc existant », indique le spécialiste de santé publique.

Approche globale

D’un point de vue architectural, la solution n’est pas aussi évidente. Du moins, aux yeux de Richard Trempe. La performance de l’enveloppe, intimement liée à celle du bâtiment, est en effet influencée par différents paramètres, comme la situation géographique, l’âge du bâtiment, les systèmes et matériaux employés et, même, l’entretien et l’exploitation. Par exemple, la situation géographique, qui tient compte de l’implantation et de la topographie du terrain, participera au choix des systèmes de construction de l’édifice,  qui affectera à son tour la performance de l’enveloppe.

Ainsi, un bâtiment construit sur des sols instables, comme une carrière désaffectée, risque de voir ses fondations et ses façades se lézarder, favorisant les mouvements d’air, la migration d’humidité et l’infiltration d’eau à l’intérieur de l’enveloppe. Dans le même esprit, les bâtiments construits en bord de mer, où l’air est chargé de sel et d’humidité, verront s’accélérer la dégradation de leurs systèmes constructifs. Idem pour les variations de température et les cycles de gel et de dégel : ils endommageront les matériaux et systèmes composant l’enveloppe avec, à la clé, une perte de confort pour les occupants.

Détails d’assemblage

« Il faut s’attarder aux détails de conception pour gérer l’eau et tenter d’éliminer les fuites d’air et la condensation à l’intérieur de l’enveloppe, dit Richard Trempe. C’est seulement de cette manière qu’on peut espérer prévenir l’apparition de moisissures et la dégradation prématurée des matériaux ». En partenariat avec l’Ordre des architectes du Québec, il donne justement une formation en trois volets sur le sujet. Intitulée La trilogie de l’enveloppe, elle concerne les aspects constructifs de l’enveloppe et son assemblage.

Selon lui, un des principaux problèmes qui affectent l’enveloppe à l’heure actuelle réside dans son assemblage et la séquence des plans d’étanchéité. « Les concepteurs privilégient un assemblage dans lequel les parois isolantes sont prises en sandwich, car elles sont comprises entre deux plans d’étanchéité : le pare-air et le pare-vapeur », relève-t-il.

S’il y a des fuites d’air et qu’il fait froid, les risques de condensation sont augmentés, selon la perméance des matériaux utilisés. L’idéal, c’est que tous les plans d’étanchéité, à l’air, à la vapeur d’eau comme à l’eau, soient protégés par l’isolation. Autrement dit, on doit reporter toute l’isolation au plan extérieur. Il s’agit d’un principe utilisé dans certains édifices institutionnels, mais encore trop peu dans les domaines commercial et résidentiel.

« De cette manière, précise Richard Trempe, non seulement on coupe tous les ponts thermiques créés entre autres par la structure, mais on atteint aussi l’espérance de vie du mur, qui doit être de 75 à 100 ans selon les nouvelles normes, car on met à l’abri les composantes les plus essentielles à la pérennité de l’ouvrage. Cette approche pourrait toutefois coûter un peu plus cher au bout du compte, parce qu’elle nécessite d’élargir les murs. En tenant compte du coût global et du cycle de vie, ce coût risque cependant d’être négligeable. Mais, il reste encore beaucoup d’éducation à faire. »

Trois conseils
  • Ne pas utiliser des matériaux putrescibles dans des endroits vulnérables : ils sont plus susceptibles de subir des dommages en cas de condensation et d’infiltration d’eau;
  • Éviter les fuites d’air : les fuites d’air favorisent la condensation et la migration des contaminants à l’intérieur de l’enveloppe;
  • Favoriser la discussion avec l’entrepreneur : il est le mieux placé pour trouver des solutions économiquement viables pour le petit bâtiment.

 

Trois impacts majeurs
  • Asthme : respiration sifflante, toux, essoufflement;
  • Infections à répétition : sinusites, bronchites, pneumonies, otites;
  • Rhinite et rhinosinusite chroniques : écoulement nasal, toux et maux de gorge, fatigue.

 

Examen de conscience

Quel est vraiment l’impact du bâtiment sur la santé ? Peut-on diminuer les risques de contamination et autres dommages ? Comment l’enveloppe peut-elle devenir un incitatif à la santé ? Voilà autant de questions autour desquelles ont récemment échangé des spécialistes en santé publique, en médecine et en science du bâtiment dans le cadre d’une conférence organisée par le Conseil de l’enveloppe du bâtiment du Québec.

Un tel exercice a permis de comprendre l’importance de la transdisciplinarité pour faire avancer un tel enjeu social. L’enveloppe du bâtiment constitue la paroi à la fois forte et vulnérable du bâtiment. Mais elle peut être pensée pour tellement plus. Lumière, confort, phasage, appropriation et personnalisation : tels sont les défis à relever.

Des enveloppes saines et esthétiques, certes mais aussi contributives à la santé de ses occupants. Des enjeux de taille, que les conférenciers ont illustrés au moyen de quelques exemples, en expliquant la démarche derrière la conception, les essais, les recherches et les résultats.