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Des matériaux durables pour les écoles du Québec

6 avril 2022
Par Kathy Noël

Le bois et l’aluminium entrent en force dans la nouvelle génération d’écoles « signées Québec ». Dans son grand chantier de remise à niveau des écoles primaires et secondaires, le ministère de l’Éducation du Québec (MEQ) fait une large part à ces deux matériaux locaux.

À l’école du secteur Vauquelin, une partie de la structure est apparente de l’extérieur. Du bois lamellé-collé a été utilisé sur trois étages dans la section des classes et un puits de lumière comprenant aussi du bois relie les trois niveaux. Dans le reste du bâtiment, deux étages en bois reposent sur un rez-de-chaussée en béton. Au total, l’école a une superficie de 45 000 pieds carrés et le projet a nécessité un investissement de plus de 32 millions de dollars.

Dans son plan québécois des infrastructures 2021-2031, le gouvernement du Québec prévoit injecter au total 5,9 milliards de dollars pour agrandir et construire 90 écoles primaires et secondaires ainsi que rénover 700 écoles existantes. L’obligation d’intégrer le bois et l’aluminium traduit une volonté de favoriser l’achat local et de montrer l’exemple en matière de développement durable, constate Thomas Gauvin-Brodeur, architecte associé chez Leclerc architectes.

« Dans le cycle de vie d’un bâtiment, on voit qu’en fin de vie, à l’étape du recyclage, le bois peut être réutilisé, composté et on peut même le réutiliser. C’est la même chose pour l’aluminium, qui est à 100 % recyclable et revalorisé entièrement lors de la démolition d’un bâtiment », note l’architecte, dont la firme a collaboré au projet de l’école Vauquelin.

Pour pouvoir construire en bois sur trois étages, il explique qu’il a cependant fallu obtenir une dérogation de la Régie du bâtiment du Québec, puisque le Code de construction interdit pour le moment de construire une charpente en bois sur plus de deux étages dans une école primaire. Des démarches plus longues ont été nécessaires.

La structure en bois est très apparente dans l'école du secteur Vauquelin. Crédit : MADOC Studio

Pour le moment, cette école de la rive sud de Montréal fait donc figure d’exception. Les écoles québécoises de nouvelle génération ne seront pas toutes à son image, mais la présence de matériaux durables se fera néanmoins sentir partout, assure Eric Pelletier, associé de Lemay & Associés, qui a conçu les plans et supervise la construction de quatre écoles secondaires actuellement en chantier à Chambly, LaSalle, Mirabel et Laval.

« Nous rendrons le bois très présent, mais de manière différente. Nous aurions pu l’utiliser seulement pour le dernier étage, mais nous le préconisons dans les espaces publics ou les aires de travail communes pour que le plus grand nombre de personnes puisse en profiter. Nous l’utilisons principalement en revêtements de plafond et pour les structures secondaires », explique l’architecte. En ce qui concerne l’aluminium, il se retrouvera dans des murs-rideaux, des parements extérieurs et en plusieurs déclinaisons à l’intérieur, notamment sous forme de mobilier et de panneaux perforés.

Les quatre écoles conçues par Lemay & Associés visent le niveau argent de la certification LEED. Un défi que tente de relever Hugo Lafrance, associé, Stratégies durables, chez Lemay & Associés et coordonnateur de la certification. Des points, dit-il, sont accordés pour la performance énergétique et à ce titre les écoles seront dotées de système de géothermie et ne feront appel à aucune forme d’énergie fossile.

« Nous voulons nous assurer d’avoir des écoles avec un faible impact sur les changements climatiques. On peut parler aussi de réduction des ilots de chaleur ou encore d’économie d’eau et, évidemment, d’une excellente qualité de l’air », explique Hugo Lafrance. D’autres critères entrent aussi en ligne de compte, comme de s’assurer de l’ouverture de l’école sur sa communauté. Un crédit LEED qui s’applique aux écoles concerne d’ailleurs le partage d’infrastructures.

La nouvelle école secondaire de Mirabel qui sera située dans le secteur de Saint-Augustin. Crédit : Consortium Lemay, Leclerc, Leclerc

Par exemple, il est prévu que la nouvelle école de Chambly partage son stationnement avec un centre aquatique adjacent. En milieu plus rural, comme à Mirabel, les aires publiques comprennent des ouvertures donnant sur des champs labourés. « On veut que les gens soient proches de leur territoire, dit Eric Pelletier. Pour nous, c’était important de relier l’école à son contexte, à un site. »

Un puits de carbone ?

Alors que les écoles construites après 1949 avaient une durée de vie allant de 25 à 40 ans, les nouvelles écoles devront être conçues pour avoir un cycle de vie de 75 ans. Le bois et l’aluminium deviennent ainsi des matériaux de choix pour leur grande résistance à l’usure du temps.

En outre, le bois peut être une alternative favorable à l’environnement en contribuant à réduire l’empreinte carbone du bâtiment. D’une part, il permet de séquestrer le carbone accumulé durant la croissance de l’arbre pendant toute sa durée de vie et d’autre part, en se substituant à l’acier et au béton, il permet d’éviter les importantes émissions de GES liées aux procédés de fabrication de ces deux matériaux.

Une analyse du cycle de vie (ACV) de l'agrandissement en bois de l'école Fernand-Séguin, à Montréal, a montré que ce matériau contribuerait à l'évitement de près de la moitié des émissions de GES liées à la fabrication des matériaux de structure. Crédit : Smith Vigeant architectes en collaboration avec BGLA

Une analyse du cycle de vie (ACV) de l’agrandissement en bois de l’école Fernand-Séguin, à Montréal, a montré que ce matériau contribuerait à l'évitement de près de la moitié des émissions de GES liées à la fabrication des matériaux de structure, soit une réduction de 254 tonnes en équivalent CO2. Cela représente l’équivalent de 200 voitures en moins sur la route pendant un an. L’ACV a été réalisée avec Gestimat, un outil de calcul d’inventaire de GES développé pour le centre d’expertise sur le bois Cecobois, en collaboration avec le Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services (CIRAIG).

En général, l’utilisation du bois dans la construction d’un bâtiment entraine une réduction de l’empreinte carbone, mais tout dépend d’où proviennent les matériaux et de l’énergie avec laquelle ils sont produits. De même, le choix du matériau jouera un plus ou moins grand rôle sur l’ensemble des impacts selon le type d’énergie qui alimente le bâtiment. Au Québec, les écoles étant chauffées et éclairées grâce à l’hydro-électricité, ce choix peut faire une différence.

Dans le cas du bois, le territoire dont il provient doit aussi être renouvelé et géré durablement. Pour une fois, l’arbre ne doit pas cacher la forêt ! « Au Québec, nous savons que le bois est d’ici et qu’il est géré de façon écoresponsable », dit Hugo Lafrance.

L’achat local revêt aussi selon Hugo Lafrance un caractère plus économique et social qu’environnemental, car le transport de matériaux a un impact mineur sur le cycle de vie des écoles. « Le plus gros impact vient de l’extraction des matières premières, alors nous essayons d’aller chercher le plus possible du contenu recyclé. »

Un milieu de vie

En matière de développement durable, il n’y a cependant pas que le choix des matériaux qui compte. Le design et l’architecture jouent aussi un grand rôle. Les écoles de nouvelle génération seront loin du « bunker » en béton typique des polyvalentes des années 1960 ou de l’austérité des couvents religieux des années 1940. L’école repensée vise à favoriser l’apprentissage et l’attachement des élèves à leur milieu.

Les nouveaux projets mettent l’accent sur la biophilie. Ce terme fait référence au lien inné que l’être humain entretient avec la nature. En architecture, il se traduit par de grandes ouvertures favorisant le passage de la lumière du soleil, les vues sur des éléments de la nature ou l’imitation de formes ou de motifs présents dans l’environnement. Le bois s’inscrit naturellement dans cette optique.

« La réflexion sur les nouvelles écoles est devenue une réflexion très large sur ce que doit être l’école dans sa communauté et comment les jeunes peuvent s’y sentir bien. C’est un élément clé très important. Ça s’est traduit par

l’usage du bois, mais surtout par un effort de communication avec l’extérieur et l’idée de faire entrer le paysage », explique Eric Pelletier.

Des études de cas sur des environnements de travail intégrant des éléments naturels ont montré des impacts positifs de ce type de design sur la concentration, le bien-être, la productivité et la diminution du stress. Peu d’études ont encore toutefois évalué ces concepts dans des pays nordiques. Or de façon générale, le design biophilique aurait des bienfaits pour la santé. Une étude de l’Université Harvard publiée en 2018 a conclu qu’il pourrait même réduire la pression artérielle et améliorer de 14 % la mémoire à court terme.

Un code à revoir

En Europe, plusieurs bâtiments institutionnels sont faits en bois et leur structure est souvent apparente. « Ici, nous ne sommes pas encore là, constate Eric Pelletier. On accepte peut-être un peu moins de voir le bois vieillir, alors on le recouvre d’un parement. On se prive ainsi du côté chaleureux du bois et de la biophilie », note l’architecte.

Il croit que les règles au Québec seront cependant appelées à changer. « C’est quelque chose qui va évoluer avec le temps et c’est tout à fait normal. Le bois est un produit magnifique qu’on va apprendre à se réapproprier au fur et à mesure que l’expertise va se développer. »

Tout dépendra également de la hausse du cout des matériaux et des pénuries de main-d’œuvre qui affectent tout le secteur de la construction depuis plusieurs mois, concède Eric Pelletier : « Il faudra être créatif ! »

En plus d’intégrer le bois et l’aluminium, les nouvelles écoles du Québec doivent respecter les grandes lignes directrices suivantes :

  • des lieux de collaboration axés sur les nouvelles réalités des jeunes;
  • des espaces pédagogiques flexibles et évolutifs qui peuvent accueillir des fonctions variables et s’adapter avec le temps;
  • des écoles intégrées et arrimées à leurs milieux, ouvertes et accessibles à la communauté environnante;
  • des établissements exemplaires en matière d’écoresponsabilité et de développement durable;
  • des milieux propices à la socialisation et aux échanges;
  • des espaces où la végétation est présente, cultivée et mise en valeur.

Source : MEQ