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La préfabrication au service de l'architecture

13 septembre 2021
Par Sandra Soucy

Le recours à des panneaux architecturaux préfabriqués avec fenêtres intégrées en usine est en plein essor au Québec.

Enfin (!), diront certains acteurs du bâtiment au Québec, alors que de plus en plus de visionnaires du milieu se tournent vers ces systèmes constructifs préfabriqués pour ériger des bâtiments en hauteur qui adoptent une approche conceptuelle novatrice. Preuve par l’exemple, le 900 Saint-Jacques, un immeuble à usage mixte de 63 étages réalisé par le Groupe Canvar au centre-ville de Montréal plaide en faveur de l’innovation et démontre que le recours à cette solution marque un pas de plus vers un développement durable.

Le 900 Saint-Jacques. Crédit : Chevalier Morales.

L’immeuble signé par la firme d’architecture Chevalier Morales, et dont la fin de la construction complète est prévue au cours de l’année 2024, intégrera un hôtel dans ses étages inférieurs couplé à des unités d’habitation dans sa partie supérieure. Ce projet, à l’architecture distinctive à façade articulée très prononcée, est d’ores et déjà sur les rails pour devenir le bâtiment phare du Quartier des gares. La solution des panneaux préfabriqués s’imposait d’emblée afin de répondre aux besoins d’une telle conception. De concert, divers intervenants qui participent au projet joignent leur voix pour en présenter les bénéfices.

« Utiliser une méthode de construction préfabriquée où l’enveloppe est construite en usine dans un environnement contrôlé, avec une main-d’œuvre qualifiée et selon des plans approuvés, nous permet de réduire les coûts de fabrication, de réduire le nombre d’ouvriers requis pour construire un bâtiment et de travailler en usine dans des conditions optimales tout en évitant d’être à la merci des conditions météorologiques », indique d’entrée de jeu Guy Tremblay, vice-président, BPDL, entreprise qui voit à la production des panneaux architecturaux en béton pour ce projet.

Guy Tremblay et Mario Gonçalves

Un autre point à considérer est l’accélération du processus de construction, puisque la fabrication des panneaux peut se faire avant même que les travaux au chantier soient commencés. « Cela représente de 40 à 60 % des éléments de façade qui pourront être produits avant même que le chantier soit prêt à les recevoir, poursuit-il dans le même élan. Nous obtenons une bonne cadence d’installation au chantier avec la possibilité de fermer jusqu’à 2000 pieds carrés de façade par jour. De plus, le fait de fermer l’enveloppe rapidement permettra aussi aux autres quarts de métier qui travaillent à l’intérieur d’entreprendre leurs travaux sans perdre de temps. »

Mario Gonçalves, coprésident du Groupe Lessard, entreprise mandatée pour la fabrication de la fenestration intégrée dans les panneaux utilisés au 900 Saint-Jacques ne pourrait être plus d’accord. « L’intégration de la fenestration aux panneaux préfabriqués en usine se fait dans des conditions hautement contrôlées et permet d’obtenir une enveloppe très étanche et très performante. Mais tout cela ne serait être possible sans un partenariat efficace entre le fabricant de panneaux et celui des fenêtres, puisque cette relation axée sur une approche collaborative entre les différents concepteurs du projet constitue la clé du succès pour optimiser tout le potentiel du produit. »

Un virage vers la préfabrication

 Autre intervenant convaincu, l’architecte Brian Elsden Burrows, président du Groupe Architex, firme chargée de l’exécution au chantier du 900 Saint-Jacques, croit fermement que le virage vers la préfabrication est bien amorcé et d’autant plus facilité avec l’entrée en vigueur du nouveau Code de l’énergie. « Les panneaux préfabriqués en usine dans un environnement à température contrôlée sont soumis à des normes de qualité très strictes qui, en termes d’étanchéité et de performance, ne peuvent se comparer à une installation traditionnelle qui se ferait sur le site, à l’aide d’une grue sur un édifice de 200 mètres et sous des températures frôlant les -20 ⁰C, illustre-t-il. Le fait de pouvoir contrôler la qualité dans l’usine est une pratique qui est là pour durer et qui sera de plus en plus utilisée. »

Vera Karaklas et Brian Elsden Burrows

Constat semblable du côté du vice-président chez BPDL : « Avec un système tel que celui-ci, il sera beaucoup plus simple de contrôler en usine le ratio de mur opaque et de fenestration limité à 40 %, comme le recommande le nouveau Code, et de pouvoir s’y conformer, tient-il à rappeler. Tout cela répond au souci d’obtenir une meilleure efficacité énergétique. »

Selon le coprésident du Groupe Lessard, il n’aura jamais été aussi pertinent de prendre le virage du préfabriqué surtout en tant de crise pandémique. « Avec l’avènement de la COVID-19 et tous les problèmes reliés à la sécurisation de l’approvisionnement des composantes, cela devient de plus en plus d’actualité. Ne pas pouvoir fabriquer d’avance occasionnerait beaucoup de retard et enclencherait une série d’événements qui pourraient avoir de graves conséquences au chantier, qui retarderaient le projet et qui engendreraient des coûts importants. Alors, oui, je dirais même qu’il s’agit d’un passage obligé », affirme-t-il sans détour.

Un geste architectural assumé

Le recours aux panneaux architecturaux préfabriqués relève aussi d’une intention de conception. « Dans le design de cette tour, il y avait une envie d’inscrire l’enveloppe dans le contexte historique de la ville en lui donnant un aspect plus minéral qui répond à ce qui se faisait par le passé. Et ce qui rend le béton préfabriqué intéressant dans ce projet-ci, ce sont les effets architecturaux quasi illimités qu’il nous permet de créer », expose Vera Karaklas, architecte, Groupe Architex, également impliquée dans le projet. 

Guy Tremblay acquiesce d’emblée : « Un tel geste architectural, une telle articulation très prononcée comme on la retrouve sur le 900, il n’y a que des panneaux de béton préfabriqué qui peuvent permettre un tel mouvement à un coût qui est quand même abordable. Le béton préfabriqué est probablement le seul matériau sur le marché qui permet à l’architecte d’exprimer toute sa créativité, notamment sur le plan de l’articulation, des textures et des couleurs.

Pour Brian E. Burrows, il ne fait aucun doute que ce type de construction annonce une expression architecturale marquée dans la ville. « Bien qu’il s’agisse d’un phénomène récent, on voit de plus en plus de bâtiments en hauteur qui font leur apparition, et je crois que cela affectera le style d’architecture à Montréal dans un avenir très rapproché. »